L'oeuvre du divin Arétin, deuxième partie. Aretino Pietro
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Pippa.– Enfin, pour être courtisane, il faut en savoir plus long qu'un docteur.
Nanna.– Je l'envoyais ainsi jouer le tour à quiconque venait me voir, tenant tantôt un verre, tantôt une tasse, tantôt un plat à la main; elle réussissait à tirer d'eux quatre, quelquefois cinq Jules d'une bourse, autant d'une autre, et de la sorte les menues dépenses de la maison se trouvaient on ne peut plus subtilement couvertes. Arrivons maintenant à la grande piperie.
Pippa.– Voici que je la bois, avant même que vous ne l'entamiez.
Nanna.– Un officier, un gaillard à qui ses charges rapportaient en rentes près de deux mille ducats de chambre, était si démesurément amoureux de moi qu'il en faisait pénitence de ses péchés. Il dépensait lunatiquement, et besoin était de recourir à l'astrologie, je puis le dire, pour en tirer quoi que ce fût s'il ne se trouvait pas en fantaisie de donner. Ce qui est bien pis, c'est que la mauvaise humeur naquit le jour où il vint au monde; pour la moindre parole dont le son lui déplaisait, il entrait en colère; mettre la main à son poignard et t'en fourrer la pointe jusque sous le nez, c'est la moindre frayeur qu'il pût te faire. Pour ce motif, les courtisanes le détestaient comme les paysans détestent la pluie; moi qui ai donné ma peur à ressemeler, je le recevais tant qu'il voulait, et bien qu'il me fît quelques-unes de ses mauvaises plaisanteries, je le souffrais patiemment, méditant toujours de lui en rendre une qui me payât de toutes les siennes. J'y songeai si assidûment qu'à la fin je la trouvai. Que fis-je? Je me confiai à certain peintre, maître Andréa, je puis bien le nommer, et lui laissai prendre quelques menus suffrages, à condition qu'il ferait ce que je voudrais et viendrait se cacher sous mon lit, muni de couleurs et de pinceaux, pour me dessiner une balafre sur la figure, à un moment donné; je m'en ouvris également à maître Mercurio, d'heureuse mémoire; je sais que tu l'as connu.
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