Le crime de l'Opéra 1. Fortuné du Boisgobey

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Le crime de l'Opéra 1 - Fortuné du Boisgobey

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style="font-size:15px;">      – En vérité, c’est trop fort! Aller s’accointer d’une farceuse, parce qu’elle est à la mode, tandis qu’on pourrait trouver dans le vrai monde… Tiens! tu ressembles à ces provinciaux qui préfèrent un hôtel élégant où on vous empoisonne, à une honnête auberge où la cuisine est excellente. Décidément, monsieur mon neveu, vous n’êtes qu’un sot.

      – Pas si sot, puisque j’ai rompu avec Julia.

      – Bah! vraiment?

      – Complètement, radicalement, définitivement. Si ces trois adverbes ne vous suffisent pas…

      – Mais si, mais si. Je ne te crois pas assez dépourvu de sens pour chercher à me berner. Tu ne me prends pas pour un oncle de comédie. Alors, c’est une conversion…

      – Sincère, je vous l’affirme.

      – Et méritoire, j’en conviens, car la donzelle est jolie… très jolie même. Pourrait-on savoir à quelle heureuse influence est due cette conversion? On ne prend pas le chemin de Damas comme on prend l’avenue des Champs-Élysées… par hasard.

      – Mon Dieu! je n’ai rien de commun avec saint Paul. Ce n’est pas une illumination d’en haut qui m’a converti. Mais j’ai beaucoup réfléchi depuis un mois. Je me suis dit qu’à vingt-neuf ans, il est bien temps de faire une fin. Julia, ou Cora, ou Olympe, ou Claudine, c’est toujours le même tour du lac. Le cercle m’assomme. Le jeu ne m’amuse plus que quand je perds, et alors cela devient un divertissement trop coûteux. Pour me distraire, je ne vois plus que la magistrature, et je viens vous prier…

      – Tu appelles la magistrature une distraction! Avec quelle irrévérence parle des dieux ce maraud! Si tu entres au parquet avec ces idées-là, tu feras un joli substitut!

      – Mais il me semble, mon cher oncle, qu’il y a quinze ans, quand vous fûtes nommé substitut à Nogent-le-Rotrou, si je ne m’abuse, vous ne meniez pas une vie d’ermite.

      – Moi, c’est différent. J’avais déjà le feu sacré. Tu ne feras peut-être pas un mauvais juge. Ton grand-père l’était, ton bisaïeul l’était. Juger, c’est dans le sang des Darcy. Mais, si tu ne vois dans la magistrature qu’une carrière comme une autre, si tu y entres pour y chercher de l’avancement, je te conseille de rester ce que tu es… un être inutile, mais inoffensif.

      – Merci, mon oncle, dit Gaston en riant.

      – Et encore, reprit M.  Darcy, quand je dis: inoffensif, je m’avance trop. Je te crois très capable de mal faire, pas par méchanceté, mais par entraînement.

      »Maintenant, je reviens à mes moutons, c’est-à-dire au parquet. Il ne tient qu’à moi, parbleu! de t’y faire attacher. Le procureur général m’a encore dit hier qu’il te prendrait volontiers. Et, dans un an, tu pourras être envoyé comme juge suppléant dans un tribunal du ressort.

      »Bon! mais après? Te figures-tu que ta cervelle deviendra raisonnable parce que ta tête sera coiffée d’une toque noire? Te fais-tu seulement une idée de ce qu’il faut avoir de sagesse et d’impartialité pour être un magistrat passable? Il y a quinze ans que je travaille à acquérir ces qualités-là, et je ne me flatte pas de les posséder. Et je n’entame jamais une instruction sans être pris d’un accès de défiance de moi-même. Toi, tu ne doutes de rien. Je parie que, si tu étais juge, tu n’hésiterais pas à instruire une affaire à laquelle se trouverait mêlée la d’Orcival qui a été ta maîtresse.

      – Pardon! j’hésiterais et même je refuserais. Mais ce sont des hasards qui n’arrivent pas.

