Jane Eyre; ou Les mémoires d'une institutrice. Brontë Charlotte

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Jane Eyre; ou Les mémoires d'une institutrice - Brontë Charlotte

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me répondit-elle en passant son bras autour de moi Et maintenant dites-moi quelle est cette dame que M. Brockelhurst appelle votre bienfaitrice.

      – C'est Mme Reed, la femme de mon oncle; mon oncle est mort et m'a laissée à ses soins.

      – Elle ne vous a donc pas librement adoptée?

      – Non, Mme Reed en était fâchée; mais mon oncle, à ce que m'ont souvent répété les domestiques, lui avait fait promettre en mourant de me garder toujours près d'elle.

      – Eh bien, Jane, vous savez, ou, si vous ne le savez pas, je vous apprendrai que lorsqu'un criminel est accusé, on lui permet toujours de prendre la parole pour sa défense. Vous avez été chargée d'une faute qui n'est pas la vôtre; défendez-vous aussi bien que vous le pourrez; dites tout ce que vous offrira votre mémoire; mais n'ajoutez rien, n'exagérez rien.»

      Je résolus, au fond de mon coeur, d'être modérée et exacte: et, après avoir réfléchi quelques minutes pour mettre de l'ordre dans ce que j'avais à dire, je me mis à raconter toute l'histoire de ma triste enfance.

      J'étais épuisée par l'émotion; aussi mes paroles furent-elles plus douces qu'elles ne l'étaient d'ordinaire lorsque j'abordais ce sujet douloureux. Me rappelant ce qu'Hélène m'avait dit sur l'indulgence, je mis dans mon récit bien moins de fiel que je n'en mettais d'habitude; raconté ainsi, il était plus vraisemblable, et, à mesure que j'avançais, je sentais que Mlle Temple me croyait entièrement.

      Dans le courant de mon récit, j'avais parlé de M. Loyd comme étant venu me voir après mon accès, car je n'avais point oublié le terrible épisode de la chambre rouge. J'avais même craint qu'en le racontant, mon irritation ne me fît dépasser en quelque sorte les justes limites. Rien ne pouvait, en effet, adoucir en moi le souvenir de cette douloureuse agonie qui s'était alors emparée de mon coeur, et je me rappelais toujours comment Mme Reed avait dédaigné mes instantes supplications, et m'avait enfermée pour la seconde fois dans cette sombre chambre, que je croyais hantée par un esprit.

      J'avais achevé; Mlle Temple me regarda en silence pendant quelques minutes; puis elle me dit:

      «Je connais M. Loyd, je lui écrirai; si sa réponse s'accorde avec ce que vous avez dit, vous serez publiquement déchargée de toute accusation; pour moi, Jane, dès à présent je vous considère comme innocente.»

      Elle m'embrassa et me garda près d'elle. J'en fus heureuse, car je prenais un plaisir d'enfant à contempler sa figure, ses vêtements, ses bijoux, son front pur, ses cheveux brillants, ses yeux noirs qui rayonnaient. Se tournant alors vers Hélène, elle lui dit:

      «Comment êtes-vous ce soir, Hélène? avez-vous beaucoup toussé aujourd'hui?

      – Pas tout à fait autant que de coutume, je crois, madame.

      – Et comment vont vos douleurs de poitrine?

      – Un peu mieux.»

      Mlle Temple se leva, prit la main d'Hélène, et tâta son pouls; puis elle retourna à se place, et je l'entendis soupirer.

      Elle demeura pensive pendant quelques minutes; mais, sortant tout à coup de sa réflexion, elle nous dit gaiement:

      «Vous êtes mes hôtes ce soir, et je veux vous traiter comme tels.»

      En disant ces mots, elle sonna.

      «Barbara, dit-elle à la servante qui entra, je n'ai pas encore eu mon thé; apportez le plateau et donnez des tasses pour ces deux jeunes filles.»

