L'oeuvre du divin Arétin, deuxième partie. Aretino Pietro

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L'oeuvre du divin Arétin, deuxième partie - Aretino Pietro

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parce que peut-être bien, peut-être bien…» Il s'arrêtera là-dessus; tu lui répondras: «Je n'ai jamais voulu vous dire les ennuis que j'ai, les messages, les… enfin, suffit! Je suis à vous, je veux toujours l'être, et quand je serai morte, je serai encore toute à vous.»

       Pippa.– Dites-moi donc à quoi aboutira la trame.

      Nanna.– A ce que le trouveur de la lettre n'aura plus de repos. Tout homme qu'il apercevra dans ta rue, il croira que c'est celui qui te l'a envoyée, ou son ruffian, et de peur de te laisser la moindre occasion d'accepter ses cadeaux, il ira tout de suite au-devant de ces Mantouans, pour ne pas dire de ces Ferrarais, qui, à peine descendus à l'auberge, s'en vont faire de l'œil à toutes, comme si les galons et les crevés qui déparent leurs pourpoints et leurs capes possédaient le privilège de les faire expédier «gratis», comme on dit au Palais. Pippa, si jamais des chats-huants de cette espèce te tombent entre les pinces, informe-toi bellement de l'époque où ils doivent s'en aller et calcule le temps de leur séjour d'après les bagues, les agrafes, les chaînes de cou, les dentelles et autres fanfreluches qu'ils ont sur le corps; parce que, pour ce qui est de leur argent, il n'y a aucun fondement à faire là-dessus, et comme par aventure jamais ne reviendront, tu n'as pas à t'inquiéter qu'ils te prisent ou te méprisent.

      Pippa.– Je m'en moquerai pas mal; mais que savez-vous de leur argent?

      Nanna.– Je sais qu'ils n'en apportent même pas assez pour s'en retourner dans leur pays. Si tu as affaire à eux, dévalise-les de ces colifichets dont je te parle; sinon, tu resteras les mains pleines de leurs compliments à l'ambre.

      Pippa.– Si je tombe dans leur panneau, que je les paye de ma bourse!

      Nanna.– Au cas que l'un d'eux couche avec toi, guigne de l'œil ce qu'il a de bon, sa chemise, sa coiffure de nuit, et le matin, avant qu'il se lève, fais venir une Juive avec une foule de babioles; quand tu les auras comparées avec ses mantouaneries, dis de les emporter ou brouille le paquet et jette tout à terre, mets-toi en colère contre toi-même, contre le bélître, et grommelle entre tes dents jusqu'à ce qu'il te les offre; s'il refuse, invite-le à revenir coucher et cette fois saccage-le de gré ou de force.

       Pippa.– Quand vous étiez jeune, est-ce que vous faisiez tout ce que vous me recommandez de faire?

      Nanna.– De mon temps, c'était un autre temps; j'ai fait ce que j'ai pu, comme tu le verras si je te donne à lire ma vie imprimée par celui que le Diable… non que Dieu l'emporte! je me reprends, de peur que s'il a mauvais caractère, il ne dise de moi pis que n'en diront de toi ces amoureux grossiers avec qui tu ne saurais pas te maintenir. Je sais bien que tu vas me répondre: «Je ne t'empêtrerai pas de semblables gens»; oui, mais tu ne pourras t'en empêcher.

      Pippa.– Pourquoi non?

      Nanna.– Parce que si tu veux agir avec prudence, comme tu le dois, il te faudra en souffrir autour de toi. Laisse-les donc s'emporter, s'ils s'emportent, et bouche les oreilles aux «putain! coquine!» qu'ils te lâcheront tout d'un trait. Ils ont beau couper en deux la mappemonde, ce ne sont que des paroles noyées dans la salive qu'ils lancent au visage de qui les approche, il n'en est rien de plus; en moins de deux Credo, les voilà retournés en bonace; ils te demandent pardon, te font des cadeaux et voudraient te mettre dans leur cœur. Pour moi, j'aime assez avoir affaire à ceux-là, parce que si la moindre des choses les met en fureur, la moindre des choses les radoucit. Je compare leur colère à un nuage de juillet, il tonne, il éclaire, et après qu'il est tombé vingt-cinq petites gouttes d'eau, voici le soleil. Ainsi donc, patience te procurera richesse.

      Pippa.– Nous patienterons; qu'en adviendra-t-il?

