Histoire des Plus Célèbres Amateurs Étrangers. Dumesnil Antoine Jules
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Don Diego Hurtado de Mendoza naquit à Grenade, à la fin de l'année 1503, ou au commencement de 1504. Son père, l'un des plus célèbres généraux qui servirent les rois catholiques dans la conquête du royaume de Grenade, fut don Inigo Lopez de Mendoza, second comte de Tendilla et premier marquis de Mondejar, fils du comte de Tendilla, qui fut frère germain du premier duc de l'infantado don Diego Hurtado de Mendoza, et tous deux fils du célèbre don Inigo de Mendoza, premier marquis de Santillana. Sa mère était doña Francisca Pacheco, seconde femme du marquis et fille de don Juan Pacheco, marquis de Villena et premier duc de Escalona. Il fut le cinquième des fils issus de ce mariage, qui tous se firent remarquer par les services rendus à leur pays: le premier, don Luis, fut capitaine général du royaume de Grenade, et depuis président du conseil; don Antonio fut vice-roi dans les deux Amériques; don Francisco, évêque à Jaen, et don Bernardino, général des galères de l'Espagne.
Rien ne prouve qu'il naquit à Tolède, comme on l'a prétendu; car on sait que ses parents restèrent à Grenade pendant les années qui suivirent la conquête de cette ville. Leur présence était nécessaire dans cette cité turbulente qui, par suite du zèle excessif déployé par le cardinal Ximenès pour la conversion des Mahométans, se révolta vers la fin du mois de décembre 1499, et dont les troubles durèrent presque pendant deux années. Il n'est pas à supposer que, pour éviter ce péril, la marquise, femme d'un caractère héroïque, se soit réfugiée à Tolède. On doit croire plutôt qu'elle se retira dans la forteresse de l'Albaïcin, lieu que le marquis choisit pour apaiser la sédition, et qu'elle s'établit avec ses jeunes enfants dans une maison attenant à la grande mosquée, comme si elle eût été livrée en otage.
Don Diego reçut une éducation très-soignée. On croit qu'il eut pour principal maître Pierre Martir de Angleria, qui vivait à Grenade, avait de grandes obligations à la famille Mendoza, et devait au premier comte de Tendilla d'être venu se fixer en Espagne. Le jeune Diego commença par étudier la grammaire et la langue arabe, qu'il cultiva toute sa vie: il alla terminer ses études à Salamanque, où il apprit le grec et le latin, la philosophie, le droit civil et canonique. Ces fortes études étaient une excellente préparation à la vie politique et au maniement des affaires, carrières réservées alors à la haute noblesse espagnole. La découverte de l'Amérique, la conquête de Grenade, la réunion des royaumes de Castille et de Léon sous un même sceptre, la compétition de l'empire d'Allemagne, la domination dans les Pays-Bas et en Italie, ouvraient à cette époque un large champ à l'ambition des grands seigneurs de la péninsule. Les principales familles de ce pays comprenaient l'importance d'une éducation solide, et la nécessité d'acquérir des connaissances variées, qui les missent à la hauteur des fonctions ou des commandements qu'elles auraient un jour à exercer. Aussi, tandis que la noblesse française continuait, en général, à vivre dans une grossière ignorance, méprisant les lettres et ne connaissant d'autre occupation que la guerre, les nobles Castillans, sans être moins braves, ne dédaignaient pas de s'instruire, et devenaient ainsi plus habiles dans la conduite des affaires et du gouvernement. Cette différence d'éducation des deux peuples n'a peut-être pas été assez remarquée. En mettant tout amour propre national de côté, on peut dire qu'elle contribua plus qu'on ne le pense généralement à établir et consolider, pendant tout le seizième siècle, la prédominance des armes, de l'administration et des idées espagnoles tant en Allemagne, dans les Pays-Bas, en Italie, à Naples et en Sicile, que dans les deux Amériques.
Pendant le séjour de don Diego à l'université de Salamanque, il aurait composé, selon quelques auteurs, la vie de Lazarille de Tormes, roman dans lequel notre Lesage a puisé plus d'un caractère et plus d'une scène de son immortel Gil Blas. Mais c'est une question très-controversée; d'autres écrivains attribuant cet ouvrage au frère Juan de Ortega, religieux hiéronimite.
