L'éclaireur. Aimard Gustave

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L'éclaireur - Aimard Gustave

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fatiguées, et leurs visages reflétaient une sombre tristesse. Au bruit des pas qui se rapprochaient, elles levèrent les yeux, et un éclair de joie vint comme un rayon de soleil animer leur visage.

      L'Indien jeta quelques menues branches dans le feu qui menaçait de s'éteindre, tandis que l'un des chasseurs s'occupait à donner aux chevaux, entravés à peu de distance, leur provende de pois grimpants.

      – Eh bien! Don Miguel, demanda l'une des jeunes filles en s'adressant au chasseur qui avait pris place à leurs côtés, sommes-nous bientôt au but de notre voyage?

      – Vous êtes arrivée, señorita: demain, sous la conduite de notre ami Addick, vous entrerez dans la ville, asile inviolable où nul ne vous poursuivra.

      – Ah! reprit-elle en jetant un regard distrait sur le visage sombre et impassible de l'Indien, demain nous nous séparerons?

      – Il le faut, señorita; le soin de votre sûreté l'exige.

      – Qui oserait me venir chercher dans ces parages inconnus?

      – La haine ose tout! Je vous en supplie, señorita, ayez foi en mon expérience; mon dévouement pour vous est sans bornes; vous avez, bien que fort jeune encore, assez souffert pour qu'un rayon béni du soleil vienne égayer votre front rêveur et dissiper les nuages que la pensée et la douleur y amassent depuis si longtemps.

      – Hélas! fit-elle en baissant la tête pour cacher les larmes qui coulaient sur ses joues.

      – Ma sœur, mon amie, ma Laura! s'écria l'autre jeune fille en l'embrassant tendrement, soit courageuse jusqu'au bout; ne reste-je pas avec toi? Oh! Ne crains rien, ajouta-t-elle avec une charmante expression, je prendrai la moitié de tes peines, comme cela le fardeau te semblera moins lourd.

      – Pauvre Luisa, murmura la jeune fille en lui rendant ses caresses, c'est à cause de moi que tu es malheureuse; comment pourrai-je jamais reconnaître ton dévouement?

      – En m'aimant comme je t'aime, mon ange chérie, et en reprenant espoir.

      – Avant un mois, je l'espère, reprit don Miguel, vos persécuteurs seront mis pour toujours dans l'impossibilité de vous nuire; je joue avec eux une partie terrible, dont ma tête est l'enjeu; mais peu m'importe, si je vous sauve. Laissez-moi, en vous quittant, emporter dans mon cœur l'espoir que vous n'essayerez en aucune façon de sortir du refuge que je vous ai trouvé, et que vous attendrez patiemment mon retour.

      – Hélas! caballero, vous le savez, je n'existe que par un miracle; mes parents, mes amis, tous ceux enfin que j'aimais m'ont abandonné, excepté Luisa, ma sœur de lait, dont le dévouement pour moi ne s'est jamais démenti; et vous que je ne connaissais pas, que je n'avais jamais vu, et qui, tout à coup, vous êtes révélé à moi dans ma tombe, comme l'ange de la justice divine; depuis cette nuit terrible où, comme Lazare, je suis, grâce à vous, sortie du sépulcre, vous m'avez entourée des soins les plus délicats et les plus intelligent, vous avez remplacé ceux qui m'avaient trahie, vous avez été pour moi plus qu'un père, presque un dieu.

      – Señorita! s'écria le jeune homme confus et heureux à la fois de ces paroles.

      – Je vous dis cela, don Miguel, continua-t-elle avec une certaine animation fébrile, parce je tiens à vous prouver que je ne suis pas ingrate. Je ne sais ce que, dans sa sagesse, Dieu décidera de moi; mais, sachez-le, ma dernière prière et ma dernière pensée seront pour vous. Vous voulez que je vous attende, je vous obéirai; croyez-le bien, je ne dispute plus ma vie que par une certaine curiosité de joueur aux abois, ajouta-t-elle avec un sourire navrant; mais je comprends combien vous avez besoin de votre liberté d'action pour la rude partie que vous avez entreprise; aussi, partez tranquille, j'ai foi en vous.

      – Merci, señorita, cette promesse double mes forces, Oh! Maintenant, je suis certain de réussir.

      Un espèce de jacal en branchage avait été préparé pour les jeunes filles par l'autre chasseur et le guerrier indien; elles s'y retirèrent pour se livrer au sommeil.

      Quelque bourrelé d'inquiétudes que fût l'esprit du jeune homme, cependant, après quelques minutes d'une méditation profonde, il s'étendit auprès de ses compagnons et ne tarda à s'endormir. Au désert, la nature ne perd jamais ses droits, les plus grandes douleurs ne parviennent que rarement à l'emporter sur les exigences matérielles de l'organisation humaine.

      A peine les premiers rayons du soleil commencèrent-ils à teindre le ciel d'un reflet d'opale, que les chasseurs ouvrirent les yeux. Les préparatifs du départ furent bientôt terminés, le moment de la séparation arriva, les adieux furent tristes. Les deux chasseurs avaient accompagné les jeunes filles jusqu'à la lisière de la forêt, afin de demeurer plus longtemps avec elles.

      Doña Luisa, profitant d'un instant ou le chemin devenait tellement étroit qu'il était presque impossible de marcher deux de front, s'approcha du chasseur compagnon de don Miguel:

      – Un service, lui dit-elle rapidement à voix basse.

      – Parlez, lui répondit celui-ci sur le même ton.

      – Cet Indien ne m'inspire qu'une médiocre confiance.

      – Vous avez tort, je le connais.

      Elle secoua la tête d'un air mutin.

      – C'est possible, fit-elle; voulez-vous me rendre le service que je réclame de vous? Sans cela je le demanderai à don Miguel, quoique j'eusse préféré le lui laisser ignorer.

      – Parlez, vous dis-je.

      – Donnez-moi un couteau et vos pistolets.

      Le chasseur la regarda en face.

      – Bien, dit-il au bout d'un instant, vous êtes une brave fille. Voilà ce que vous me demandez.

      Et sans que personne s'en aperçut, il lui remit les objets qu'elle désirait obtenir de lui, en y joignant deux petits sacs, l'un de poudre et l'autre de balles.

      – On ne sait pas ce qu'il peut arriver, fit-il.

      – Merci, lui dit-elle avec un mouvement de joie dont elle ne fut pas maîtresse.

      Puis tout fut dit: elle fit disparaître les armes sous ses vêtements avec une prestesse et un certain air résolu qui firent sourire le chasseur.

      Cinq minutes plus tard, on arriva sur la lisière de la forêt.

      – Addick, dit laconiquement le chasseur, souvenez-vous que vous me répondez de ces deux femmes!

      – Addick a juré, répondit seulement l'Indien.

      On se sépara; il était impossible de demeurer plus longtemps à l'endroit où l'on se trouvait sans courir le risque d'être découvert par les Indiens.

      Les jeunes filles et le guerriers se dirigèrent vers la ville.

      – Montons sur la colline, dit don Miguel, afin de les revoir une dernière fois.

      – J'allais vous le proposer, répondit simplement le chasseur.

      Ils reprirent, avec les mêmes précautions, la place qu'ils avaient pendant quelques minutes occupée la nuit précédente.

      Aux rayons resplendissants du soleil qui s'était levé radieux, la verte campagne avait

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