      Nanna.– Il en adviendra que chacun tiendra à toi jusqu'à la mort. A cette heure, te voici avec un finaud, un madré, un vieux renard qui pèse toutes tes allures; pour la moindre parole, il te cherche querelle, fait signe du pied à son compère, se tord le museau et cligne de l'œil comme s'il disait: «M'attraper, moi? ha!» Tiens-toi coite, ne te trouble jamais; bien mieux, fais toujours la simple, la niaise; ne l'interroge point, ne te défends point. S'il te parle, parle-lui; s'il t'embrasse, embrasse-le; s'il te donne quelque chose, accepte et comporte-toi si adroitement qu'il ne puisse jamais te prendre au plat. Tâche qu'il commence à se dire en lui-même que tu es bonne comme le pain; mais ne te laisse pas sarcler le jardinet sans qu'il paye la façon du terrain où il veut semer la graine, et comme il s'aide de tous ses tours de gibecière pour ne pas se faire attraper, de même tu t'aideras de toute ta finesse pour l'obliger d'avouer qu'il n'y a pas moyen de t'attraper non plus. Force lui sera, à ce rapetasse-morceaux, de te fier sa foi méfiante; ainsi refait du même au même, il sera tout à toi et tu ne seras à lui que quand tu le voudras bien.

      Pippa.– Je m'étonne, maman, que vous ne teniez pas école pour y apprendre aux gens ces galanteries-là.

      Nanna.– Je possède une qualité qui rehausserait une impératrice: je ne suis pas glorieuse. Je l'étais autrefois, Dieu me le pardonne! Mais ne gaspillons pas le temps. Apprends à te fâcher et à te radoucir avec tes poursuivants de la manière que je t'enseigne, et ne trouve pas trop long ce livre que je veux que tu récites couramment. Le putanisme aiguise si bien l'esprit que sans maître, en huit jours, il vous en apprend plus long qu'on n'en peut savoir. Or juge un peu si tu dépasseras les autres, ayant la Nanna pour guide!

      Pippa.– Qu'il en soit ainsi!

      Nanna.– Il en sera ainsi, n'en doute pas. Fâche-toi avec grâce, Pippa; prends-y toi de telle sorte que tout le monde te donne raison. Si ton amoureux te promet Rome et le reste, attends l'exécution de sa promesse un jour ou deux, sans lui en dire un mot; passé la moitié du troisième jour, pousse-lui un petit coup de bouton. Il te répondra: «Sois sans crainte, tu verras; compte sur moi.» Montre-toi rayonnante et mets-toi à causer du Turc qui doit venir, du Pape qui n'est pas encore crevé, de l'Empereur qui fait des choses miraculeuses, du Roland furieux et du Tarif des courtisanes de Venise, que j'aurais dû mettre en tête. Puis laisse-toi tomber le menton sur la poitrine et deviens muette tout d'un coup; songe et resonge un bout de temps, et en te levant debout, dis d'une voix étranglée: «Je ne l'aurais jamais cru!» Là-dessus, il me semble voir l'homme au cadeau en retard s'écrier: «Qu'avez-vous donc? – Où étiez-vous donc hier soir?» lui riposteras-tu, et sans vouloir rien entendre, sauve-toi dans ta chambre, enferme-toi en dedans. S'il frappe, laisse-le aboyer; moi, de mon côté, je lui donnerai toujours tort et je lui affirmerai par serment qu'on t'a dit qu'il venait passer avec toi un caprice qu'il a pour une telle. Sois-en certaine, il dégringolera l'escalier en blasphémant, en niant la chose; quand il voudra revenir quelque temps après, ou sur l'heure même, ou le lendemain, fais-lui répondre que tu as affaire ou que tu es en compagnie.

      Pippa.– Oui, oui; il fera la paix en m'apportant ce qu'il m'aura promis au double.

      Nanna.– Vrai, comme je suis sûre que tu auras alors un visage différent du mien; mais suis-moi attentivement. Tu peux encore mettre en œuvre une bouderie de ton cru, c'est-à-dire te fâcher en dedans de toi-même et t'enfoncer les joues dans tes mains.

      Pippa.– Pourquoi faire?

      Nanna.– Pour faire que lui, qui ne peut durer sans toi, s'approche de toi et te dise: «Quelles fantaisies vous prennent? Vous sentez-vous mal? Vous manque-t-il rien? Parlez.» Il te donnera du vous pour t'amadouer. Réponds-lui: «Eh! laisse-moi en paix, je te prie; allons, ôte-toi de là, ôte-toi, te dis-je; oui, oui!» Tu lui cherches pouille et le tutoies toujours, ce qui aura l'air de le mépriser. Tu t'y prends de la sorte afin qu'il te chatouille pour te faire rire, mais ces rires-là, garde-toi bien d'en laisser rien échapper de ta figure ou de tes yeux, à moins qu'il ne te donne quelque chose; le cadeau fait, fais à sa volonté. On dit que les

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