Histoire des Plus Célèbres Amateurs Étrangers. Dumesnil Antoine Jules

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Histoire des Plus Célèbres Amateurs Étrangers - Dumesnil Antoine Jules

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sans doute aux bons offices de son secrétaire G. Perez, deux mille écus de gratification, et il donna des ordres si précis à ses ministres de Milan et de Naples qu'ils s'empressèrent de lui faire payer les années arriérées de ses pensions7.

      Ce tableau de la Cène, destiné au monastère de l'Escurial, y fut placé dans le réfectoire; il s'y trouve encore aujourd'hui, et il est resté dans ce palais à peu près le seul ouvrage de Titien, dont les autres tableaux ont été transportés récemment au musée royal de Madrid. Mais, soit que l'humidité du local ait nui à cette grande peinture, soit que la fumée et la vapeur des mets aient contribué à obscurcir et gâter ses brillantes couleurs, ou qu'il ait été volontairement lacéré, toujours est-il qu'il ne subsiste plus aujourd'hui que des lambeaux de cette œuvre de premier ordre.

      Avant d'achever la Cène, Titien avait envoyé à Philippe II Vénus et Adonis; Andromède attachée au rocher et délivrée par Persée; Europe enlevée par Jupiter sous la forme d'un taureau; Pan et Syrinx. Il avait aussi composé pour la reine Marie le Supplice de Tantale, celui de Prométhée et celui de Sisyphe, et un autre Enlèvement d'Europe. Pour la reine de Portugal, il peignit un Christ à la colonne. Tous ces tableaux et beaucoup d'autres sont aujourd'hui au musée royal de Madrid8. C'est là qu'il faut aller admirer le génie de ce grand artiste, non moins remarquable dans ses poésies, comme disait Philippe II, que dans ses compositions tirées de l'Évangile ou de l'Écriture sainte, dans ses paysages et dans ses portraits. Il excelle dans tous les genres; sa verve est inépuisable, et la variété de ses compositions n'est pas moins surprenante que le charme brillant de son pinceau. À la vue de tant de chefs-d'œuvre, dus à l'imagination et à la main d'un seul artiste, il faut reconnaître que Charles-Quint eut bien raison de le choisir pour son peintre favori, et que Philippe II ne se montra pas moins bien inspiré en lui conservant cette préférence. Ces deux souverains ont donné, par ce choix, la preuve éclatante qu'ils se connaissaient en hommes, et que, parmi les artistes, ils savaient discerner le vrai génie. Depuis près de trois siècles, la postérité a commencé pour ces deux princes aussi bien que pour leur peintre, et l'histoire les a jugés; mais tant que dureront les toiles où le maître vénitien, avec un art qui n'appartient qu'à lui, a caractérisé leurs physionomies, leurs images vivront parmi les hommes, et, comme le dit Ridolfi dans l'épigraphe qu'il a inscrite à la tête de ses Meraviglie dell'arte, quoiqu'ils aient vécu pour mourir, ils ne sont morts que pour revivre9!

      À l'exemple de leurs maîtres, la plupart des grands seigneurs espagnols qui étaient employés en Italie et en Allemagne, soit au commandement des armées, soit au gouvernement des provinces conquises, tinrent à honneur d'être dans les bonnes grâces de l'illustre chef de l'école vénitienne, et d'obtenir quelque ouvrage de son pinceau. Nous avons rapporté, dans l'Histoire des plus célèbres amateurs italiens10, qu'à son retour d'Allemagne à Venise, vers 1549, le Titien fit le portrait de l'une des maîtresses de Gio. Battista Castaldi, général espagnol, l'un des protecteurs de l'Arétin. En 1553, il exécuta celui de Francesco Vargas, ambassadeur de Charles-Quint, que le poëte Partenio a célébré dans un sonnet. Il représenta également Antonio di Leva, général des armées de l'empereur, vêtu d'un pourpoint à l'antique, et avec une large toque sur la tête; le duc d'Albe; Ferdinand-François d'Avalos, marquis de Pescaire, le mari de Vittoria Colonna, tant aimée de Michel-Ange, et Alphonse d'Avalos, son neveu, marquis del Vasto, tous deux généraux de Charles-Quint11. Le musée du Louvre possède ce dernier portrait, l'un des plus beaux de Titien. – «Avalos, debout, tête nue, revêtu d'une armure, pose la main gauche sur le sein d'une jeune femme assise, qui tient des deux mains sur ses genoux une boule de verre. À droite, un Amour apportant un faisceau de flèches; une femme vue de profil, la tête couronnée de myrte, la main droite posée sur sa poitrine, dans une attitude respectueuse; par derrière, une figure dont on ne voit que la tête en raccourci et les mains élevées, qui soutiennent une corbeille de fleurs12

