Coeur de panthère. Gustave Aimard

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Coeur de panthère - Gustave  Aimard

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un homme ou une femme.

      Au même instant, une fenêtre située directement au-dessus s’ouvrit, la tête d’une femme apparut, et une voix féminine s’écria:

      – N’avez-vous pas entendu un bruit inusité, lieutenant Blair?

      – Oui, Manonie. Avez-vous remarqué quelque chose de suspect?

      – Certainement! je ne dormais pas et j’écoutais avec attention pour savoir si je n’entendais pas arriver mon mari que j’attends cette nuit. Eh bien! je jure qu’un individu ou un objet quelconque a frappé à votre volet.

      – Moi, au contraire, j’estime que nous nous sommes trompés tous deux. Ce sera le clapotement de la pluie ou le grincement des volets qui nous aura inquiétés.

      – Non! non! mon oreille a été attentive aux moindres bruits depuis la chûte du jour, elle n’avait rien entendu de semblable jusqu’à ce moment. Je ne serais pas du tout surprise que les Indiens fussent en train de rôder par ici.

      – Vous me paraissez dans l’erreur, Manonie. Vous êtes dans une agitation nerveuse occasionnée par l’absence de votre mari. Il serait impossible à un Sauvage d’entrer ici sans être aperçu. Je vous conseille de vous reposer; cet état d’attente et de vigilance forcée vous fait mal.

      – Il me serait impossible de prendre du repos, alors même que je le voudrais. D’ailleurs, mon petit Harry a eu la fièvre et a passé une partie de la nuit dans l’insomnie. Il dort à cette heure.

      – Sans doute vos inquiétudes l’ont agité. Croyez-moi, remettez-vous au lit, sans vous tourmenter davantage de tout cela. Si, par hasard, le bruit se renouvelait, je sortirais aussitôt pour faire une ronde sévère, et vérifier ce qui se passe.

      – Vous n’avez rien entendu dire sur le sort de mon mari et de nos amis, n’est-ce pas?

      – Pas encore; mais je n’ai aucune crainte à leur sujet.

      – Je n’en puis dire autant: tout ce que je vois depuis quelques jours me donne à penser que les Sauvages préparent quelque méchanceté. J’en ai aperçu bon nombre errant dans les environs, et leur apparition en ces lieux ne présage rien de bon. Je suis tourmentée de l’idée que mon mari n’était pas escorté de forces suffisantes.

      – Oh! nous lui avons encore envoyé cent hommes de renfort. Demain, sans doute, nous les verrons arriver sains et saufs.

      – Dieu le veuille! bonsoir, lieutenant Blair.

      Sur ce propos Manonie ferma ses contrevents.

      Le jeune officier resta encore un moment occupé à sonder les obscurités de la nuit, puis il referma sa fenêtre et alla se coucher.

      Wontum se releva d’un seul bond.

      Si quelque spectateur invisible avait pu apercevoir le visage de l’Indien, il aurait été épouvanté de l’infernale et triomphante expression qui se peignait sur ses traits de bronze. Le démon rouge savait maintenant tout ce qu’il voulait: Manonie était enfin trouvée; sa chambre était connue; l’absence de son mari, l’absence des meilleurs soldats du Fort, la faiblesse numérique de la garnison, tout venait d’être révélé à l’audacieux espion.

      Il eût peine à retenir le cri de joie qui gonflait sa poitrine.

      Son premier mouvement fût de rejoindre ses guerriers et de donner immédiatement l’assaut; une réflexion l’arrêta: le jour allait se lever dans peu d’heures, trop tôt peut-être pour que les Indiens eussent le temps d’être prêts à l’attaque. Or il ne fallait pas se risquer à un combat douteux qui pût aboutir à une défaite.

      D’autre part l’orgueilleux désir de mener tout seul à fin cette sinistre aventure le possédait. En un instant il eut combiné son plan, basé sur ce que le lieutenant Blair venait de dire; savoir, qu’il sortirait pour faire une ronde s’il entendait le moindre bruit.

      Il se rapprocha donc du volet et le cogna doucement, de façon à ce que Manonie ne pût l’entendre, puis il s’étendit par terre vivement. La fenêtre de Blair s’ouvrit brusquement et cet officier demanda «qui va là?».

      Bien entendu il ne reçut pas de réponse.

      Alors le lieutenant sortit de sa chambre et ouvrit la grande porte d’entrée: le Sauvage, aussitôt qu’il entendit ses pas craquer sur le gravier des allées, s’élança, prompt comme la pensée, dans la chambre vacante et se blottit sous le lit.

      Un sourire diabolique contracta ses traits, lorsque son oreille attentive saisit les ordres de recherche donnés par Blair à haute voix.

      – Personne n’aura l’idée de regarder par ici, pensa-t-il; Wontum est plus rusé que le serpent, plus subtil que l’oiseau de la nuit: il se rit des Faces-Pâles.

      Au bout de quelques minutes l’officier rentra dans sa chambre, s’assit devant sa table et se mit à feuilleter des papiers en attendant le résultat des perquisitions. Au bout d’une heure, un caporal se présenta et informa son chef que tout avait été visité dans le fort sans aucun résultat. Alors le lieutenant ferma ses volets, puis se coucha.

      Une heure après, la respiration égale et retentissante du jeune homme annonça à son dangereux hôte qu’il était profondément endormi. Wontum rampa hors de sa cachette avec des précautions infinies, s’assit sur le bord du lit, et se mit à contempler le lieutenant, qui, certes, ne soupçonnait point le terrible péril auquel il était exposé.

      Le Sauvage tira de sa ceinture un couteau long et acéré; il en essaya la pointe sur le bout de son doigt, et éprouva un mouvement de satisfaction intime en se voyant maître de la situation, en voyant un de ses ennemis mortels complètement à sa discrétion.

      Il se redressa de toute la hauteur de sa grande faille et se pencha sur le dormeur en levant son couteau qui jeta, dans l’ombre, un éclair sinistre.

      Puis, sa main s’abaissa sans frapper… Le jeune lieutenant souriait au milieu d’un rêve… peut-être son âme, libre pendant quelques instants des liens terrestres, s’était envolée aux régions heureuses où tout est joie, bonheur et amour.

      Presque en même temps, troublé par les effluves magnétiques rayonnant autour de l’Indien, son sommeil fut interrompu soudain; Blair ouvrit les yeux.

      En apercevant près de lui cette forme sombre et menaçante, le jeune officier chercha à se lever; sa poitrine rencontra la pointe du poignard.

      – Silence! gronda le Sauvage.

      – Que voulez-vous?

      – Vous tuer— de suite— voilà!

      Le malheureux lieutenant ferma ses paupières, poussa un soupir; la lame s’était enfoncée toute entière dans sa gorge.

      Le bandit regarda froidement le cadavre et resta quelques moments immobile. Tournant ensuite sur ses talons, il marcha vers la porte, l’ouvrit et fit quelques pas dans le vestibule: la mèche fumeuse et carbonisée d’un quinquet jetait dans l’ombre quelques lueurs mourantes, un profond silence régnait partout. Wontum s’enfonça dans le corridor d’un pas de fantôme, cherchant l’escalier qui menait aux étages supérieurs.

      L’ayant trouvé aisément, il en gravit légèrement les degrés, s’orienta

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