Émaux et Camées. Gautier Théophile

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Émaux et Camées - Gautier Théophile

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soir, comme avec un crochet,

      A ramassé le thème antique

      Du bout de son divin archet,

      Et, brodant la gaze fanée

      Que l'oripeau rougit encor,

      Fait sur la phrase dédaignée

      Courir ses arabesques d'or.

IISUR LES LAGUNES

      Tra la, tra la, la, la, la laire!

      Qui ne connaît pas ce motif?

      A nos mamans il a su plaire,

      Tendre et gai, moqueur et plaintif:

      L'air du Carnaval de Venise,

      Sur les canaux jadis chanté

      Et qu'un soupir de folle brise

      Dans le ballet a transporté!

      Il me semble, quand on le joue,

      Voir glisser dans son bleu sillon

      Une gondole avec sa proue

      Faite en manche de violon.

      Sur une gamme chromatique,

      Le sein de perles ruisselant,

      La Vénus de l'Adriatique

      Sort de l'eau son corps rose et blanc.

      Les dômes, sur l'azur des ondes

      Suivant la phrase au pur contour,

      S'enflent comme des gorges rondes

      Que soulève un soupir d'amour.

      L'esquif aborde et me dépose,

      Jetant son amarre au pilier,

      Devant une façade rose,

      Sur le marbre d'un escalier.

      Avec ses palais, ses gondoles,

      Ses mascarades sur la mer,

      Ses doux chagrins, ses gaîtés folles,

      Tout Venise vit dans cet air.

      Une frêle corde qui vibre

      Refait sur un pizzicato,

      Comme autrefois joyeuse et libre,

      La ville de Canaletto!

IIICARNAVAL

      Venise pour le bal s'habille.

      De paillettes tout étoilé,

      Scintille, fourmille et babille

      Le carnaval bariolé.

      Arlequin, nègre par son masque,

      Serpent par ses mille couleurs,

      Rosse d'une note fantasque

      Cassandre son souffre-douleurs.

      Battant de l'aile avec sa manche

      Comme un pingouin sur un écueil,

      Le blanc Pierrot, par une blanche,

      Passe la tête et cligne l'œil.

      Le Docteur bolonais rabâche

      Avec la basse aux sons traînés;

      Polichinelle, qui se fâche,

      Se trouve une croche pour nez.

      Heurtant Trivelin qui se mouche

      Avec un trille extravagant,

      A Colombine Scaramouche

      Rend son éventail ou son gant.

      Sur une cadence se glisse

      Un domino ne laissant voir

      Qu'un malin regard en coulisse

      Aux paupières de satin noir.

      Ah! fine barbe de dentelle,

      Que fait voler un souffle pur,

      Cet arpége m'a dit: C'est elle!

      Malgré tes réseaux, j'en suis sûr.

      Et j'ai reconnu, rose et fraîche,

      Sous l'affreux profil de carton,

      Sa lèvre au fin duvet de pèche,

      Et la mouche de son menton.

IVCLAIR DE LUNE SENTIMENTAL

      A travers la folle risée

      Que Saint-Marc renvoie au Lido,

      Une gamme monte en fusée,

      Comme au clair de lune un jet d'eau…

      A l'air qui jase d'un ton bouffe

      Et secoue au vent ses grelots,

      Un regret, ramier qu'on étouffe,

      Par instant mêle ses sanglots.

      Au loin, dans la brume sonore,

      Comme un rêve presque effacé,

      J'ai revu, pâle et triste encore,

      Mon vieil amour de l'an passé.

      Mon âme en pleurs s'est souvenue

      De l'avril, où, guettant au bois

      La violette à sa venue,

      Sous l'herbe nous mêlions nos doigts…

      Cette note de chanterelle,

      Vibrant comme l'harmonica,

      C'est la voix enfantine et grêle,

      Flèche d'argent qui me piqua.

      Le son en est si faux, si tendre,

      Si moqueur, si doux, si cruel,

      Si froid, si brûlant, qu'à l'entendre

      On ressent un plaisir mortel,

      Et que mon cœur, comme la voûte

      Dont l'eau pleure dans un bassin,

      Laisse tomber goutte par goutte

      Ses larmes rouges dans mon sein.

      Jovial et mélancolique,

      Ah! vieux thème du carnaval,

      Où le rire aux larmes réplique,

      Que ton charme m'a fait de mal!

      SYMPHONIE EN BLANC MAJEUR

      De leur col blanc courbant les lignes

      On voit dans les contes du Nord,

      Sur le vieux Rhin, des femmes-cygnes

      Nager en chantant près du bord,

      Ou, suspendant à quelque branche

      Le plumage qui les revêt,

      Faire luire leur peau plus blanche

      Que la neige de leur duvet.

      De ces femmes il en est une,

      Qui chez nous descend quelquefois,

      Blanche comme le clair de lune

      Sur les glaciers dans les cieux froids;

      Conviant la vue enivrée

      De sa boréale fraîcheur

      A des régals de chair nacrée,

      A des débauches de blancheur

      Son sein, neige moulée en globe,

      Contre les camélias blancs

      Et le blanc satin de sa robe

      Soutient des combats insolents.

      Dans ces grandes batailles blanches,

      Satins et fleurs ont le dessous,

      Et, sans demander leurs revanches,

      Jaunissent comme des jaloux.

      Sur les blancheurs de son épaule,

      Paros au grain éblouissant,

      Comme dans une nuit du pôle,

      Un

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