Les derniers iroquois. Emile Chevalier

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Les derniers iroquois - Emile Chevalier

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dit M. Garneau, se composait d’une cinquantaine de maisons en bois, de cinquante pas de long sur douze ou quinze de large, couvertes d’écorces cousues ensemble avec beaucoup de soin. Chaque maison contenait plusieurs chambres distribuées autour d’une grande salle carrée où la famille se tenait habituellement et faisait son ordinaire. Le village lui-même était entouré d’une triple enceinte circulaire palissadée, percée d’une seule porte fermant à barre. Des galeries régnaient en plusieurs endroits en haut de cette enceinte, et au-dessus de la porte, avec des échelles pour y monter et des amas de pierres déposées au pied pour la défense. Dans le milieu de la bourgade se trouvait une grande place[9]».

      Voilà le berceau de Montréal.

      Les années fuient sur le cadran des âges, insensiblement, et malgré l’incurie si déplorable du gouvernement français, le Canada se peuple, Champlain commence la ville de Québec; des établissements se forment à Sillery, à Trois-Rivières[10], des missionnaires catholiques, la croix d’une main, la houe ou l’arquebuse de l’autre, se répandent partout, convertissant les Indiens, défrichant les terres, érigeant des fermes et des maisons d’éducation.

      Mais c’est en 1640 seulement que la richesse du site de Hochelaga attire l’attention. Ce site est une île longue de neuf lieues sur deux et demie de large environ. Une compagnie de négociants français se la fait concéder et y envoie un de ses membres, Paul de Chomedy, sieur de Maisonneuve, gentilhomme champenois, avec ordre d’y implanter une colonie.

      «Il partit pour le Canada le cœur plein de joie. En arrivant, le gouverneur voulut en vain le fixer dans l’île d’Orléans[11], pour ne pas être exposé aux attaques des Iroquois; il ne voulut pas se laisser intimider par les dangers et alla, en 1617, jeter les fondements de la ville de Montréal. Il éleva une bourgade palissadée à l’abri des attaques des Indiens, qu’il nomma Ville-Marie, et se mit à réunir des sauvages chrétiens ou qui voulaient le devenir, autour de lui, pour les civiliser et leur enseigner l’art de cultiver la terre. Ainsi Montréal devint à la fois une école de civilisation, de morale et d’industrie, destination noble qui fut inaugurée avec toute la pompe de l’Église».

      La colonie de Ville-Marie[12] s’accrut lentement d’abord; ses premiers pas furent incertains, arrêtés par mille obstacles. En 1664, elle ne comptait que 884 familles. Néanmoins on pouvait prévoir la rapidité de son extension future, car déjà son enceinte dépassait celle de Québec, ville qui, quoique fondée trente-quatre ans plus tôt, n’avait à la même époque que 888 habitants.

      De ce moment jusqu’à nos jours, la population de Montréal suivit incessamment une marche ascendante.

      Aujourd’hui le chiffre de cette population peut être porté à 100 000 âmes, tandis que Québec, que beaucoup de nos géographes s’obstinent à citer uniquement comme la seule ville importante du Canada, n’en a guère plus de 50 000.

      Nous ne saurions mieux comparer l’île de Montréal qu’à un bicorne dont la ville figurerait l’aigrette. Au nord, elle est arrosée par la rivière des Prairies, branche de l’Outaouais (ou Ottawa), et au sud par le Saint-Laurent qui, devant la ville, a plus de deux milles de large.

      Adossé à la montagne d’où elle tire son nom. Montréal (Mont-Royal) offre à la vue une sorte de parallélogramme avec ses trois cents rues coupées à angle droit.

