Lettres de Mmes. de Villars, de Coulanges et de La Fayette, de Ninon de L'Enclos et de Mademoiselle Aïssé. de Lenclos Ninon

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Lettres de Mmes. de Villars, de Coulanges et de La Fayette, de Ninon de L'Enclos et de Mademoiselle Aïssé - de Lenclos Ninon

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      LETTRE II

Lyon, 11 septembre 1672.

      Je suis ravie de pouvoir croire que vous m'avez un peu regrettée; ce qui me persuade que je le mérite, c'est le chagrin que j'ai eu de ne vous plus voir; j'ai fait vos complimens au charmant31; il les a reçus, comme il le devoit, j'en suis contente; si je prenois autant d'intérêt en lui que M. de Coulanges, je serois plus aise de ce qu'il dit de vous, pour lui que pour vous. Madame d'Assigni a gagné son procès tout d'une voix. Envoyez-moi M. de Corbinelli; son appartement est tout prêt; je l'attends avec une impatience, qui mérite qu'il fasse ce petit voyage; toutes nos beautés attendent, et ne veulent point partir pour la campagne qu'il ne soit arrivé; s'il abuse de ma simplicité, et que tout ceci se tourne en projets, je romps pour toujours avec lui. Adieu, ma vraie amie. C'est à madame la comtesse de Grignan que j'en veux.

A madame de Grignan

      Je n'ai plus de goût pour l'ouvrage, madame; on ne sait travailler qu'à Grignan; le charmant et moi, nous en commençâmes un, il y a deux jours; vous y aviez beaucoup de part; vous me trouveriez une grande ouvrière à l'heure qu'il est. Il me paroît que le charmant vous voudroit bien envoyer des patrons; mais le bruit court que vous ne travaillez point à patrons, et que ceux que vous donnez sont inimitables. Adieu, ma chère madame; je trouve une grande facilité à me défaire de ma sécheresse, quand je songe que c'est à vous que j'écris.

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      LETTRE III

Lyon, 30 octobre 1672.

      Je suis très-en peine de vous, ma belle; aurez-vous toujours la fantaisie de faire le bon corps? Falloit-il vous mettre sur ce pied-là après avoir été saignée? Je meurs d'impatience d'avoir de vos nouvelles, et il se passera des temps infinis avant que j'en puisse recevoir. Hélas! voici un adieu, ma délicieuse amie; je m'en vais faire cent lieues pour m'éloigner de vous! quelle extravagance! Depuis que le jour est pris pour m'en aller à Paris, je suis enragée de penser à tout ce que je quitte; je laisse ma famille, une pauvre famille désolée; et cependant je pars le jour même de la Toussaint pour Bagnols: de Bagnols à Rouanne; et puis, vogue la galère. N'êtes-vous pas ravie du présent que le roi a fait à M. de Marsillac32? n'êtes-vous pas charmée de la lettre que le roi lui a écrite? Je suis au vingtième livre de l'Arioste; j'en suis ravie. Je vous dirai, sans prétendre abuser de votre crédulité, que, si j'étois reçue dans votre troupe à Grignan, je me passerois bien mieux de Paris, que je ne me passerai de vous à Paris. Mais, adieu, ma vraie amie, je garde le charmant pour la belle comtesse. Ecoutez, madame, le procédé du charmant; il y a un mois que je ne l'ai vu; il est à Neuville33, outré de tristesse; et quand on prend la liberté de lui en parler, il dit que son exil est long; et voilà les seules paroles qu'il a proférées depuis l'infidélité de son Alcine; il hait mortellement la chasse, et il ne fait que chasser; il ne lit plus, ou du moins il ne sait ce qu'il lit; plus de Solus, plus d'amusement; il a un mépris pour les femmes, qui empêche de croire qu'il méprise celle qui outrage son amour et sa gloire; le bruit court qu'il viendra me dire adieu le jour que je partirai. Je vous manderai le changement qui est arrivé en sa personne. Je suis de votre avis, madame, je ne comprends point qu'un amant ait tort, parce qu'il est absent; mais qu'il ait tort étant présent, je le comprends mieux; il me paroît plus aisé de conserver son idée sans défauts pendant l'absence. Alcine n'est pas de ce goût; le charmant l'aime de bien bonne foi; c'est la seule personne qui m'ait fait croire à l'inclination naturelle; j'ai été surprise de ce que je lui ai entendu dire là-dessus; mais que deviendra-t-elle, comme vous dites, cette inclination? Peut-être arrivera-t-il un jour que le charmant croira s'être mépris, et qu'il contera les appas trompeurs d'Alcine. Le bruit de la reconnoissance que l'on a pour l'amour de mon gros cousin34 se confirme; je ne crois que médiocrement aux méchantes langues; mais mon cousin, tout gros qu'il est, a été préféré à des tailles plus fines; et puis, après un petit, un grand; pourquoi ne voulez-vous pas qu'un gros trouve sa place? Adieu, madame; que je hais de m'éloigner de vous!

