Récits d'une tante (Vol. 1 de 4). Boigne Louise-Eléonore-Charlotte-Adélaide d'Osmond

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Récits d'une tante (Vol. 1 de 4) - Boigne Louise-Eléonore-Charlotte-Adélaide d'Osmond

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who approach them, their own ends pursue.

      Dans l'intérieur de sa famille, la Reine était très aimée et très aimable, et n'était occupée qu'à raccommoder les petites tracasseries qui s'y élevaient. Elle était, hélas! trop la confidente des sottises de monsieur le comte d'Artois et lui procurait l'indulgence du Roi qui, tout à fait sous son charme, l'aurait adorée, si la mode lui avait permis de le souffrir.

      Monsieur, courtisan ambitieux et sournois, n'aimait point la Reine. Il prévoyait que, le jour où elle deviendrait moins futile, elle s'emparerait de l'espèce d'importance sérieuse à laquelle il aspirait, et il craignait de se compromettre en en montrant trop clairement le désir. Il vivait assez en dehors des affaires, tout en se préparant la réputation d'un homme capable de s'en mêler utilement.

      Monsieur le comte d'Artois débutait alors à cette fatale destinée qui devait perdre sa famille et son pays. Il n'avait que les goûts et les travers des jeunes gens de son temps, mais il les montrait sur un théâtre assez élevé pour les rendre visibles à la foule; et la valeur, cette ressource banale des hommes du monde, ne les couvrait pas assez.

      Au siège de Gibraltar, où il avait eu la fantaisie d'assister, il avait eu une attitude déplorable, au point que le général qui y commandait avait pris le parti de faire prévenir dans les batteries anglaises, et l'on ne tirait pas quand le prince visitait les travaux. On a dit que c'était à son insu, mais ces choses-là se savent toujours quand on ne préfère pas les ignorer. Je sais qu'on fit des reproches à monsieur de Maillebois; il répondit: «Mais cela valait encore mieux que la grimace qu'il faisait le premier jour.» La ridicule parade de son duel avec monsieur le duc de Bourbon fut une nouvelle preuve d'une disposition que le reste de sa conduite n'a que trop confirmée.

      Madame, femme de Monsieur, avait beaucoup d'esprit et une certaine grâce dans les manières, malgré une très remarquable laideur. Elle avait, pendant les premières années, fait très bon ménage avec Monsieur. Mais, depuis qu'il s'était attaché à madame de Balbi, il n'allait presque plus chez Madame, et elle s'en consolait dans l'intimité de ses femmes de chambre, et, ose-t-on le dire, par la boisson portée au point que le public pouvait s'en apercevoir.

      Sa sœur, madame la comtesse d'Artois, était encore beaucoup plus laide et parfaitement sotte, maussade et disgracieuse. C'est auprès des gardes du corps qu'elle allait chercher des consolations des légèretés de son mari. Une grossesse qui parut un peu suspecte, et dont le résultat fut une fille qui mourut en bas âge, décida monsieur le comte d'Artois à ne plus donner prétexte à l'augmentation de sa famille, déjà composée de deux princes.

      Malgré cette précaution, une nouvelle grossesse de madame la comtesse d'Artois la força de faire sa confidence à la Reine, pour qu'elle sollicitât l'indulgence du Roi et du prince. La Reine, fort agitée de cette commission, fit venir le comte d'Artois, s'enferma avec lui, et commença une grande circonlocution avant d'arriver au fait. Son beau-frère était debout devant elle, son chapeau à la main. Quand il sut ce dont il s'agissait, il le jeta par terre, mit ses deux poings sur ses hanches pour rire plus à son aise, en s'écriant:

      «Ah! le pauvre homme, le pauvre homme, que je le plains; il est assez puni.

      – Ma foi, reprit la Reine, puisque vous le prenez comme cela, je regrette bien les battements de cœur avec lesquels je vous attendais; venez trouver le Roi et lui dire que vous pardonnez à la comtesse d'Artois.

      – Ah! pour cela, de grand cœur. Ah! le pauvre homme, le pauvre homme.»

