Création et rédemption, première partie: Le docteur mystérieux. Dumas Alexandre

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Création et rédemption, première partie: Le docteur mystérieux - Dumas Alexandre

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et le chat entre les pattes l'un de l'autre, en voilà encore un, de vos tours!

      – Donne à ces animaux leur déjeuner, et attends, dit le docteur, qui n'était pas fâché souvent d'apprécier, de ses propres yeux, l'effet que ce que le peuple appelle des miracles produisait sur les âmes vulgaires.

      Marthe obéit, mais son trouble était si grand, qu'elle déposa la pâtée du chat devant le nez du chien et la soupe du chien devant le nez du chat. Et, comme elle voulait réparer cette erreur:

      – Laisse faire, dit Jacques Mérey; chacun trouvera bien son écuelle.

      Alors, de ce sifflement avec lequel il avait réveillé le Président, il tira les deux animaux de leur sommeil factice, et, comme il l'avait prédit, Scipion fit un bond à gauche pour arriver à sa soupe, et le Président passa entre les jambes de Scipion pour arriver à sa pâtée.

      À partir de ce jour, l'harmonie la plus parfaite s'était rétablie et avait régné, à la grande satisfaction de Marthe, mais à la plus grande satisfaction encore de son maître, dans la maison du docteur.

      C'était donc avec une confiance en son maître qu'avaient encore augmentée les événements que nous venons de raconter, que Marthe suivait le docteur à son laboratoire, croyant lui voir rapporter sa moisson d'herbes ordinaire.

      Mais son étonnement fut grand, lorsque après avoir, avec toutes sortes de précautions, déposé son manteau à terre, le docteur en laissa tomber les quatre coins, et qu'elle vit que ce qu'elle avait pris pour des bottes d'herbes n'était rien autre chose qu'une enfant de sept à huit ans, qui resta immobile sur le parquet à l'endroit où l'avait déposée Jacques Mérey, et qui ne donna signe de vie par un mouvement quelconque que quand le chien accourut près d'elle et se fut mis à lui lécher le visage.

      – Ah! mon Dieu! qu'est-ce que c'est que ça? s'écria Marthe la tête en avant et les bras écartés.

      – Ça! dit le docteur avec son mélancolique sourire; ça! c'est une masse de chair sans âme, sans volonté, sans mouvement, oubliée par le Créateur parmi ces êtres difformes et incomplets auxquels il faut que la science rende ce que la nature a oublié de leur donner.

      – Jésus Dieu! monsieur le docteur, s'exclama Marthe, vous n'allez pas encore embarrasser, j'espère bien, la maison d'un pareil fétiche? C'est bon à mettre dans les grands bocaux qui sont à la porte des apothicaires, mais pas autre chose.

      – Au contraire, Marthe, dit Jacques Mérey, je vais la garder, et c'est toi qui plus particulièrement seras chargée de veiller sur elle. Pour commencer, tu vas aller acheter une baignoire de demi-grandeur, et tu vas savonner cette créature des pieds à la tête.

      Comme toujours, la vieille Marthe obéit. Une heure après l'ordre donné, la baignoire pleine d'eau, tiédie à point, recevait la petite créature, et la main exercée de Marthe la frottait du plus doux savon que l'on avait pu trouver.

      Le docteur assistait à cette toilette et y donnait toute son attention. L'enfant, en sortant de la cabane du bûcheron, était tellement salie par le contact des choses les plus immondes, qu'il était impossible de voir non seulement la couleur de ses cheveux, mais encore celle de sa peau.

      Peu à peu, sous la main de Marthe et au milieu de la mousse savonneuse, apparaissait un corps d'une blancheur mate et maladive, comme l'est celui des enfants qui ont été tenus enfermés.

      Il y a dans les atomes de l'air et dans les rayons du soleil ce que l'on pourrait appeler la couleur de la vie; les plantes qui n'ont ni air ni soleil poussent pâles et blanches, tandis que leurs sœurs qui jouissent des conditions ordinaires de la vie éclatent de toutes les couleurs qu'elles empruntent au prisme solaire.