      Le plateau fut apporté. Combien mes yeux furent charmés par ces tasses de porcelaine, et cette théière, placée sur une petite table ronde près du feu! Combien me semblèrent délicieux le parfum du thé et l'odeur des tartines, dont à mon grand désappointement, car la faim commençait à se faire sentir, je n'aperçus qu'une très petite quantité. Mlle Temple en fit aussi la remarque.

      «Barbara, dit-elle, ne pourriez-vous pas nous apporter un peu plus de pain et de beurre? il n'y en pas assez pour trois.»

      La servante sortit et revint bientôt.

      «Mademoiselle, dit-elle. Mme Harden dit qu'elle a envoyé la quantité ordinaire.»

      Mme Harden était la femme de charge; elle était taillée sur le même modèle que M. Brockelhurst; elle semblait faite de la même chair et des mêmes os.

      «Oh! très bien, répondit Mlle Temple; nous nous en passerons alors.»

      Au moment où la servante s'en allait, elle ajouta en souriant:

      «Heureusement que, pour cette fois, j'ai de quoi suppléer à ce qui manque.»

      Ella invita Hélène et moi à nous approcher de la table, et plaça devant chacune de nous une tasse de thé et une délicieuse mais petite tartine de beurre; puis elle se leva, ouvrit un tiroir et en tira un paquet enveloppé de papier: un pain d'épice d'une majestueuse grandeur s'offrit à nos regards.

      «J'aurais voulu vous en donner à chacune un morceau pour l'emporter, dit-elle; mais, puisque nous n'avons pas assez de pain et de beurre, il faudra bien le manger maintenant.»

      Et sa main généreuse nous en coupa de grosses tranches.

      Ce soir-là, il nous sembla que nous étions nourries de nectar et d'ambroisie. Le sourire de satisfaction avec lequel Mlle Temple nous regardait pendant que nous apaisions nos appétits voraces sur le mets délicat qu'elle nous avait libéralement réparti, ne fut pas la moindre de nos joies.

      Le thé achevé et le plateau enlevé, elle nous rappela près du feu; chacune de nous fut placée à ses côtés, et une conversation s'engagea entre elle et Hélène. Ce n'était pas un petit privilège que d'être admise à l'entendre.

      Mlle Temple avait toujours quelque chose de serein dans son apparence, de noble dans son maintien. On trouvait dans son langage cette exactitude épurée qui prévient l'exagération ou la passion. Ceux qui la regardaient ou l'écoutaient, éprouvaient non seulement un vif plaisir, mais aussi un profond respect.

      Ce fut ce qui m'arriva. Quant à Hélène, elle me frappa d'admiration.

      Le repas confortable, le foyer réjouissant, la présence et la bonté de son institutrice aimée, ou plutôt quelque chose qui se passa dans cette âme privilégiée, réveilla toutes les puissances de son être; elles s'allumèrent et commencèrent par animer d'une teinte brillante ses joues, qui jusque-là avaient toujours été pâles et privées de sang; puis elles vinrent éclairer ses yeux, leur donner un doux rayonnement, et ils acquirent tout à coup une beauté plus originale que celle de Mlle Temple, une beauté qui n'était produite ni par une riche couleur ni par de longs cils ou des sourcils bien dessinés, mais par la force de la pensée et la splendeur de l'âme. Cette âme était là sur ses lèvres, et les paroles coulaient de je ne sais quelle source mystérieuse.

      Une jeune fille de quatorze ans a-t-elle un coeur assez grand, assez vigoureux pour renfermer la source sans cesse agitée d'une éloquence pure, pleine et fervente? tel fut le sujet de la conversation d'Hélène pendant toute cette soirée, dont je ne perdrai jamais le souvenir; son esprit semblait vouloir vivre autant dans un court espace que les autres durant une longue existence.

      Mlle Temple et Hélène parlèrent de choses qui m'étaient étrangères, des peuples et des temps passés, des contrées éloignées, des secrets de la nature découverts ou devinés. Elles parlèrent de différents

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