L'éclaireur. Aimard Gustave

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L'éclaireur - Aimard Gustave

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portes de la ville, qui étaient ouvertes, sortaient des groupes d'Indiens à pied et à cheval, qui se dispersaient de tous les côtés, avec des cris de joie et des éclats de rire stridents. De nombreuses pirogues sillonnaient la rivière, les champs se peuplaient de troupeaux de vigognes et de chevaux conduits par des Indiens armés de longues gaules, qui, venus des environs, se dirigeaient vers la ville. Des femmes bizarrement vêtues et portant gaillardement sur leur tête de longues mannes en osier remplies de viandes, de fruits ou de légumes, marchaient en causant entre elles, et accompagnant chaque phrase de ce rire continuel, saccadé et métallique dont les peuplades indiennes ont le secret et dont le bruit ressemble assez à celui que produirait la chute d'une quantité de cailloux sur un plat de cuivre.

      Les jeunes filles et leur guide ne tardèrent pas à se mêler à cette foule bigarrée, au milieu de laquelle elles disparurent.

      Don Miguel poussa un soupir.

      – Partons, dit-il d'une voix profonde.

      Ils regagnèrent la forêt.

      Quelques minutes plus tard ils se remettaient en route.

      – Il faut nous séparer, fit don Miguel, lorsqu'ils eurent traversé la forêt dans toute sa longueur, je retourne à Tubac.

      – Moi, je vais tâcher de rendre un petit service à un chef indien de mes amis.

      – Toujours vous songez aux autres et jamais à vous, mon brave Bon-Affût; toujours vous êtes occupé à être utile à quelqu'un.

      – Que voulez-vous, don Miguel, il paraît que c'est ma mission; vous savez que chacun a la sienne sur la terre.

      – Oui, répondit le jeune homme d'une voix sourde. Allons, adieu, ajouta-t-il au bout d'un instant, n'oubliez pas notre rendez-vous.

      – Soyez tranquille, dans quinze jours, au gué del Rubio, c'est convenu.

      – Pardonnez-moi mes réticences pendant les quelques jours que nous avons passés ensemble; ce secret n'est pas à moi seul, Bon-Affût; je ne suis pas le maître de le divulguer, même à un ami aussi éprouvé que vous.

      – Gardez votre secret, mon ami, je ne suis nullement curieux de le connaître; seulement il est bien entendu que nous ne nous connaissons point, n'est-ce pas.

      – Oui, ceci est fort important.

      – Allons, adieu.

      – Adieu.

      Les deux cavaliers se serrèrent la main, l'un tourna à droite, l'autre à gauche, et ils s'éloignèrent à toute bride, chacun dans une direction opposée.

      XI.

      Le gué del Rubio

      La nuit était sombre, pas une étoile ne brillait au ciel; le vent soufflait avec force à travers les épaisses ramures de la forêt vierge avec ce sifflement triste et monotone qui ressemble au bruit des grandes eaux lorsque menace la tempête; les nuées étaient basses, noires, chargées d'électricité; elles couraient rapidement dans l'espace, cachant incessamment le disque blafard de la lune, dont les rayons sans chaleur rendaient encore les ténèbres plus épaisses; l'atmosphère était lourde, et des bruits sans nom, répercutés par les échos comme les roulements d'un tonnerre lointain, s'élevaient du fond des quebradas et des barancas ignorées de la Prairie; les bêtes fauves hurlaient tristement sur toutes les notes du clavier humain, et les oiseaux de nuit, troublés dans leur sommeil par cet étrange malaise de la nature, poussaient des cris rauques et discordants.

      Au camp des gambucinos, tout était calme; les sentinelles veillaient, appuyées sur leurs rifles et accroupies devant un feu mourant qui achevait de s'éteindre. Au centre du camp, deux hommes fumaient leurs pipes indiennes en causant entre eux à voix basse.

      Ces deux hommes étaient Balle-Franche et Bon-Affût.

      Enfin Balle-Franche éteignit sa pipe, la repassa à sa ceinture, étouffa un bâillement et se leva en allongeant les bras et les jambes pour rétablir la circulation du sang.

      – Qu'allez-vous faire? lui demanda Bon-Affût en se tournant à demi de son côté d'un air nonchalant.

      – Dormir, répondit le chasseur.

      – Dormir?

      – Pourquoi non? La nuit est avancée; seuls, j'en suis convaincu, nous veillons encore: il est plus que probable que nous ne verrons pas don Miguel avant le lever du soleil; donc, le plus convenable, pour le moment du moins, est de dormir, si toutefois vous n'en avez pas décidé autrement.

      Bon-Affût posa un doigt sur sa bouche comme pour recommander la prudence à son ami.

      – La nuit est avancée, dit-il à voix basse, un orage terrible se prépare! Où peut-être allé don Miguel? Cette absence prolongée m'inquiète plus que je ne saurais dire; il n'est pas homme à abandonner ainsi ses compagnons sans une raison bien puissante, ou peut-être…

      Le chasseur s'arrêta en hochant tristement la tête.

      – Continuez, fit Balle-Franche, dites votre pensée tout entière.

      – Eh bien, je crains qu'il ne lui soit arrivé malheur.

      – Oh! Oh! Croyez-vous? Ce don Miguel est cependant, d'après ce que j'ai entendu dire, un hombre de a caballo d'un courage à toute épreuve et d'une force peu commune.

      – Tout cela est vrai, répondit Bon-Affût d'un air préoccupé.

      – Eh bien, pensez-vous donc qu'un tel homme bien armé et connaissant la vie de la Prairie ne soit pas de taille à se tirer d'un mauvais pas, quelque danger qui le menace?

      – Oui, s'il a affaire à un adversaire loyal, qui se place résolument devant lui et entame une lutte à armes égales.

      – Quel autre péril peut-il craindre?

      – Balle-Franche, Balle-Franche! reprit le chasseur avec tristesse, vous avez trop longtemps habité les comptoirs des marchands de pelleteries du Missouri.

      – Ce qui veut dire…? demanda le Canadien d'un ton piqué.

      – Eh! Mon ami, ne vous fâchez pas de mon observation; mais il est évident pour moi que vous avez en grande partie oublié les mœurs du désert.

      – Hum! Ceci est grave pour un chasseur, Bon-Affût, et en quoi, s'il vous plaît, ai-je oublié les mœurs du désert?

      – Pardieu! En ce que vous ne semblez plus vous souvenir que, dans la contrée où nous sommes, toute arme est bonne pour se défaire d'un ennemi.

      – Eh! Je sais cela aussi bien que vous, mon ami; je sais aussi que l'arme la plus redoutable est celle qui se cache.

      – C'est-à-dire la trahison.

      Le Canadien tressaillit.

      – Redoutez-vous donc une trahison? demanda-t-il.

      – Que puis-je craindre autre?

      – C'est vrai, fit le chasseur en baissant la tête; mais, ajouta-t-il au bout d'un instant, que faire?

      – Voilà

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