Les nuits mexicaines. Aimard Gustave
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Après l'avoir pansé avec soin, il releva un peu le blessé et l'adossa à un arbre; puis il se mit à le frictionner avec du rhum mêlé d'eau, à la poitrine, aux tempes et aux poignets; ne s'arrêtant de temps en temps que pour examiner d'un œil inquiet son visage pâle et contracté.
Tout paraissait devoir être inutile: aucune contraction, aucun tressaillement nerveux n'indiquait le retour de la vie.
Mais il n'y a rien de persistant comme la volonté de l'homme qui veut sauver son semblable; bien qu'il commençât sérieusement à douter du succès de ses efforts, cependant loin de se décourager, Dominique sentit redoubler son ardeur, résolu à n'abandonner la partie que lorsque bien définitivement il lui serait prouvé que tout secours était en pure perte.
C'était un tableau d'un effet saisissant que ce groupe formé sur cette route déserte pendant cette nuit calme et lumineuse, au pied de cette croix, signe de rédemption, par ces deux hommes dont l'un poussé par le saint amour de l'humanité s'acharnait, s'il est permis de parler ainsi, à prodiguer à l'autre les soins les plus fraternels.
Dominique cessa un instant ses frictions et il se frappa le front comme si une pensée subite venait tout à coup de surgir dans son cerveau.
– Où diable ai-je donc la tête? murmura-t-il, et fouillant dans ses alforjas qui semblaient inépuisables, tant elles contenaient de choses, il en retira une gourde bouchée avec soin.
Il entr'ouvrit avec la lame de son couteau les dents serrées du blessé, lui introduisit, après l'avoir débouchée, la gourde entre les lèvres, et lui versa dans la bouche une partie de ce qu'elle contenait, tout en examinant son visage avec anxiété.
Au bout de deux ou trois minutes, le blessé frissonna faiblement, et ses paupières remuèrent comme s'il eût essayé de les ouvrir.
– Ah! fit Dominique avec joie, cette fois, je crois que j'en aurai raison.
Et déposant la gourde près de lui, il recommença les frictions avec une nouvelle ardeur.
Un soupir faible comme un souffle s'exhala des lèvres du blessé, ses membres commencèrent bientôt à perdre un peu de leur raideur; la vie revenait doucement.
Le jeune homme redoubla d'efforts; peu à peu la respiration bien que faible et entrecoupée se fit plus distincte, les traits se détendirent et les pommettes des joues se plaquèrent de deux taches rouges; bien que les yeux demeurassent fermés, les lèvres du blessé s'agitaient comme s'il eût essayé de prononcer quelques paroles.
– Bah! fit Dominique avec un accent joyeux, tout n'est pas fini encore, il sera revenu de loin, s'il en réchappe, bravo! Je n'ai pas perdu mon temps! Mais qui diable lui a donné un si furieux coup d'épée? On ne se bat pas en duel au Mexique. Sur mon âme! Si je ne craignais pas de lui faire injure, j'assurerais presque que je connais l'homme qui a si joliment décousu ce pauvre malheureux; mais patience, il faudra bien qu'il parle, et alors il sera bien fin si je ne sais pas à qui il a eu affaire.
Cependant, la vie, après avoir longtemps hésité à rentrer dans ce corps qu'elle avait presqu'abandonné, avait commencé une lutte sérieuse contre la mort qu'elle obligeait de plus en plus à se retirer; les mouvements du blessé devenaient plus accentués et surtout plus intelligents: deux fois déjà ses yeux s'étaient ouverts pour se refermer presqu'aussitôt il est vrai, mais le mieux devenait sensible; il ne tarderait pas à reprendre connaissance, ce n'était plus qu'une question de temps.
Dominique versa un peu d'eau dans un gobelet, y mêla quelques gouttes de la liqueur contenue dans la gourde, et approcha le gobelet de la bouche du blessé; celui-ci ouvrit les lèvres et but, puis il poussa un soupir de soulagement.
– Comment vous sentez-vous? lui demanda le jeune homme avec intérêt.
Au son de cette voix inconnue, un frémissement convulsif agita tout le corps du blessé; il fit un geste comme pour repousser une image effrayante et murmura d'une voix sourde:
– Tuez-moi!
– Ma foi non! s'écria joyeusement Dominique, j'ai eu trop de peine à vous ressusciter pour cela.
Le blessé entr'ouvrit les yeux, jeta un regard égaré autour de lui et le fixant enfin sur le jeune homme, avec une expression d'indicible épouvante:
– Le masque! s'écria-t-il, le masque! Oh! Arrière! Arrière!
– La commotion cérébrale a été forte, murmura le jeune homme; il est en proie à une hallucination fiévreuse qui, si elle persistait, pourrait amener la folie. Hum! Le cas est grave! Comment faire pour remédier à cela?
– Bourreau! reprit faiblement le blessé, tue-moi.
– Il y tient à ce qu'il paraît; cet homme est tombé dans quelque guet-apens affreux, son esprit troublé ne lui rappelle que la dernière scène de meurtre dans laquelle il a joué un rôle si malheureux; il faut couper court à cela, et lui rendre le calme nécessaire à sa guérison, sinon il est perdu.
– Ne le sais-je pas bien que je suis perdu? dit le blessé qui avait entendu cette dernière parole, tue-moi donc sans me faire souffrir davantage.
– Vous m'entendez, señor, répondit le jeune homme; fort bien, alors écoutez-moi sans m'interrompre: je ne suis pas un des hommes qui vous ont mis dans l'état où vous vous trouvez; je suis un voyageur, que le hasard ou plutôt la providence a conduit sur cette route, pour vous venir en aide, et je l'espère pour vous sauver; vous me comprenez bien n'est-ce pas? Cessez donc de vous forger des chimères, oubliez s'il est possible, quant à présent du moins, ce qui s'est passé entre vous et vos assassins, je n'ai d'autre désir que celui de vous être utile; sans moi vous seriez mort; ne rendez pas plus difficile la tâche déjà si dure que je me suis imposée; votre salut désormais dépend de vous seul.
Le blessé fit un brusque mouvement pour se relever, mais ses forces le trahirent, il retomba avec un soupir de découragement.
– Je ne puis, murmura-t-il.
– Je le crois bien, blessé comme vous l'êtes; c'est un miracle que l'affreux coup d'épée que vous avez reçu ne vous aie pas tué raide; ne vous opposez donc pas davantage à ce que l'humanité m'ordonne de faire pour vous.
– Mais si vous n'êtes pas assassin, qui donc êtes vous? lui demanda le blessé avec inquiétude.
– Qui je suis, moi? Un pauvre diable de vaquero qui vous a trouvé ici agonisant et qui a été assez heureux pour vous rendre à la vie.
– Et vous me jurez que vos intentions sont bonnes?
– Je vous le jure, sur mon honneur.
– Merci, murmura le blessé.
Il y eut un silence assez long.
– Oh! Je veux vivre, reprit le blessé avec une énergie concentrée.
– Je comprends ce désir, il me semble tout naturel de votre part.
– Oui, je veux vivre, car il faut que je me venge.
– Ce sentiment est juste, la vengeance est permise.
– Vous