Histoire des Musulmans d'Espagne, t. 1. Dozy Reinhart Pieter Anne

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Histoire des Musulmans d'Espagne, t. 1 - Dozy Reinhart Pieter Anne

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il partit pour Coufa, à la grande satisfaction de son soi-disant ami Abdallâh qui, incapable de lutter dans l'opinion publique contre le petit-fils du Prophète, se réjouissait intérieurement en le voyant marcher à sa perte de propos délibéré et porter spontanément sa tête au bourreau.

      La dévotion n'était pour rien dans le dévoûment que l'Irâc montrait pour Hosain. Cette province était dans une situation exceptionnelle. Moâwia, bien que Mecquois d'origine, avait été le fondateur d'une dynastie essentiellement syrienne. Sous son règne la Syrie était devenue la province prépondérante. Damas était dorénavant la capitale de l'empire; – sous le califat d'Alî, Coufa avait eu cet honneur. Froissés dans leur orgueil, les Arabes de l'Irâc montrèrent dès le début un esprit fort turbulent, fort séditieux, fort anarchique, fort arabe en un mot. La province devint le rendez-vous des brouillons politiques, le repaire des brigands et des assassins. Alors Moâwia en confia le gouvernement à Ziyâd, son frère bâtard. Ziyâd ne contint pas les têtes chaudes, il les abattit. Ne marchant qu'escorté de soldats, d'agents de police et de bourreaux, il écrasa de sa main de fer la moindre tentative faite pour troubler l'ordre politique ou social. Bientôt la plus complète soumission et la plus grande sécurité régnèrent dans la province; mais le plus affreux despotisme y régna en même temps. Voilà pourquoi l'Irâc était prêt à reconnaître Hosain.

      Mais la terreur avait déjà plus d'empire sur les âmes que les habitants de la province ne le soupçonnaient eux-mêmes. Ziyâd n'était plus, mais il avait laissé un fils digne de lui. Ce fils s'appelait Obaidallâh. Ce fut à lui que Yézîd confia la tâche d'étouffer la conspiration à Coufa, alors que le gouverneur de la ville, Nomân, fils de Bachîr, faisait preuve d'une modération qui parut suspecte au calife. Etant parti de Baçra à la tête de ses troupes, Obaidallâh leur fit faire halte à quelque distance de Coufa. Puis, s'étant voilé pour se cacher le visage, il se rendit dans la ville à l'entrée de la nuit, accompagné de dix hommes seulement. Afin de sonder les intentions des habitants, il avait fait poster sur son passage quelques personnes qui le saluèrent comme s'il eût été Hosain. Plusieurs nobles citoyens lui offrirent aussitôt l'hospitalité. Le prétendu Hosain rejeta leurs offres, et, entouré d'une multitude tumultueuse qui criait: vive Hosain! il alla droit au château. Nomân en fit fermer les portes en toute hâte. «Ouvrez, lui cria Obaidallâh, afin que le petit-fils du Prophète puisse entrer! – Retournez d'où vous êtes venu! lui répondit Nomân; je prévois votre perte, et je ne voudrais pas que l'on pût dire: Hosain, le fils d'Alî, a été tué dans le château de Nomân.» Satisfait de cette réponse, Obaidallâh ôta le voile qui lui couvrait la figure. Reconnaissant ses traits, la foule se dispersa aussitôt, saisie de terreur et d'effroi, tandis que Nomân vint le saluer respectueusement et le prier d'entrer dans le château. Le lendemain Obaidallâh annonça au peuple rassemblé dans la mosquée, qu'il serait un père pour les bons, un bourreau pour les méchants. Il y eut une émeute, elle fut réprimée. Dès lors nul n'osa reparler de rébellion.

      L'infortuné Hosain reçut ces nouvelles fatales non loin de Coufa. A peine avait-il avec lui une centaine d'hommes, ses parents pour la plupart; pourtant il continua sa route; la folle et aveugle crédulité qui semble comme un sort jeté sur les prétendants, ne l'abandonna point: une fois qu'il serait devant les portes de Coufa, les habitants de cette ville s'armeraient pour sa cause, il s'en tenait convaincu. Près de Kerbelâ, il se trouva face à face avec les troupes qu'Obaidallâh avait envoyées à sa rencontre, en leur enjoignant de le prendre mort ou vif. Sommé de se rendre, il entra en pourparlers. Le général des troupes omaiyades n'obéit pas à ses ordres, il chancela. C'était un Coraichite; fils d'un des premiers disciples de Mahomet, il répugnait à l'idée de verser le sang d'un fils de Fatime. Il envoya donc demander de nouvelles instructions à son chef, et lui fit connaître les propositions de Hosain. Ayant reçu ce message, Obaidallâh lui-même eut un moment d'hésitation. «Eh quoi! lui dit alors Chamir, noble de Coufa et général dans l'armée omaiyade, Arabe du vieux temps tout comme son petit-fils que nous rencontrerons plus tard en Espagne; eh quoi! le hasard a livré votre ennemi entre vos mains, et vous l'épargneriez? Non, il faut qu'il se rende à discrétion.» Obaidallâh expédia un ordre en ce sens au général de ses troupes. Hosain refusa de se rendre sans condition, et pourtant on ne l'attaqua point. Alors Obaidallâh envoya de nouvelles troupes sous Chamir, auquel il dit: «Si le Coraichite persiste à ne pas vouloir combattre, tu lui trancheras la tête et tu prendras le commandement à sa place83.» Mais une fois que Chamir fut arrivé dans le camp, le Coraichite n'hésita plus; il donna le signal de l'attaque. En vain Hosain cria-t-il à ses ennemis: «Si vous croyez à la religion fondée par mon aïeul, comment pourrez-vous alors justifier votre conduite le jour de la résurrection?» – en vain fit-il attacher des Corans aux lances: – sur l'ordre qu'en donna Chamir, on l'attaqua l'épée au poing et on le tua. Ses compagnons restèrent presque tous sur le champ de bataille, après avoir vendu chèrement leur vie (10 octobre 680).

