Lettres de Mmes. de Villars, de Coulanges et de La Fayette, de Ninon de L'Enclos et de Mademoiselle Aïssé. de Lenclos Ninon

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Lettres de Mmes. de Villars, de Coulanges et de La Fayette, de Ninon de L'Enclos et de Mademoiselle Aïssé - de Lenclos Ninon

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qu'elle étoit en France: c'est une taille charmante, un teint clair et net, de beaux yeux, des dents blanches, de beaux cheveux. Elle a fait un livre de sa vie, qui est déjà traduit en trois langues, afin que personne n'ignore ses aventures: il est fort divertissant. Elle est habillée à l'espagnole d'un fort bon air, mais ayant retranché et augmenté, ce qui en effet est mieux.

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      LETTRE II

Madrid, 30 novembre 1679.

      On ne peut mener une plus plaisante vie, que celle que je mène ici depuis mon arrivée, ne faisant aucune visite, et n'en voulant recevoir qu'après le retour de M. de Villars. Je sors quelquefois, quand il fait beau, pour aller, ce qu'on appelle tomar el sol8, hors des portes. Le soleil est très-agréable en cette saison. Il faut soigneusement tirer tous les rideaux du carrosse dans la ville; autrement on passeroit pour n'être pas honnête femme, et par tout pays il seroit fâcheux de se décrier pour un si petit sujet.

      Les ducs d'Ossone et d'Astorga se sont fort querellés devant la reine. L'on a jugé que le premier avoit tort, et on l'a envoyé ici attendre les ordres du roi. Je ne sais plus quelle charge il a9; mais les bruits de Madrid sont que le marquis de los Balbasès la pourroit bien avoir. Je n'ai point encore vu de beautés Espagnoles.

      M. de Villars vient d'arriver de Burgos. Il m'a conté beaucoup de détails de tout ce qu'il vient de voir. Il se flatte que le prince et la princesse d'Harcourt auront été contens de lui. Il m'a parlé de la plus belle robe du monde qu'avoit la princesse. Madame de Grancey a très-bien fait, et s'est fort bien servie de son temps de faveur auprès de la reine, pour ne lui donner que de très-bons conseils. On croit qu'elle aura du roi Catholique une pension de deux mille écus. On ne sait point encore si elle viendra jusques ici. Elle paroissoit fort tentée de s'en retourner avec la princesse d'Harcourt. Le roi et la reine viennent seuls dans un grand carrosse sans glaces, à la mode du pays. Il sera fort heureux pour eux qu'ils soient comme leur carrosse. On dit que la reine fait très-bien: pour le roi, comme il étoit fort amoureux avant que de l'avoir vue, sa présence ne peut qu'avoir augmenté sa passion. Elle reçut le roi avec un très-bel habit à la françoise, et une quantité surprenante de pierreries; mais elle le quitta le lendemain pour s'habiller à l'espagnole; et le roi la trouva beaucoup mieux. Madame de Grancey en mit un aussi, que la reine lui donna, et se coiffa à l'espagnole; ce qui lui sied fort bien. Elle étoit avec les dames d'honneur, qui sont proprement les filles de la reine. Elles passent toutes deux à deux, après la comédie, devant le roi et la reine, faisant leurs révérences: madame de Grancey figuroit avec une qui étoit de fort bonne grâce. Je n'ai point entendu dire que la maréchale de Clérembault figurât avec personne, mais qu'elle parloit fort bien espagnol. Le roi et la reine seront ici dans trois jours, et viendront demeurer à Buen-Retiro, maison royale aux portes de Madrid, jusqu'à ce que tout soit prêt pour l'entrée de la reine. Que j'appréhende de m'habiller, et de commencer à sortir! Je ne suis point du tout née pour représenter.

      Je viens d'apprendre que madame de Grancey est partie de Burgos pour Paris avec le prince et la princesse d'Harcourt. Elle a eu mille louis, deux mille écus de pension, et un présent de diamans de dix-huit cents ou deux mille pistoles, tout pareil à celui qu'on a donné à la maréchale de Clérembault. Il y en a eu deux autres de trois mille pistoles pour le prince et la princesse d'Harcourt. Toutes les femmes, hors les deux nourrices de la reine, et deux autres filles, ont été renvoyées. Une vieille sous-gouvernante, nommée mademoiselle Fauvelet, est morte en chemin; mais si bien en chemin, que son âme est partie de ce monde pour l'autre de dedans sa litière, ayant toujours voulu suivre, quelque malade qu'elle fût. Elle mourut peu d'heures avant que d'arriver au lieu où le roi vint trouver la reine, et où ils se sont mariés.