      – Tu crois? Tu crois peut-être aussi que cette d’Orcival n’a que des galanteries à se reprocher? Eh bien, mon cher, peu s’en est fallu qu’elle ne fût arrêtée à propos de cette pendaison. Tiens! si tu veux être édifié sur le compte de la dame, lis ces notes de police que j’ai reçues, il y a une heure.

      En arrivant chez son oncle, Gaston se demandait s’il ne ferait pas bien de lui raconter, sans rien omettre, l’histoire de sa dernière visite à madame d’Orcival. Julia, dans sa lettre d’adieu, lui promettait de se taire et l’engageait à en faire autant; mais il savait que l’oncle Roger était incapable d’abuser d’une confidence, et il n’aurait pas été fâché d’avoir son avis sur le cas.

      Quand le juge l’invita à lire un rapport de police où il était question de madame d’Orcival, Gaston pensa qu’avant de parler, il ferait mieux de prendre connaissance de ce document qui l’intéressait à plus d’un titre.

      Il prit donc le papier administratif que lui tendait M.  Roger Darcy, et il lut ceci:

      «Julie-Jeanne-Joséphine Berthier, dite Julia d’Orcival, trente ans. Née à Paris en 1848. Fille naturelle reconnue par un officier retraité qui jouissait d’une certaine aisance, et qui l’a fait élever dans un pensionnat de Saint-Mandé. N’a jamais connu sa mère. À perdu son père un an après qu’elle était sortie de pension, et a hérité de lui une vingtaine de mille francs. Reçue institutrice à l’Hôtel de ville et placée en cette qualité chez de riches étrangers qui voyageaient beaucoup. Séduite et enlevée à Aix en Savoie, par un Espagnol qui l’a emmenée à Madrid où il est mort peu de temps après, en lui léguant par testament une somme importante.

      «Revenue aussitôt à Paris, Julie Berthier a profité de l’indépendance que lui assurait ce legs pour se lancer dans le monde des femmes galantes et pour s’y créer une situation exceptionnelle. Sa beauté, son éducation, son esprit l’ont promptement conduite à la fortune. A eu, avant, pendant et depuis cette liaison, de nombreuses intrigues. Est, en ce moment, la maîtresse attitrée d’un jeune homme appartenant à une excellente famille.»

      Gaston lisait tout haut. À ce passage, son oncle se mit à rire.

      – C’est de toi qu’il s’agit, mon cher, dit-il, et si le policier qui a rédigé ce rapport ne t’a pas nommé, c’est qu’il sait que tu es mon neveu. Mais il te connaît. Tu es noté à la Préfecture. Bonne recommandation pour te faire attacher au parquet!

      – Mais, s’écria Gaston, il est mal informé, votre policier, il aurait dû mettre: était en dernier lieu la maîtresse de…

      – Tu me la bailles belle, avec ton dernier lieu. La police ne tient pas registre jour par jour des variations du cœur de ces dames. Elle n’y suffirait pas. Et, après tout, il n’y a pas si longtemps que tu t’es tiré des griffes de la d’Orcival. Je t’ai aperçu l’autre jour avec elle, dans une baignoire des Variétés, à la première du Grand Casimir… où, entre parenthèses, je me suis bien amusé. Quand donc as-tu rompu?

      – Hier.

      – Diable! il était temps. Continue cette lecture intéressante.

      Gaston, assez décontenancé, reprit:

      «Entre autres connaissances, Julie Berthier a fait, il y a trois ans, celle du soi-disant comte Golymine. Ce personnage, qui s’appelait, à ce qu’on croit, de son véritable nom, Lemberg, était né en Gallicie, et avait beaucoup voyagé en Europe et en Amérique. Menait grand train à Paris, sans que personne connût l’origine de sa fortune. A été accusé en Russie de fabriquer de faux billets de banque, et soupçonné en France de pratiquer le chantage. Ces soupçons étaient d’autant plus vraisemblables qu’il a été l’amant de plusieurs femmes très haut placées. N’a cependant jamais été l’objet d’aucune plainte administrative.

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