Le crime de l'Opéra 1. Fortuné du Boisgobey
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– Chef de brigands! dit M. Darcy. Je ne m’étonne plus que les femmes raffolassent de lui. Mais je ne crois pas beaucoup à l’organisation des voleurs de nuit. Les agents ont de l’imagination maintenant. La lecture des romans judiciaires les a gâtés.
Gaston aurait pu fournir à son oncle un renseignement tout frais sur les procédés de ces messieurs, mais il était décidé à ne parler de sa mésaventure à personne, et, de plus, le rapport l’intéressait assez pour qu’il lui tardât de le connaître tout entier.
Il se remit donc à lire:
«De toutes les informations recueillies sur Golymine et sur Julie Berthier ressortait une présomption de connivence entre eux, présomption qui devait nécessairement éveiller l’attention de la Préfecture, aussitôt que le suicide a été connu. Le commissaire a dû examiner avant tout si la mort du comte n’était pas le résultat d’un crime. Les témoignages et les constatations médicales n’ont laissé aucun doute à cet égard. Golymine s’est suicidé à la suite d’une violente altercation avec son ancienne maîtresse. La disposition de l’appartement et l’absence des domestiques expliquent comment il a pu se pendre, sans que Julie Berthier en ait eu connaissance. Elle a, du reste, envoyé au commissariat du quartier, aussitôt qu’elle a appris l’événement par sa femme de chambre qui, la première, a découvert le cadavre.
«On a trouvé sur Golymine une somme de trente mille francs en billets de banque, quatre cent soixante-dix francs en or, une montre de prix et des bijoux d’une assez grande valeur. Il est donc certain qu’aucun vol n’a été commis.
«Golymine n’avait d’ailleurs, dans son portefeuille ou dans ses poches, ni lettres, ni papiers. Des recherches effectuées ce matin dans l’appartement meublé qu’il occupait rue Neuve-des-Mathurins n’ont fait découvrir aucun document écrit. On a cependant des raisons de croire que Golymine était détenteur de correspondances compromettantes pour l’honneur de certaines personnes. Et il n’est pas impossible que sa dernière visite à Julie Berthier ait eu pour objet ces correspondances. Les rapports qui ont existé entre eux autrefois autorisent cette supposition. Mais, pour la vérifier, une perquisition dans le domicile de Julie Berthier serait indispensable, et le commissaire n’a pu prendre sur lui de l’ordonner. Julie Berthier, dite Julia d’Orcival, est liée avec des hommes du meilleur monde, et l’application de cette mesure pourrait présenter quelques inconvénients.»
– On trouverait tes billets doux, mon garçon, dit en riant M. Darcy.
– Oh! on en trouverait fort peu, et ceux qu’on trouverait ne sont pas d’un style bien tendre: «Ce soir, à sept heures et demie, au café Anglais», ou «Je n’ai pu avoir d’avant-scène pour ce soir.»
– Oui, je sais que la belle jeunesse dont tu fais partie affecte l’indifférence à l’endroit des femmes… ce qui ne l’empêche pas, d’ailleurs, de se ruiner avec elles. Mais je crois qu’il te serait fort désagréable d’être mêlé, d’une façon quelconque, à cette vilaine histoire… surtout maintenant que tu as brisé le doux lien qui t’enchaînait, dirait M. Prudhomme. Rassure-toi. On ne perquisitionnera pas chez ton ex-belle. Dans le premier moment, les gens de la police avaient vu dans ce suicide une affaire mystérieuse. On parlait déjà de me charger de l’instruction. En y regardant de plus près, on a vu qu’il n’y avait rien, et tout se bornera à un procès-verbal. J’en suis bien aise pour toi… et même pour moi. Le souvenir de tes amours avec la d’Orcival m’aurait gêné.
– Maintenant, parlons d’autre chose.
– Bien volontiers, dit Gaston.
– Je te tiens, je ne te lâche plus. Tu vas dîner avec moi. Il y a un cuissot de chevreuil dont tu me diras des nouvelles.
Et, comme le neveu faisait mine de vouloir s’excuser, l’oncle s’écria:
– Ne t’avise pas de me conter que tu as promis à des godelureaux de ta connaissance de les rejoindre au restaurant. Tu ne dînes pas avec ta princesse, puisque vous êtes brouillés sans retour. Donc, tu dînes avec moi. Et, en attendant, prépare-toi à écouter un discours sérieux.
– Je suis en excellentes dispositions pour le goûter.
– Alors, je vais au fait, sans préambules. Tu veux être magistrat; c’est fort bien, mais ce n’est pas assez. Il faut que tu te maries.
– Je n’y répugne pas.
– Bon! voilà qui est admirable. Et je te félicite d’être devenu si accommodant sur ce chapitre. Il n’y a pas huit jours, quand je te parlais mariage, tu te cabrais comme un cheval rétif. Il est vrai que tu étais en tutelle. Ta Julia n’entendait pas de cette oreille-là, et elle te menait par le bout du nez. Je patientais parce que je suis un oncle gâteau. Mais, à présent, je ne plaisante plus. Tu vas doubler le cap de la trentaine, mon cher. C’est le moment. Plus tard, tu aurais une foule de raisons à mettre en avant pour rester garçon, et c’est ce que je ne permettrai pas. Je veux des héritiers. J’ai toi, mais ça ne me suffit pas. Il me faut des petits Darcy qui puissent présider les tribunaux du vingtième siècle. Ton bisaïeul présidait avant la Révolution. Moi, je présiderai, dès que je serai trop vieux pour faire un bon juge d’instruction. Je prétends que la série soit continuée indéfiniment.
»Et c’est toi que ce soin regarde.
– Pourquoi pas vous, mon oncle?
– Hé! hé! il ne faudrait pas m’en défier. Si tu t’avisais de faire le récalcitrant, je me marierais très bien, j’aurais une demi-douzaine de garçons… et alors, mon bel ami, adieu ma succession!
– Oh! dit Gaston, avec un geste de neveu désintéressé.
– N’en fais pas fi. Elle sera ronde, ma succession, et tu dois avoir déjà de jolis trous à boucher. Voyons, là, franchement, combien as-tu mangé de ton capital, depuis que tu es majeur?
– Deux cent mille… peut-être un peu plus.
– Ou beaucoup plus. Les d’Orcival sont chères. Mais j’admets ton chiffre de deux cent mille. Il te reste donc à peine trente mille livres de rente. Au train dont tu vas, c’est l’hôpital dans cinq ou six ans… ou l’Australie, la Californie, et autres expatriations forcées. Suis mon raisonnement, je te prie. Il est d’une logique rigoureuse. À l’heure qu’il est, tu as encore une valeur matrimoniale. Tu es jeune, tu n’es ni sot ni mal tourné, on te croit riche, et on sait que tu hériteras de moi… le plus tard possible, je t’en préviens. Tu ne vaudras plus rien du tout dans cinq ans, car tu n’auras plus un sou, et moi, lassé de t’attendre, je me serai bel et bien marié. Tu en seras réduit à chercher des demoiselles riches et bossues. Riante perspective!
– Mais, mon oncle, puisque je vous dis que je suis décidé… en principe.
– Très bien! Alors, j’ai ton affaire. Madame Cambry a soixante bonnes mille livres de rente, et je connais peu de femmes aussi séduisantes et aussi méritantes qu’elle. Tu vas m’objecter qu’elle a vingt-quatre ans et qu’elle est veuve. Je te répondrai que cinq ans de différence d’âge suffisent pour faire un ménage assorti; que madame Cambry a été mariée six mois à un homme médiocrement aimable