L'oeuvre du divin Arétin, deuxième partie. Aretino Pietro

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L'oeuvre du divin Arétin, deuxième partie - Aretino Pietro

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franquette, qui disent: «Vaccio, a buonotta, mô, mô, testé, testé, alitare, accorhuomo, raita, riminio, aguluppa, sciabordo, zampilla, cupo, buio7», et se servent de cent mille autres locutions exemptes de recherches.

      Pippa.– Les corneilles!

      Nanna.– Tu les as baptisées on ne peut mieux, puisqu'elles veulent que l'on dise tosto et non presto8, immole et non immacero9; si tu leur demandes pourquoi, elles te répondent que porta et reca10 ne sont pas de règle, de sorte qu'il y a maintenant péril à ouvrir la bouche. Mais moi qui suis moi, je parle comme bon me semble, sans me gonfler les joues en crachant de la saumure; je marche sur mes pieds et non sur ceux de la grue; je dis les mots tels qu'ils me viennent et je ne les arrache pas de ma gorge avec une fourchette. Les mots sont des mots et non des confitures; quand je parle, je ressemble à une femme et non à une pie. Voilà pourquoi la Nanna est la Nanna, tandis que cette engeance qui va foirant des verbi gratia et reluquant sur un œuf le poil qui ne s'y trouve point n'a pas seulement assez de crédit pour s'en couvrir le cul. A la fin des fins, qui blâme tout sans rien produire ne fait pas aller son nom au delà des tavernes, et j'ai fait trotter le mien jusqu'en Turquie. Donc, pécores, je veux ourdir et tisser mes toiles à mon idée, parce que je sais où trouver l'écheveau pour achever les rangs commencés, et que je possède pas mal de pelotes de fil pour coudre et recoudre déchirures et morceaux.

      Pippa.– Les sottes s'en vont agacer la fourmilière! Elles se gonfleront à crever si nous leur faisons la figure en plein visage, puisqu'elles se moquent de notre parler.

      Nanna.– Nous la leur ferons pour sûr. A ce propos, une sybille, une fée, une Beffana11 qui enseigne à babiller aux perroquets, me demandait pas plus tard qu'avant-hier ce que veulent dire: anfanare, trasandare, aschio, ghiribizzo, meriggie, transecolo, mezzamoscia, sdrucciala et razzola12, et pendant que je lui expliquais les chiffres, elle allait écrivaillant; maintenant elle en fait sa belle, comme si c'était de sa farine. Mais moi qui ne demande qu'à vivoter, je n'en ai cure et ne m'inquiète si covelle est plus malappris que nulla.

      Pippa.– Ne baguenaudez pas davantage avec ces vétilleuses; ma cervelle s'embrouille, à la fin, et je vais oublier tout ce qui importe à mon affaire.

      Nanna.– Tu as raison. La colère où me mettent les Alfanes qui veulent vous guetter au piège, qui font des salades et des sauces piquantes de mots décharnés, et avec l'obstination des poux et des morpions, n'en veulent pas démordre, m'a fait sortir de l'emblavure. Mais je m'en souviens très bien: j'étais à te dire comment tu devais choyer les lettrés que le plus souvent on rencontre à la table des seigneurs.

      Pippa.– C'est ce que vous me disiez justement.

       Nanna.– Fais-leur bon visage, entretiens-toi avec eux, et pour montrer que tu prises les talents, demande-leur un sonnet, un estrambot, un capitolo ou quelque semblable bêtise. Quand ils te l'offriront, embrasse-les, remercie-les tout comme si c'étaient des joujoux que tu recevais là. Chaque fois qu'ils viendront frapper à ta porte, ouvre-leur toujours; ce sont gens discrets: s'ils te voient occupée, ils s'en iront sans plus d'embarras et te reviendront te faire la cour dès que les autres seront expédiés.

      Pippa.– Et si pourtant je n'avais pas envie de leur ouvrir, qu'est-ce qu'il en serait?

      Nanna.– Tu en serais fustigée des plus cruelles vilenies qu'on ait ouïes jamais; parce que, en plus de leur humeur fantasque, qui travaille à chaque changement de lune, il y aurait le dépit qu'ils prendraient contre toi; donc, gare la jambe. Et puisque c'est l'ordinaire des femmes de ne jamais savoir coudre deux paroles ensemble, avant que d'en revenir au seigneur avec lequel tu seras, je veux te dire une petite gentillesse qui m'était sortie de l'idée, pendant que je te parlais des vieux.

      Pippa.– Elle doit être bien drôle, puisque vous revenez en arrière pour me la dire.