      Il était difficile de dire, même quand le soin le plus scrupuleux eut présidé au débarbouillage de la figure, si l'enfant était belle ou laide. Aucun des traits n'était assez suffisamment arrêté pour qu'on le jugeât; l'œil qui s'entrouvrait à peine et dont on ne pouvait apprécier la grandeur, était cependant d'un beau bleu céleste; la bouche, mal dessinée, renfermait des dents assez belles, mais auxquelles la pâleur des lèvres ôtait toute valeur; les sourcils étaient plutôt indiqués par les tons de chair, qu'ils n'étaient marqués par l'arc velouté dont la femme sait tirer un si bon parti, qu'ils soient abondants ou non. Sa tête était à peu près dénudée de cheveux, excepté au cervelet, où quelques boucles d'un blond pâle indiquaient que, si cette créature devenait jamais une femme, elle se rattacherait à la douce race germanique par la couleur de sa chevelure.

      En somme, à part quelques engorgements au cou, aux aines et aux genoux, le docteur parut assez satisfait de l'état dans lequel il trouvait la pauvre petite abandonnée.

      Un des caractères de l'idiotisme, c'est la torpeur.

      La nature a fait à l'homme trois dons, et dans ce triangle elle a renfermé la vie.

      Ces trois dons sont la sensation, la volonté, le mouvement. L'homme éprouve, il veut, il agit. Ces trois actions s'enchaînent et ne peuvent se désunir. Du moment que l'homme n'éprouve pas, il ne peut pas vouloir, et, ne pouvant vouloir, il n'agit pas.

      L'idiot n'éprouve pas; de là la cause première de son immobilité.

      Ainsi, dans la cabane du braconnier, la pauvre enfant ne quittait jamais son lit, et restait des heures entières à rouler sur elle-même comme un animal, ou à se balancer comme ces magots de la Chine qui n'ont de mouvement que dans le va-et-vient de la tête, d'une épaule à l'autre.

      C'était là son plus grand rapprochement de la vie.

      Elle détestait le grand air, le mouvement, la lumière, enfin, elle avait la tendance naturelle des corps bruts qui aspirent au repos.

      Comme dans toutes les provinces, où le terrain ne coûte pas cher, le jardin était grand relativement à la maison. Il était planté d'arbres forestiers au milieu desquels, au sommet d'un tertre, s'épanouissait un magnifique pommier. Un cours d'eau, une source, claire, brillante, sanglotant un doux murmure, sortait du pied de ce tertre, descendait en petites cascades, et, traversant une cour pavée, dans l'encaissement d'un ruisseau, allait, après avoir arrosé le jardin dans toute sa longueur, se jeter dans la Creuse.

      À cette source, si humble et si exiguë qu'elle fût, le jardin, véritable oasis, devait toute sa fraîcheur et toute sa verdure. Trois ou quatre magnifiques saules pleureurs, placés d'étage en étage, mêlaient leur feuillage doré aux différentes nuances de vert que présentait au regard la palette variée du jardin.

      D'un coup d'œil, Jacques Mérey mesura tout le parti qu'il pouvait tirer pour sa petite malade d'un jardin en pente douce où le soleil, si ardent qu'il fût, était toujours tamisé par l'ombre des arbres. Un crayon à la main, il se fit à l'instant même l'architecte et le jardinier de ce petit Trianon. Une surface plane fut destinée à une fine pelouse de gazon anglais sur laquelle l'enfant pourrait se rouler tout à son aise. Un bassin, dont la profondeur ne devait pas dépasser trente centimètres, fut tracé avec des piquets de bois, que devait remplacer une grille de fer; c'était le bain futur de l'enfant sans nom et sans âme qui gisait dans le laboratoire.

      Des branches de tilleul furent entrelacées par Jacques Mérey lui-même, pour former un berceau impénétrable aux rayons du soleil dans ces jours de canicule et d'exaspération de la nature pendant lesquels tout devient dangereux, même le soleil. Enfin, deux ou trois emplacements furent désignés pour y planter des fleurs, car Jacques Mérey, dans la cure qu'il allait entreprendre, comptait appeler à la lui toutes les ressources de la nature.

      Le lendemain matin, quatre

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