Lettres de Mmes. de Villars, de Coulanges et de La Fayette, de Ninon de L'Enclos et de Mademoiselle Aïssé. de Lenclos Ninon

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Lettres de Mmes. de Villars, de Coulanges et de La Fayette, de Ninon de L'Enclos et de Mademoiselle Aïssé - de Lenclos Ninon

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deux jours malade. J'y envoyai aussitôt, pour m'offrir de l'aller servir. Ce n'étoit rien, et j'en fus doublement aise; car nous avons souhaité, M. de Villars et moi, qu'elle fût un peu sous sa propre conduite, et que l'on vît que je ne suis pas bien empressée de la cour. On dit qu'il s'est passé plusieurs petites affaires; si j'avois été là, nous n'aurions pas été d'accord; car je l'aurois suppliée de n'abuser pas de la permission qu'on lui donnoit de monter à cheval, et de ne s'en servir que rarement. Elle m'a souvent honorée de ses lettres. Elle est toujours persuadée qu'il est impossible que je m'en aille. Cependant, si M. de Villars avoit eu de l'argent pour me faire partir, je crois que je serois déjà bien loin. Je pense vous avoir écrit que ma fille ne seroit point dame de la jeune reine. On dit que c'est une loi indispensable qu'il faut demeurer dans le palais; qu'il est de toute nécessité d'y faire de la dépense, et que dix mille francs ne suffiroient pas: au moins quatre ou cinq femmes pour servir; un ordinaire, des meubles, des habits, et, au bout de tout de cela, entre vous et moi, une vie fort ennuyeuse, et qui ne promet pas une fortune assurée. Je ne puis, ma chère dame, vous en dire davantage; il le faudroit pourtant, si je voulois vous faire comprendre mille choses que, malgré tout l'esprit que vous avez, vous ne pouvez pénétrer de si loin. Je vous prie encore que vous ne vous amusiez point, s'il se peut, à faire des réflexions sur notre malheureux état, état dont, par discrétion, je vous cache plus de la centième partie du désagrément. Pour m'en remettre, j'use du charmant remède de songer que je ne suis rien moins que jeune, que la mort approche, et qu'il est meilleur qu'elle nous trouve dénués de tout ce qui compose les plaisirs de la vie. Pour vous, madame23, qui la pouvez envisager d'une plus longue durée, vous avez de quoi être plus vive et plus sensible aux injustices de la fortune. Je ne vous dis point tous les souhaits que je fais pour qu'elle puisse changer, et à quel point, si on le mérite, je vous crois digne d'être heureuse; mais, madame, quel trésor, si nous pouvions découvrir et mettre en usage le secret d'être véritablement dévotes, et de nous en servir pour l'autre vie! Je ne me saurois plaindre de ce que nous souffrons, tant que Dieu me conservera mes enfans24, que j'aime tendrement.

      Je n'ai point encore de nouvelles de votre portrait; j'espère pourtant l'avoir bientôt par un gentilhomme que nous attendons. Que ce portrait me fera de plaisir!

      Nous fûmes hier à une maison du roi, à deux lieues d'ici, qu'on nomme le Pardo. Il n'y a autour ni bois, ni jardins, ni fontaines; et, dans la maison, ni sièges, ni bancs, ni tables, ni carreaux, ni lits; c'est pourtant la favorite, et celle où leurs majestés vont très-souvent. Je ne sais pas encore à quoi elles s'y peuvent divertir: je le demanderai à la reine. Toute mon attention fut de regarder très-long-temps les portraits de cette reine Elisabeth25, et de ce misérable don Carlos26, en songeant à leurs funestes aventures: ils étoient bien faits l'un et l'autre.

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      LETTRE XXVI

Madrid, 14 octobre 1680.

      Votre petit portrait a été très-bien reçu, et trop bien de M. de Villars, qui en fait son propre. Je n'ai pas laissé de le porter au palais, où il a passé par toutes les mains des dames; car, pour les hommes, ils ne peuvent ici rien admirer que de bas en haut; par les fenêtres. La reine le prit d'abord pour celui de madame de Nevers. Ce portrait fait souvenir de vous, c'est-à-dire, qu'il ne vous ressemble pas parfaitement; et il est impossible, quand on viendroit à bout de peindre tous vos traits, d'imiter que très-grossièrement ce qu'il y a de vif et de spirituel dans tout ce qui compose votre visage. Ce n'est pas la faute du peintre, et ce petit portrait est aussi bien et aussi agréable qu'on le pouvoit faire. Je vous en rends mille grâces, ma chère madame, et de tout ce que vous me dites pour me marquer votre amitié et votre tendresse. Je ne puis pas mieux sentir l'amitié que j'ai pour M. de Villars, que d'être avec lui dans le pays du monde le plus rempli d'ennuis. Car, comme dans les lieux de plaisir, on dit ordinairement que les semaines passent fort vîte, celles d'ici sont d'une longueur infinie. Je vais souvent au palais; peut-être ne trouverais-je pas tant d'ennuis, si je n'avois que dix-huit ans. Il y auroit bien des choses à vous dire là-dessus.