      La postérité, toujours prête à s'attendrir sur le sort des prétendants malheureux, et tenant d'ordinaire peu de compte du droit, du repos des peuples, des malheurs qui naissent d'une guerre civile si elle n'est étouffée dans son germe, – la postérité a vu dans Hosain la victime d'un forfait abominable. Le fanatisme persan a fait le reste: il a rêvé un saint là où il n'y avait qu'un aventurier précipité dans l'abîme par une étrange aberration d'idées, par une ambition allant jusqu'à la frénésie. L'immense majorité des contemporains en jugeait autrement: elle voyait dans Hosain un parjure coupable de haute trahison, attendu que, du vivant de Moâwia, il avait prêté serment de fidélité à Yézîd, et qu'il ne pouvait faire valoir au califat aucun droit, aucun titre.

      Celui qui prit la place de prétendant, que la mort de Hosain venait de laisser vide, fut moins téméraire et se crut plus habile. C'était Abdallâh, fils de Zobair. Ostensiblement il avait été l'ami de Hosain; mais ses sentiments véritables n'avaient été un mystère ni pour Hosain lui-même, ni pour les amis de ce dernier. «Sois tranquille et satisfait, fils de Zobair,» avait dit Abdallâh, fils d'Abbâs, quand il eut pris congé de Hosain, après l'avoir conjuré inutilement de ne point entreprendre le voyage de Coufa; et récitant trois petits vers bien connus alors, il avait poursuivi ainsi: «L'air est libre pour toi, alouette! Ponds, gazouille et béquette tant que tu voudras;… voilà Hosain qui part pour l'Irâc et qui t'abandonne le Hidjâz.» Toutefois, et bien qu'il eût pris secrètement le titre de calife dès que le départ de Hosain lui eut laissé le champ libre, le fils de Zobair feignit une profonde douleur quand la nouvelle de la catastrophe de Hosain arriva dans la ville sainte, et il s'empressa de tenir un discours fort pathétique. Il était né rhéteur, cet homme; nul n'était plus rompu à la phrase, nul ne possédait à un égal degré le grand art de dissimuler ses pensées et de feindre des sentiments qu'il n'éprouvait point, nul ne s'entendait mieux à cacher la soif des richesses et du pouvoir qui le dévorait, sous les grands mots de devoir, de vertu, de religion, de piété. Là était le secret de sa force; c'était par là qu'il en imposait au vulgaire. Maintenant que Hosain ne pouvait plus lui faire ombrage, il le proclama calife légitime, vanta ses vertus et sa piété, prodigua les épithètes de perfides et de fourbes aux Arabes de l'Irâc, et conclut son discours par ces paroles, que Yézîd pouvait prendre pour soi, s'il le jugeait convenable: «Jamais on ne vit ce saint homme préférer la musique à la lecture du Coran, des chants efféminés à la componction produite par la crainte de Dieu, la débauche du vin au jeûne, les plaisirs de la chasse aux conférences destinées à de pieux entretiens… Bientôt ces hommes recueilleront le fruit de leur conduite perverse84»…

      Il lui fallait avant tout gagner à sa cause les chefs les plus influents des Emigrés. Il pressentit qu'il ne pourrait pas les tromper aussi facilement que la plèbe sur les véritables motifs de sa rébellion; il prévit qu'il rencontrerait des obstacles, surtout chez Abdallâh, le fils du calife Omar, attendu que c'était un homme vraiment désintéressé, vraiment pieux, et fort clairvoyant. Cependant il ne se laissa pas décourager. Le fils du calife Omar avait une femme dont la dévotion n'était égalée que par sa crédulité. Il lui fallait commencer par elle, le fils de Zobair le

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<p>83</p>

Ibn-Badroun, p. 164.

<p>84</p>

Nouveau Journ. asiat., t. IX, p. 332.