      Le Titien représenta une seconde fois le marquis del Vasto, haranguant ses soldats à la manière de Jules César. Le jeune homme placé près de lui, qui tient son casque, est son fils aîné, qui remplissait les fonctions de lieutenant général des armées de Charles-Quint en Italie13. C'est à l'occasion de ce tableau que l'imprimeur Marcolino écrivait de Venise, le 15 septembre 1551, à son ami l'Arétin: «Si je voulais vous flatter, je dirais qu'on vienne vous admirer couvert d'une armure et quelque peu tremblant, sur cette toile où Titien, qui pour vous est plus qu'un frère, a peint au naturel le marquis Alphonse d'Avalos del Vasto, qui parle à son armée avec le costume et à la manière de Jules César. Que l'on vous admire dans ce tableau, et qu'en vous voyant Milan tout entier accoure avec tout son peuple, pour vous contempler comme une effigie très-digne et divine.»

      Au milieu de tous ces nobles Castillans, nous ne devons pas oublier monseigneur d'Arras, qui, promu plus tard à la pourpre romaine, prit le nom de cardinal de Granvelle. «Il fit, dit Mariette14, grande figure à la cour de Philippe II, comme son père avait fait à celle de Charles-Quint. Il aimait les beaux-arts et fit lever, avec grande dépense, le plan, en largeur et hauteur, des thermes de Dioclétien, par Sebastiano de Oya, architecte flamand. Il le fit ensuite graver sur cuivre, et en composa un livre qui, de tous ceux qui traitent des antiquités de Rome, est le plus rare, le plus intéressant et le plus curieux. Il a été imprimé à Anvers, chez Girolamo Coch en l'année 1558.» – Non-seulement le Titien fit le portrait de ce cardinal, mais il le traita dans sa maison de Venise en véritable grand seigneur. Après avoir raconté qu'à son retour de Pologne par Venise, en 1574, le roi Henri III alla rendre visite au peintre, qui lui offrit généreusement plusieurs tableaux, dont ce prince lui avait demandé le prix, Ridolfi ajoute: «Titien ne brillait pas moins par la grandeur de ses manières, entretenant chez lui un nombreux domestique, vêtu d'une brillante livrée, comme celle d'un noble cavalier. Dans les voyages qu'il fit à la cour des princes, il traita toujours honorablement, avec grandes dépenses. On dit qu'il reçut à l'improviste à dîner chez lui les cardinaux espagnols de Granvelle et Pacheco. Jetant sa bourse à ses serviteurs, il leur dit: «Préparez le repas, car je me trouve tout un monde chez moi.» Et, en attendant que le dîner fût prêt, il lia conversation avec les deux cardinaux, tout en retouchant leurs portraits15

      CHAPITRE II

      Don Diego Hurtado de Mendoza. – Sa naissance et son éducation. – Son ambassade à Venise. – Sa liaison avec le Titien, l'Arétin et le Sansovino. – Service signalé qu'il rend à ce dernier. – Son altercation avec le pape Paul III. – Il est rappelé en Espagne, tombe en disgrâce et est mis en prison à la suite d'une querelle dans le palais de Philippe II. – Son exil à Grenade, ses travaux dans cette ville. – Ses relations avec sainte Thérèse. – Il meurt à Madrid. – Examen de ses œuvres. – Sonnet de Cervantès sur Mendoza.

1503 – 1575

      De tous les grands personnages de la cour d'Espagne, aucun ne vécut aussi intimement avec le Titien que don Diego Hurtado de Mendoza, qui fut pendant longtemps ambassadeur de Charles-Quint, à Venise. La vie de cet homme d'État est curieuse à étudier, en ce qu'elle se trouve mêlée aux événements politiques les plus importants de son temps, et qu'elle donne une haute idée de l'instruction aussi profonde que variée, et des rares qualités qui distinguaient alors la haute noblesse espagnole. Elle n'est pas moins intéressante au point de vue de l'art, puisque Mendoza fut lié avec le Titien, l'Arétin, le Sansovino et beaucoup d'autres artistes.

      «Les vies des hommes illustres, dit don Gregorio Mayans, dans l'édition qu'il a donnée à Valence, en 1776, de la Guerre de Grenade, présentant les exemples

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<p>7</p>

Ridolfi, Vita di Tiziano, p. 171-173.

<p>8</p>

Le catalogue de cette collection indique quarante-trois tableaux de Titien.

<p>9</p>

Vivimus morituri, morimur victuri.

<p>10</p>

Pag. 240 et suiv.

<p>11</p>

Ridolfi, ibid. p. 154, 158.

<p>12</p>

Catalogue du musée du Louvre, écoles d'Italie, p. 228. Troisième édit., 1852.

<p>13</p>

Catalogo de los cuadros del real Museo. Madrid, 1850, p. 191, num. 821.

<p>14</p>

Lettre à Bottari, dans le tome VI des Lettere pittoriche, édit. di Ticozzi. Milan, 1822, in-18, p. 13-14.

<p>15</p>

Ridolfi, Vita di Tiziano, p. 188.