      Il y a deux ans qu'il mourut une dès dames de la maison de la reine27, qui n'avoit que treize ou quatorze ans. On a plus de soin d'elles, quand elles sont mortes, que dans leurs maladies; car ce sont des chiens que tous ces médecins-ci, et leurs remèdes ridicules. Il y a une grande chapelle dans le palais. Elle y fut mise dans un coffre couvert de panne couleur de feu, avec un grand galon d'or, à la lueur de quantité de flambeaux. Elle étoit en habit de religieuse, composé de bleu et de blanc. On lui avoit mis bien du rouge sur les joues et sur les lèvres. Elle étoit très-belle dans cet état. Ce coffre ferme à clef: la guarda mayor le ferma, et puis vint le majordome de la reine, auquel on ouvrit ce coffre, pour lui faire voir qu'elle étoit dedans, et il en prit la clef. Les gardes du roi portèrent le corps jusqu'au haut du degré, à une porte où les Grands d'Espagne attendoient pour le porter jusqu'au carrosse qui le devoit mener jusqu'au lieu de la sépulture. Le majordome, arrivé dans cette église, ouvrit encore ce coffre pour faire voir aux religieux le corps de cette pauvre dona Juana de Portugal. Après quoi, il fut mis en terre avec les prières ordinaires. Je ne pensois nullement à vous faire ce récit, qui n'est pas divertissant. Mais il ne faut pas aussi être toujours tant sur ses gardes, pour ne parler jamais de la mort, qui va indifféremment dans tous les pays du monde.

      J'espère vous envoyer, par la première commodité, deux excellentes paires de gants d'ambre, et un éventail de la part de la reine, dont la santé et la beauté augmentent tous les jours.

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      LETTRE XXVII

Madrid, 28 novembre 1680.

      Je n'ai point eu de vos lettres par ce courrier. Je vous ai déjà mandé que je ne m'en allois plus. Quand jusqu'ici j'aurois douté de l'amitié, que vous croyez que j'ai pour M. de Villars, j'en serois plus que certaine à l'heure qu'il est, par la joie que j'ai sentie de ne m'en point aller de cette aimable ville de Madrid; entendez par ce mot aimable, tout l'opposé de ce qu'il dit en effet. Après tout cela, malgré la destinée, je commence à jouir aujourd'hui d'un plaisir. Nous quittons notre grande, incommode et chère maison pour aller loger dans une autre beaucoup moins chère, et très-commode. A peine ai-je trouvé de quoi vous écrire, n'ayant plus rien dans ma chambre. Notre jeune reine m'a fait paroître plus de joie de ce que je ne m'en allois point, que vraisemblablement cela ne lui en a dû causer.

      Je ne vous entretiendrai guère aujourd'hui. Il m'en déplaît fort, ma chère madame; car il me semble que j'aurois bien des choses à vous dire.

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      LETTRE XXVIII

Madrid, 27 décembre 1680.

      Vous m'écrivez que le marquis de Ligneville a passé par Lyon, et qu'il ne vous a point vue. Ce n'est pas de quoi je me soucie; et je lui pardonne de n'avoir pas eu cet esprit, pourvu qu'il vous ait laissé le petit présent que je vous envoyois par lui.

      Je suis beaucoup plus tranquille que je n'étois le temps passé, quand je vous parlois de la peine que me causoit cette vue d'un départ prochain. Le petit secours, que le roi a eu la bonté de donner à M. de Villars, nous fait un peu respirer. Nous avons payé et quitté notre grande maison de huit cents pistoles de loyer, et nous sommes présentement dans une autre la moitié moins chère, et mille fois plus commode. Je ne voudrois pour rien du monde que la guerre recommençât; car je me souviens trop de la vivacité de mes peines dans ce cruel temps. Mais quel plaisir, sans qu'il en fût question, de sortir d'Espagne, et de

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<p>23</p>

Madame de Coulanges avoit pourtant 49 ans.

<p>24</p>

Le maréchal son fils étoit âgé de 28 à 29 ans.

<p>25</p>

Fille aînée de Henri II et de Catherine de Médicis, femme de Philippe II, roi d'Espagne. Elle mourut le 3 octobre 1568, en couche, non sans soupçon de poison.

<p>26</p>

Fils de Philippe II, exécuté le 24 juillet 1568. Il avoit demandé et obtenu la princesse Elisabeth; mais le roi, étant devenu veuf, la prit pour lui.

<p>27</p>

De la maison de Portugal.