      Venez, mon cher confident35, que je vous dise adieu; je ne puis me consoler de ne vous avoir point vu; j'ai beau songer au chagrin que j'aurois eu de vous quitter, il n'importe; je préférerois ce chagrin à celui de ne vous avoir point fait connoître les sentimens que j'ai pour vous. Je suis ravie du talent qu'a M. de Grignan pour la friponnerie; ce talent est nécessaire pour représenter le vraisemblable. Adieu, mon cher monsieur: quand vous me promettez d'être mon confident, je me repens de n'être pas digne d'accepter une pareille offre; mais venez vous faire refuser à Paris. Adieu, mon amie; adieu, madame la comtesse; adieu, M. de Corbinelli; je sens le plaisir de ne vous point quitter en m'éloignant, mais je sens bien vivement le chagrin d'être assurée de ne trouver aucun de vous où je vais.

      Je ne veux point oublier de vous dire que je suis si aise de l'abbaye que le roi a donnée à M. le coadjuteur, qu'il me semble qu'il y a de l'incivilité à ne m'en point faire de compliment.

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      LETTRE IV

Paris, 26 décembre 1672.

      Le siége de Charleroi est enfin levé36; je ne vous demande aucun détail de ce qui s'y est passé, sachant que mademoiselle de Méri en envoie une relation à madame de Grignan. On ignore jusqu'à présent quelle route le roi prendra; les uns disent qu'il retournera tout droit à Saint-Germain; les autres qu'il ira en Flandre; nous serons bientôt éclaircis de sa marche. Sans vanité, je sais des nouvelles à l'arrivée des courriers; c'est chez M. le Tellier37 qu'ils descendent, et j'y passe mes journées; il est malade, et il paroît que je l'amuse; cela me suffit pour m'obliger à une grande assiduité. Je ne comprends point par quelle aventure vous n'avez pas reçu la lettre de M. de Coulanges, dans laquelle je vous écrivois; c'est une médiocre perte pour vous; j'ai cependant la confiance de croire que vous regrettez cette lettre, parce que je vous aime, ma très-belle, et que vous m'avez toujours paru reconnoissante. J'ai été à la messe de minuit; j'ai mangé du petit salé au retour; en un mot, j'ai un assez bon corps cette année pour être digne du vôtre. J'ai fait des visites avec madame de la Fayette, et je me trouve si bien d'elle, que je crois qu'elle s'accommode de moi. Nous avons encore ici madame de Richelieu; j'y soupe ce soir avec madame du Fresnoi; il y a grande presse de cette dernière à la cour, il ne se fait rien de considérable dans l'état, où elle n'ait part. Pour madame Scarron, c'est une chose étonnante que sa vie: aucun mortel, sans exception, n'a commerce avec elle; j'ai reçu une de ses lettres; mais je me garde bien de m'en vanter, de peur des questions infinies que cela attire. Le rendez-vous du beau monde est les soirs chez la maréchale d'Estrées; Manicamp et ses deux sœurs sont assurément bonne compagnie; madame de Senneterre s'y trouve quelquefois, mais toujours sous la figure d'Andromaque. On est ennuyé de sa douleur: pour elle, je comprends qu'elle s'en accommode mieux que de son mari; cette raison devroit pourtant lui faire oublier qu'elle est affligée. Je la crois de bonne foi; ainsi je la plains. Les gendarmes Dauphin sont dans l'armée de M. le Prince; il faut espérer qu'on les mettra bientôt en quartier d'hiver, et qu'ils auront un moment pour donner ordre à leurs affaires; je connois des gens qui en sont accablés. Adieu, ma très-aimable; je vais me préparer pour la grande occasion de ce soir: il faut être bien modeste pour se coiffer quand on soupe avec madame du Fresnoi. Permettez-moi de faire mille complimens à madame de Grignan; je voudrois bien que ce fussent des amitiés, mais vous ne voulez pas.

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<p>31</p>

François de Neuville, marquis, puis duc de Villeroi, pair et maréchal de France.

<p>32</p>

De la charge de grand-maître de la Garde-robe.

<p>33</p>

Château de la maison de Villeroi, à quatre lieues de Lyon.

<p>34</p>

M. de Louvois, ministre.

<p>35</p>

A M. de Corbinelli.

<p>36</p>

Le prince d'Orange fut obligé de lever le siége de Charleroi le 22 décembre 1672.

<p>37</p>

Madame de Coulanges étoit nièce de la femme de M. le Tellier, depuis chancelier de France.