      La principale voie passagère, la rue Notre-Dame, s’étend du nord à l’est sur un espace de plus d’un mille. Elle est le centre du commerce de détail, le rendez-vous du monde élégant. Des magasins fort coquets, et quelques-uns fort riches aussi, la bordent des deux côtés. Elle est partagée par la place d’Armes sur laquelle on a construit, il y a une trentaine d’années, la cathédrale Notre-Dame, basilique dans le genre néogothique, mais prétentieuse, mince, étriquée, une sorte de monument en carton-pierre, bien qu’on le considère comme le temple le plus vaste de l’Amérique septentrionale. Au-delà on remarque aussi le nouveau Palais de Justice, dont la façade a une grande mine, mais dont la distribution intérieure laisse beaucoup à désirer: son portique appartient au style grec. Il se dresse en face de la place Jacques-Cartier, sur laquelle, par un contresens risible, ou plutôt par une dérision amère, les Anglais ont élevé une colonne et une statue à l’amiral Nelson!

      Parallèlement à la rue Notre-Dame, s’élance la rue Saint-Paul, plus étroite, moins élégante, mais non moins animée. La partie septentrionale est envahie par les petits négociants en nouveautés, mercerie et quincaillerie; la partie méridionale par les gros importateurs, dont les immenses magasins descendent jusqu’à la rue des Communes, laquelle longe les quais.

      Bâtis en belle pierre de taille à douze ou quinze pieds du niveau du Saint-Laurent, ces quais se déploient devant la ville comme un inébranlable rempart. Pendant la bonne saison, les oisifs et les curieux s’y rassemblent. Peu de promenades présentent, à notre avis, autant d’agréments que celle-là.

      En se dirigeant vers le sud, le regard franchit des paysages aussi séduisants que variés, après avoir passé par-dessus le magnifique pont tubulaire Victoria, le plus beau au monde, construit dernièrement par le célèbre ingénieur anglais Stevenson.

      Qu’il s’arrête sur les nombreux navires de toutes les nations, voiliers ou vapeurs, goélettes ou trois-mâts, canots d’écorce ou vaisseaux de guerre, mouillés dans les bassins, qu’il ondule avec les eaux diaphanes du roi des fleuves, qu’il vague mollement à travers les quinconces de l’île Sainte-Hélène qui, telle qu’une corbeille de verdure, émerge de l’onde vis à vis de la ville, ou qu’avide et amoureux des champs, il saute à l’autre rive du Saint-Laurent, l’œil trouve cent sujets de plaisir, d’instruction, de rêverie, de délices.

      C’est un spectacle enchanteur pour l’artiste nonchalant, insoucieux, et pour le spéculateur alerte, farci de chiffres.

      Entendez le sifflement des steamers! suivez ce double panache de fumée qui se balance au faîte de leurs noires cheminées; voyez-vous dans cette atmosphère imprégnée d’odeurs résineuses et aquatiques, ou bien comptez ces boucauts de sucre, ces quarts[13] de farine, ces barriques de tabac, ces caisses, ces ballots de toutes sortes amoncelés sur les quais!

      Partout l’activité, partout le travail intelligent, partout l’abondance.

      Des hommes, des chevaux, des cabs, des cabrouets se pressent, se froissent se heurtent. On dirait de l’entrepôt général du trafic du globe.

      Mais laissons la rue des Commissaires où nous ramèneront vraisemblablement les incidents de notre récit.

      En examinant Montréal à vol d’oiseau, nous voyons la ville s’étager en amphithéâtre dans les plis d’un terrain fortement tourmenté.

      Les quartiers limitrophes du fleuve sont exclusivement consacrés aux affaires. La majeure partie de la population y est anglaise. Plus loin, en escaladant les premières rues de la montagne, nous rencontrons les rues Craig, Vitré, de la Gauchetière, Dorchester, et la grande rue Sainte-Catherine; plus loin encore, la rue Sherbrooke. Toutes observent un parallélisme remarquable.

      Les premières sont habitées par des Canadiens-français, la dernière par l’aristocratie anglaise.

      Perdue sous des allées d’arbres touffus, la rue Sherbrooke ressemble vraiment à l’avenue d’un Éden. Là on n’entend ni tumulte, ni grincement criard. Le chant des oiseaux, les soupirs d’une romance, les frémissements d’une harpe, le chuchotement d’un piano viennent caresser vos oreilles.

      Là, point de luxueux magasins pour fasciner vos yeux, mais des cottages gracieux, des villas pimpantes, des manoirs féodaux en miniature, de vertes pelouses, des jardins émaillés

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