L'île de sable. Emile Chevalier

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L'île de sable - Emile Chevalier

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est touché, il tombe!

      Aussitôt les nerfs de Laure se détendent, elle est frappée au coeur, elle s'affaisse! Catherine vole à son secours.

      Le lendemain soir, entre onze heures et minuit, Laure de Kerskoên, châtelaine de Vornadeck, enveloppée de la tête aux pieds dans une mante noire, et munie d'une lanterne, traversait furtivement la cour d'honneur du castel, marchant droit au donjon. Une sentinelle est en faction à l'entrée, mais on lui a fait boire un soporifique et elle dort profondément, adossée à la guérite.

      Laure pénètre dans la tour, monte au premier étage, et tirant de son corsage une grosse clef, ouvre, après mille difficultés, la porte d'une chambre de forme triangulaire.

      Cette chambre, c'est la prison de Bertrand.

      Enchaîné sur un bloc de pierre, le jeune homme était on proie à une fièvre ardente, occasionnée par la blessure qu'il avait reçue à l'épaule.

      – Qui est là? dit-il dolemment.

      La jeune fille démasqua la lanterne qu'elle avait cachée sous sa mante et vint s'agenouiller près de lui.

      – Laure! est-ce un rêve?

      – Las! pauvre Bertrand!

      – Mais quoi, je ne rêve pas! c'est vous, bien vous! Oh! approchez… encore… encore… là, que je sente vos vêtements, que je respire votre haleine! Mon Dieu! oui, c'est elle. C'est vous, Laure…

      – Cher Bertrand, dans quelle position!…

      – Ne me plaignez pas, Laure, bon ange, idole adorée, je suis heureux, puisque vous me donnez cette preuve d'amour. Maintenant, j'affronterais les derniers supplices sans sourciller.

      – Que parlez-vous de supplices, ami! je suis venue pour vous délivrer.

      Le prisonnier sourit amèrement.

      – Oh! dit-il, en montrant les fers dont il était chargé.

      – Êtes-vous trop faible pour vous soutenir?

      – Comment cela?

      – Tenez, dit Laure en lui présentant une petite lime.

      Un éclair de joie colora le visage pâli de Bertrand.

      – Ensuite? dit-il.

      – Ensuite, ne craignez rien.

      Et de ses doigts mignons, la charmante enfant commença à limer la chaîne qui scellait son amant à la muraille.

      Ce travail fut lent et pénible, les blanches mains de Laure se teignirent de sang. Mais le courage de l'amour l'animait— ce courage qui a fait tant de femmes héroïques— et au bout d'une heure, la chaîne était sciée.

      – A présent, hâtons-nous, dit-elle.

      L'espérance de la liberté prêta des forces au captif. Ils descendirent les marches du donjon, et arrivèrent au rez-de-chaussée dans une grande pièce au centre de laquelle on remarquait un puits.

      – Écoutez, dit alors la châtelaine, en indiquant le bord du puits, Bertrand, il faut nous quitter ici. A quelques pieds au-dessous de la margelle, ce puits renferme un escalier, et plus bas, un passage souterrain qui vous conduira sur le flanc septentrional de là montagne. Voici la clef de la poterne dérobée. Mais, sur votre honneur, jurez-moi que jamais vous ne révélerez le secret que je vous confie!

      – Hélas! dit le jeune homme d'un ton plaintif, je ne me gens plus la volonté de partir. Laure, je voudrais mourir!

      – Laissez là, ami!

      – Sans vous, l'existence…

      – Bertrand, jamais je n'appartiendrai à d'autre qu'à vous. Prenez cet anneau, c'est celui que me légua ma pauvre mère… qu'il soit le gage de nos fiançailles!

      Le jeune homme s'empara de l'anneau et le porta à ses lèvres.

      – Allons, séparons-nous, le temps presse, dit Laure, les yeux gonflés de larmes.

      Aidé par sa maîtresse, Bertrand descendit dans le puits, rencontra le premier degré de l'escalier à mi-hauteur du corps, et adressa à la jeune allé un signe d'adieu.

      Mais elle se pencha jusqu'à lui et le baisa au front.

      – Oh! tu, seras à moi, ma bien-aimée! proféra le prisonnier avec transport; et, tenant de la main gauche la lanterne que Laure lui avait remise, il s'enfonça dans les profondeurs du gouffre.

      Peu à peu, le son de ses pas s'évanouit, et lorsqu'ils eurent cessé de résonner sur les degrés humides, la nièce de Guillaume de la Roche se releva en disant:

      – Bénie soit ma secourable patronne! Bertrand est sauvé!

      Quelques minutes après, Laure de Kerskoên, comtesse de Vornadeck, rentrait dans son appartement sans avoir été remarquée.

      IX. AVANT LE DÉPART

      Un mois s'est écoulé depuis les divers événements que nous avons racontés. Laure, à la fenêtre où nous l'avons déjà vue, Laure attend. Une colombe arrive; son blanc plumage rappelle notre gentille messagère d'amour. En effet, c'est Adresse. Elle apporte une lettre.

      Cette lettre lui apprend que Bertrand est en sûreté, remis de ses blessures, qu'il se propose de l'enlever, et l'engage à feindre de l'amour pour le vicomte Jean de Ganay et à lui déclarer qu'elle a fait voeu de ne pas contracter d'engagement avant l'âge de vingt ans, afin de le déterminer à ajourner à son retour du Canada leurs fiançailles qui doivent avoir lieu le lendemain.

      Après avoir lu et, relu ce billet que, plusieurs fois, elle mouilla de douces larmes, Laure de Kerskoên se rendit dans la salle d'armes. Elle savait y rencontrer Jean de Ganay. L'écuyer se promenait soucieux, agité de sombres pressentiments.

      – Vous paraissez bien morne, messire, lui dit la jeune fille, de sa voix la plus câline; vous serait-il advenu malheur?

      – Ah! damoiselle, répondit le vicomte, oui, il m'advient grand malheur! si grand que je crains de n'en pouvoir supporter l'étendue.

      – Vraiment! serais-je indiscrète en vous demandant la cause de cette vive affliction?

      – Vous-même n'êtes-vous donc pas chagrine?

      – Moi, sainte Vierge! oui, bien chagrine! Mon oncle a beau dire, je ne puis m'habituer à l'idée de son départ, et…

      – Et? s'écria Jean intrigué.

      Laure baissa ses longues paupières avec un geste de pudeur, mais sans répondre.

      – Ne regretterez-vous que le seigneur de la Roche? insinua l'écuyer, en proie à une émotion poignante.

      – Pensez-vous que j'oublie mes amis, messire Jean! répliqua l'amante de Bertrand, accompagnant cette interrogation d'un coup d'oeil si expressif, que le pauvre vicomte se crut aimé et faillit se précipiter aux pieds de la sirène.

      – Mais, dit-il d'un ton pénétré, suis-je au nombre de vos amis?

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