Lettres de Mmes. de Villars, de Coulanges et de La Fayette, de Ninon de L'Enclos et de Mademoiselle Aïssé. de Lenclos Ninon

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Lettres de Mmes. de Villars, de Coulanges et de La Fayette, de Ninon de L'Enclos et de Mademoiselle Aïssé - de Lenclos Ninon

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de me siffler comme un perroquet; car assurément je perds ici l'usage entier d'entendre et de parler, comme on fait au coin de votre feu. Il fait ici le même froid qu'à Paris; mais il n'y a point de cheminées. Nous en avons fait faire une dans notre nouvelle maison, qui est la plus grande consolation que nous ayons à Madrid. Elle n'en donne point aux dames qui me viennent voir; car elles ne savent point s'asseoir dans une chaise, ou sur quelque autre siège. C'est une chose plaisante que l'air qu'elles ont, quand elles sont assises: elles paroissent lasses, fatiguées, ne pouvant non plus se tenir que si on les faisoit danser sur la corde. Voilà de belles nouvelles; mais jamais Madrid n'en a moins produit. Tout y est dans une manière d'assoupissement misérable.

      Vous recevrez un paquet, qui en contient trois autres cachetés du cachet de la reine, et les dessus de sa propre main. Il y a deux paires de gants, et un éventail dans chacun; vous aurez soin de les envoyer à leur destination. La reine ne vouloit pas que je vous mandasse que c'étoit de sa part, trouvant que le présent étoit trop petit. Vous le direz à mesdames de Sévigné et de Vins. On dit que les éventails seront meilleurs dans quelque temps. Cette jeune princesse continue d'embellir. Elle est grasse, le plus beau teint du monde, une gorge admirable, les yeux très-beaux, la bouche agréable. Quand je vois qu'elle croit avoir sujet de s'ennuyer, je change de discours. Adieu, madame.

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      LETTRE XXIX

Madrid, 12 décembre 1680.

      La connétable Colonne est dans un pitoyable état. Je crois que je vous ai mandé que son mari la fit partir un peu brusquement d'ici, pendant que la reine étoit à l'Escurial. Elle ne tua ni ne blessa personne. Elle est actuellement dans ce qu'on appelle l'Alcaçal28 de Ségovie, très-misérablement traitée. La reine auroit fort souhaité qu'on lui eût accordé avant cela ce qu'elle demandait pour toute grâce à son mari, qu'on la mît dans un couvent, le plus austère qu'on pût choisir à Madrid. Cette pauvre malheureuse écrit souvent au confesseur de la reine, qui, par l'ordre de cette princesse, va quelquefois exhorter le connétable à vouloir bien que sa femme vienne ici dans un couvent. Il y a douze ou quinze jours que ce mari dit au confesseur, qu'il ne pouvoit consentir que sa femme vînt à Madrid, si elle ne se faisoit religieuse dans le couvent où elle entreroit, et que lui, il prendroit les ordres. Le confesseur a écrit cette proposition à la connétable, qui l'a acceptée. Je crois qu'il n'y a pas une moindre vocation que la sienne à la religion. Cependant, comme elle a fait dire à son mari qu'elle fera tout ce qu'il voudra, cela pourra l'embarrasser; car je ne crois pas qu'il ait aucune intention de la faire entrer dans Madrid. On m'écrit de Paris que je me mêlois de ses affaires, et que j'étois fort dans ses intérêts. J'ai répondu sur cela à une de mes amies qui m'en écrivoit, que je croyois qu'on avoit jeté à croix ou pile, duquel il valoit mieux m'accuser, ou de trop de dureté pour cette infortunée, ou de trop de pitié. Car pour elle, elle se sentit tout-à-fait outragée, quand elle vint dans notre maison, pleurant et demandant qu'on l'y souffrît pour une nuit, et qu'on lui prêtât secours pour la faire entrer dans son couvent; on ne put lui accorder ce qu'elle vouloit, et je la résolus avec une peine extrême à retourner chez le marquis de los Balbasès, où je la remenai à dix heures du soir, M. de Villars ne voulant pas se mêler de ses affaires. Si j'ai eu pitié d'elle depuis cette visite-là, cette pitié ne s'est signalée en rien; et la reine qui auroit bien voulu lui faire le plaisir d'obliger son mari de la mettre ici dans un couvent, dit que Monsieur lui a recommandé de lui rendre tous les bons offices que raisonnablement elle pourroit désirer d'elle. Celui de la faire enfermer dans un couvent le plus austère, ne paroissoit pas indigne à cette princesse qu'elle s'y employât.