      Le Roi fut plus sévère, et le coupable présumé fut envoyé servir aux colonies. Mais, comme le disait madame Adélaïde à ma mère, en lui racontant cette histoire le lendemain: «mais, ma chère, il faudrait y envoyer toutes les compagnies.» Madame la comtesse d'Artois alla aux eaux, je crois; en tout cas, il ne fut pas question de l'enfant.

      Madame Élisabeth ne jouait aucun rôle à la Cour avant la Révolution. Depuis, elle a mérité le nom de sainte et de martyre. Sa Maison avait été inconvenablement composée. La comtesse Diane de Polignac, le scandale personnifié, était sa dame d'honneur, et on lui avait attaché comme dame madame de Canillac, qui avait donné lieu au duel entre monsieur le comte d'Artois et monsieur le duc de Bourbon. Son intimité avec monsieur le comte d'Artois était connue, mais honorée par un grand désintéressement. Elle l'aimait pour lui, n'avait aucune fortune, vivait dans la plus grande médiocrité, voisine de l'indigence, sans daigner accepter de lui le plus léger cadeau. Il y avait une sorte de distinction dans cette conduite, mais il n'en était pas moins inconvenable de la mettre auprès d'une jeune princesse, quoique ce ne fût pas une personne immorale.

      Le goût de la Cour de France pour les étrangers fut exploité d'une façon assez singulière par deux illustres Grecs, chassés de leur patrie par les vexations musulmanes. Le prince de Chio et le prince Justiniani, son fils, descendants en ligne directe des empereurs d'Orient, vinrent demander l'hospitalité à Louis XVI au commencement de son règne. Il la leur accorda noble et grande, telle qu'il convenait à un roi de France. En attendant que les réclamations qu'il faisait au Sérail pour la restitution de ses biens eussent été admises, le prince de Chio fut prié d'accepter une forte pension, le prince Justiniani entra au service de France en prenant le commandement d'un beau régiment.

      Ces princes grecs vivaient depuis quelques années de la munificence royale; ils étaient bien accueillis dans la meilleure compagnie à Paris et à Versailles. Leur accent et un peu d'étrangeté dans leurs manières complétaient leurs droits à tous les succès. Un jour où, pour la centième fois, ils dînaient chez le comte de Maurepas, celui-ci vit le prince de Chio, placé à côté de lui, pâlir et se troubler.

      «Vous souffrez, prince?

      – Ce n'est rien, cela passera».

      Mais son indisposition augmenta tellement qu'il dut sortir de table et qu'il appela son fils pour l'accompagner. Monsieur de Maurepas avait passé les dix années de son exil dans sa terre de Châteauneuf, en Berry. Lorsqu'il s'en éloigna, il y laissa comme concierge un de ses valets de chambre; celui-ci, venu par hasard à Versailles, avait servi à table et se trouva le lendemain dans la chambre de son maître lorsqu'il donna l'ordre d'aller savoir des nouvelles du prince de Chio. Monsieur de Maurepas lui vit étouffer un accès de rire en regardant ses camarades:

      «Qu'est-ce qui te fait rire, Dubois?

      – Monsieur le comte le sait bien… c'est le prince de Chio.

      – Et pourquoi t'amuse-t-il tant?

      – Ah, monsieur le comte se moque de moi… il le connaît bien.

      – Certainement, je le vois tous les jours.

      – Est-ce que vraiment monsieur le comte ne le reconnaît pas?.. mais c'est impossible!..

      – Ah ça, tu m'impatientes avec tes énigmes; voyons, que veux-tu dire?

      – Mais monsieur le comte, le prince de Chio, c'est Gros-Guillot.

      – Qu'appelles-tu Gros-Guillot?

      – Mais Gros-Guillot, je ne conçois pas que monsieur le comte ne se le rappelle pas… il est pourtant venu assez souvent travailler au château… Gros-Guillot qui habitait la petite maison blanche près du pont… et puis son fils… ah! monsieur le comte ne peut pas avoir oublié petit Pierre, qui était si gentil, si éveillé, celui que Madame la comtesse voulait toujours pour tenir la bride de son âne… ah! je vois que monsieur le comte les remet bien à présent. Moi, je les ai reconnus tout de suite, et Gros-Guillot m'a bien reconnu aussi.»

      Monsieur de Maurepas

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