      Nanna.– Ah! ah! Je veux, Pippa, que des bonbons qui seront étalés sur la table, la nappe enlevée, tu en prennes cinq et que tu dises en les jetant en l'air: «S'ils font belle croix, mon vieux chéri mignon n'aime que moi toute seule; si la croix est de travers, il adore la une telle.» Pippa, si la croix réussit bien, lève les mains au ciel, puis, les bras tout grands ouverts, étreins le bonhomme de toutes tes forces et applique-lui un baiser avec autant de mignardises que tu sauras en imaginer: tu le verras tomber tout de son long comme un homme qui crève de chaud s'abat où souffle le moindre courant d'air. Supposé que la croix réussisse mal, laisse-toi échapper, si tu le peux, deux petites larmes accompagnées de deux coquins de soupirs, lève-toi de ta chaise et va près du feu que tu feras semblant d'attiser avec les pincettes, pour passer ta colère. Là-dessus, le coïon de bœuf viendra se pencher derrière ton dos avec des mines d'espiègle, et jurant par le corps, par le sang, que ma foi oui. Toi, une fois que vous serez dans la chambre à coucher, taquine-le jusqu'à ce qu'il te donne n'importe quoi, avant de faire la paix.

      Pippa.– Je vous obéirai, maman.

      Nanna.– Je n'ai pas d'autre espoir, ma fille. Te voici chez le seigneur, te voici chez ce vantard d'amour qui ne sait dire que: «La signora une telle, madame une telle, la duchesse, la reine et la merde» (qu'il l'ait dans le bec!) «m'a fait cadeau de ce ruban; telle autre m'a donné celui-ci.» Loue les rubans et montre-toi stupéfaite de ce que les belles dames de Tunis ne se fassent pas toutes baptiser pour s'appliquer sur le corps un tel personnage. Lorsqu'il en viendra aux prouesses qu'il a faites au siège de Florence ou au sac de Rome, approche-toi à l'oreille de ton voisin et dis-lui, de façon que l'imbécile l'entende: – «Oh! le galant seigneur! sa bonne mine me fait perdre la tête.» Il feindra de ne pas entendre et se pavanera de tout son être. Sache bien que celui qui n'use pas avec eux des mêmes finesses dont se servent les courtisans de mauvaises fortunes vis-à-vis des monsignors, lorsqu'ils mettent la sottise de leurs patrons au-dessous de toute hiérarchie, devient leur ennemi mortel.

      Pippa.– Je l'ai entendu dire.

      Nanna.– Flatteries et flagorneries sont la quéquette des grands, à ce que dit le monde; donc vide-moi tout ton sac, avec ces gens-là, si tu veux en tirer quelque chose: autrement, tu me reviendras à la maison la panse pleine, mais la bourse vide. Et même si leur amitié ne rapportait pas plus d'honneur qu'elle ne rapporte de profit, je te dirais de les fuir, par la raison qu'ils veulent être les seuls dont le couvert soit mis et, sous prétexte qu'ils sont des seigneurs, qu'on ne donne rien aux autres. Si tu n'accours pas, si tu ne leur ouvres pas, ils se moquent d'envoyer leurs estafiers faire du tapage à la porte dans la rue, par la fenêtre et au nez de la servante, comme de cracher par terre. Ils ressemblent à ces chiens hargneux qui surviennent au moment qu'un tas de roquets donnent l'assaut à une chienne et qui, après avoir mis la bande en déroute rien qu'en montrant les dents ou à coups de crocs, tiennent toute la rue à eux seuls. Il n'y a pas de doute que ces manières-là fassent prendre la fuite à qui a peur de marcher sur leurs brisées et elles sont très bonnes pour celles qui préfèrent la fumée au rôti.

      Pippa.– Dieu m'assiste, avec ces seigneurs!

      Nanna.– Mais je veux t'enseigner un petit jeu qui, dussent les gredins en crever, leur coûtera bon. Lorsque Son Altesse commencera à se déshabiller pour aller au lit, prends-lui sa toque et mets-la sur ta tête, puis revêts-toi de son pourpoint et fais deux tours par la chambre. Le messire ne t'aura pas plus tôt vue métamorphosée de femme en homme, qu'il tombera sur toi comme sur le pain chaud, et ne pouvant attendre

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<p>7</p>

Liste d'expressions populaires dont voici le sens: vite; de bonne heure; tôt, tôt; haleter; au secours; il brame; mouvement; il enveloppe; lourdaud; à la brune; obscurité.

<p>8</p>

Tôt et non vite.

<p>9</p>

L'un et l'autre signifient: dans le mouillé.

<p>10</p>

L'un et l'autre signifient: il porte, il apporte.

<p>11</p>

Beffana: c'est-à-dire l'Épiphanie. En Italie, on appelle encore Beffana le jour des Rois et les enfants attendent la Beffana, vieille femme qui leur apporte des jouets. La Beffana remplace, en somme, sous un aspect plus vilain, le petit Noël, ou saint Nicolas.

<p>12</p>

Jaser; radoter; nausée; caprice; l'heure de midi; je tressaute de joie; à demi mouillé; il glisse; il râpe.