      M. le prince de Parme est donc amoureux de la comtesse de Soissons? Ce n'est pas un joli galant. Ce n'est pas aussi que s'il avoit cent mille écus dans son coffre, il ne les dépensât en un jour, mieux qu'aucun homme du monde, pour plaire à sa dame. Le roi, notre maître, ne peut pas souhaiter un autre gouverneur en Flandre pour sa majesté Catholique.

      La reine ne se divertit pas si bien qu'on pourroit le croire. Elle est jeune et saine, d'un heureux tempérament. Je ne pense pas qu'au reste du monde l'on voie ce que nous avons vu depuis que nous sommes dans ce royaume; la peste, la famine, des ravages d'eaux dont on n'avoit jamais entendu parler; un tremblement de terre, qui a presque entièrement détruit cinq ou six villes; sans compter les frayeurs où je fus après cela quinze jours durant. Le moindre mouvement me paroissoit un tremblement de terre; mais il nous manquoit encore quelque chose, une comète. Assurez-vous que depuis huit jours il en paroît une des plus grandes et des mieux marquées qu'on ait jamais vues. Elle commence à se montrer sur les quatre à cinq heures du soir, et dure jusqu'à huit ou neuf. Comme il ne nous appartient pas d'en avoir peur, c'est une des choses qui me sont le plus indifférentes; car je suis persuadée qu'elle ne signifie rien pour la France.

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      LETTRE XXX

Madrid, 26 janvier 1681.

      Il faut vous dire deux mots de la connétable Colonne. Je trouvai le confesseur de la reine, il y a deux jours, au palais, qui avoit apporté une lettre pour la montrer à cette princesse, avant qu'il la fermât. Il venoit de chez le connétable Colonne, qui l'avoit écrite à sa femme, en présence du confesseur. Elle contient que le mari consent qu'elle vienne à Madrid, dans un couvent nommé; qu'elle prenne l'habit de religieuse le même jour qu'elle y entrera; et, trois mois après, qu'elle fasse profession. Je ne doute pas qu'elle n'accepte ces conditions pour quitter le lieu qu'elle habite présentement. Je ne conseillerois pas à la reine de répondre qu'elle n'en sortira jamais.

      Cette princesse continue de se bien porter, et de passer à l'église sept ou huit heures les jours et veilles de grandes fêtes. Je ne voudrois pas vous répondre qu'elle en fût plus dévote. J'ai toujours l'honneur de la voir souvent. Le roi l'aime autant qu'il peut; elle le gouverneroit assez; mais d'autres machines, sans beaucoup de force ni de rapidité, donnent d'autres mouvemens, et tournent et changent les volontés du roi. La jeune princesse n'y est pas trop sensible. Elle parle présentement très-bien espagnol. Elle connoît toute la cour, et les différens intérêts de ceux qui la composent. La reine, sa belle-mère, qui est très-bonne princesse, l'aime toujours fort tendrement.

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      LETTRE XXXI

Madrid, 23 janvier 1681.

      Le comte de Monterei a été exilé de cette cour, il y a quatre ou cinq jours. On ne dit point pourquoi. Je ne le puis comprendre, si ce n'est qu'il est le plus honnête homme du monde, et le plus propre à bien servir son roi. L'on refuse toujours le congé à son père, le marquis de Liche, qui est ambassadeur à Rome, malade, ruiné, par conséquent fort ennuyé. Je vis, l'autre jour, sa femme, qui est fort jolie, fondre en larmes aux pieds du roi, pour obtenir le congé. Je ne vous parlerai point de choses plus divertissantes et plus gaies, ma chère madame. Qu'il est difficile de l'être à Madrid! et que, si l'on avoit de bonnes dispositions pour la pénitence, ce seroit un lieu propre pour la faire! La reine est en parfaite santé, et dans une grande fraîcheur. De vous dire de quoi elle soutient tout cela, c'est ce que j'ignore absolument.

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      LETTRE XXXII

Madrid, 6 février 1681.

      Vous n'avez donc point reçu par le marquis de Ligneville, le petit présent que je croyois qui vous seroit fidèlement rendu? Les messagers ordinaires, à ce que je vois, ont plus d'honneur et de probité que les gens de qualité portant de beaux noms. Vraiment, madame, ce n'est pas pour le vanter; mais ce que je vous envoyois, quoique peu précieux et peu magnifique, étoit pourtant joli et bien choisi; et j'aimois à imaginer

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<p>28</p>

Château royal de Ségovie.