Après l'achèvement de ses études, notre écolier, attiré comme tant d'autres de ses compatriotes par le désir de la gloire, passa en Italie, où il combattit longtemps contre les Français. On n'est pas fixé sur les campagnes auxquelles il prit part: on croit cependant, d'après un passage de son histoire de la guerre de Grenade, où il parle des nombreuses armées dans lequelles il a servi sous les ordres de l'empereur Charles-Quint, qu'il assista, en 1524, au siège de Marseille, et qu'il se trouva également à la bataille de Pavie où, suivant l'attestation de Sandoval, la compagnie de don Diego de Mendoza se distingua. Cependant il est impossible de l'affirmer, parce que, dans ce temps, il y avait à l'armée plusieurs Espagnols de ce nom.
Il est également vraisemblable qu'il prit part à la guerre faite à Lautrec, à l'occasion du duché de Milan; qu'il assista, en 1522, à la bataille de la Bicoque, et qu'il entra en France avec Charles-Quint, en 1536. Ce qu'il y a de certain, c'est qu'au milieu des mouvements et des préoccupations de la guerre, nul autre ne manifestait une plus ardente inclination pour les lettres. Dès que l'armée avait pris ses quartiers d'hiver, temps ordinairement consacré aux plaisirs et à l'oisiveté, il quittait les lieux de garnison et se rendait aux plus célèbres universités, telles que Bologne, Padoue, Rome et autres, pour apprendre, des professeurs les plus renommés, les mathématiques, la philosophie et les autres sciences. Il suivit, entre autres, les leçons d'Augustin Nifo et de Juan Montedosca, fameux philosophe sévillan, qui était en grande réputation dans les universités d'Italie, et qui mourut en 1532.
Ses talents, son application, sa haute naissance, le firent distinguer par Charles-Quint. Ce prince conçut la plus haute idée des qualités de don Diego; il apprécia beaucoup ses services pendant toute la durée de son règne, et lui confia les négociations les plus difficiles: dès 1538, il était ambassadeur à Venise. Nous n'avons pas à suivre ici don Diego de Mendoza dans l'exercice de ses fonctions publiques; cette partie de sa vie appartient à l'histoire générale de son pays. Nous devons nous borner à faire connaître l'existence qu'il menait à Venise, et les relations qu'il y entretenait avec les savants et les artistes.
Au milieu des négociations les plus épineuses, le comte n'abandonna jamais le goût qu'il avait pour les sciences et pour les lettres. Il aimait particulièrement à se procurer des manuscrits grecs, à les faire copier à grands frais, ou à les faire chercher et rapporter des extrémités les plus éloignées de la Grèce. C'est ainsi qu'il envoya jusqu'en Thessalie et au mont Athos, Nicolas Sofiano, natif de Corfou, pour rechercher et copier tout ce qu'il trouverait de remarquable parmi les anciens auteurs grecs. Il se servit également de Arnoldo Ardénio, Grec fort instruit, auquel il fit traduire, avec grande dépense, beaucoup de manuscrits de diverses bibliothèques, et principalement de celle du cardinal Bessarion. Grâce à ces recherches, l'Europe, dit son biographe, put connaître beaucoup d'ouvrages ignorés jusqu'alors, des plus célèbres auteurs grecs sacrés et profanes, tels que saint Basile, saint Grégoire de Nazianze, saint Cyrille d'Alexandrie, Archimède tout entier, Héron, Appien et d'autres. C'est de sa bibliothèque que l'on publia les œuvres complètes de Josèphe.
Mais, ce qui est surtout digne d'être transmis à la postérité, c'est le cadeau qu'il reçut du sultan Soliman, auquel il avait renvoyé libre et sans rançon un captif que ce prince aimait beaucoup, encore que don Diego l'eût racheté à grand prix de ceux qui l'avaient fait prisonnier. Le Grand-Seigneur voulait lui témoigner sa satisfaction par un don en rapport avec sa puissance; mais don Diego ne consentit à recevoir qu'un présent digne de la noblesse de sa naissance et de ses sentiments, et fait pour montrer le désintéressement d'un ministre de l'empereur. La république de Venise