      La reine avoit perdu en chemin mille pistoles contre le prince et la princesse d'Harcourt, et autres personnes qui l'accompagnoient. Quand leurs majestés furent parties, les joueurs eurent grand'peur de n'être pas payés; mais ils furent agréablement surpris par l'arrivée d'une bourse où étoit cette somme.

      Ne trouvez-vous pas que madame de Grancey a fait un agréable voyage? Tout le monde dans cette cour est fort content d'elle. Le prince et la princesse d'Harcourt avoient un très-beau train, une grande table, et se sont fort bien acquittés de leur emploi. Leur entrée à Burgos fut trouvée fort belle. Le prince d'Harcourt s'est très-bien gouverné, et l'on est ici très-satisfait de l'un et de l'autre. Vous pouvez en assurer M. de Brancas10.

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      LETTRE III

Madrid, 14 décembre 1679.

      Peu après que la reine a été ici, elle a témoigné beaucoup d'envie de me voir, et me l'envoya dire. Je répondis que j'étois fort sensible à l'honneur qu'elle me faisoit. Elle me fit dire pour la seconde fois qu'elle avoit prié le roi que j'y allasse incognito, parce que, jusqu'à ce qu'elle ait fait son entrée, et qu'elle soit logée dans le palais, personne, homme ni femme, ne la verra. On envoya à la camarera mayor, pour lui dire ce que la reine avoit mandé, et la permission que le roi lui avoit donnée de me voir incognito. La camarera répondit qu'elle ne savoit point cela. Le gentilhomme espagnol, que nous lui avions envoyé, la supplia de vouloir s'en informer; elle répondit qu'elle n'en feroit rien, et que la reine ne verroit personne, tant qu'elle seroit au Retiro. Nous fîmes savoir à la reine la diligence que nous avions faite: on ne pouvoit pas moins après l'envie qu'elle avoit témoignée que j'eusse l'honneur de la voir. Après cela, nous nous sommes tenus en repos. Je n'ai pas même voulu aller à l'église, où l'on peut la voir d'une tribune, de peur qu'on ne m'accusât de trop d'empressement. Le roi en a un très-grand pour elle. Il ne voudroit jamais la perdre de vue. Cela est très-obligeant. Mais, pour en revenir à cette envie de me voir, je fus dimanche, pour la première fois, rendre mes devoirs à la reine mère, qui est bonne, obligeante, disant tout ce qu'elle peut et tout ce qu'il faut pour plaire. Elle me demanda si je n'avois pas encore vu la reine, sa belle-fille. Je lui dis que non. Elle me répondit: Elle a fort envie de vous voir; vous la verrez dès que vous le voudrez, et dès demain. Ce demain est aujourd'hui. Je vous ai écrit tout ceci par avance. Ce sera sur les quatre heures que je me rendrai à cette audience de la reine. Je vous rendrai compte comme tout cela m'aura paru. On dit qu'elle se conduit fort bien: j'en suis persuadée. Aucun François ne l'a vue. Il y a deux jours que la marquise de los Balbasès la voulut voir: elle alla dans l'appartement de la camarera, qui touche à celui de la reine. Dès que la jeune princesse le sut, elle y vint tout aussitôt; mais comme elle voulut parler à la marquise, la camarera prit la reine par le bras, et la fit entrer dans sa chambre. Ce sont des usages qui ne sont pas si extraordinaires ici qu'ils le seroient ailleurs.

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      LETTRE IV

Madrid, 15 décembre 1679.

      Je fus hier au Retiro, cette maison où le roi et la reine sont présentement. J'entrai par l'appartement de la camarera mayor, qui me vint recevoir avec toutes sortes d'honnêtetés; elle me conduisit par de petits passages dans une galerie où je croyois ne trouver que la reine; mais je fus bien étonnée quand je me vis avec toute la famille royale; le roi étoit assis dans un grand fauteuil, et les reines sur des carreaux. La camarera me tenoit toujours par la main, m'avertissant du nombre de révérences que j'avois à faire, et qu'il falloit commencer par le roi. Elle me fit approcher si près du fauteuil de sa majesté Catholique, que je ne comprenois point ce qu'elle vouloit que je fisse. Pour moi, je crus n'avoir rien à faire qu'une profonde révérence; sans vanité, il ne me la rendit pas, quoiqu'il ne me parût pas chagrin de me voir.

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<p>8</p>

Littéralement, prendre le soleil.

<p>9</p>

Gouverneur du Milanais, conseiller d'état, président du conseil des ordres et grand écuyer de la reine.

<p>10</p>

Père de la princesse d'Harcourt.