Le Collier de la Reine, Tome I. Dumas Alexandre

Чтение книги онлайн.

Читать онлайн книгу Le Collier de la Reine, Tome I - Dumas Alexandre страница 13

Le Collier de la Reine, Tome I - Dumas Alexandre

Скачать книгу

que vous irez à l'échafaud dans une charrette.

      – Fi! l'horreur! s'écria Mme du Barry. Oh! le vilain homme! Maréchal, une autre fois choisissez des convives d'une autre humeur, ou je ne reviens pas chez vous.

      – Excusez-moi, madame, dit Cagliostro, mais vous comme les autres vous l'avez voulu.

      – Moi comme les autres; au moins vous m'accorderez bien le temps, n'est ce pas, de choisir mon confesseur?

      – Ce serait peine superflue, comtesse, dit Cagliostro.

      – Comment cela?

      – Le dernier qui montera à l'échafaud avec un confesseur, ce sera…

      – Ce sera? demanda toute l'assemblée.

      – Ce sera le roi de France.

      Et Cagliostro dit ces derniers mots d'une voix sourde et tellement lugubre, qu'elle passa comme un souffle de mort sur les assistants, et les glaça jusqu'au fond du cœur.

      Alors, il se fit un silence de quelques minutes.

      Pendant ce silence, Cagliostro approcha de ses lèvres le verre d'eau dans lequel il avait lu toutes ces sanglantes prophéties; mais à peine eut-il touché à sa bouche qu'avec un dégoût invincible il le repoussa comme il eût fait d'un amer calice.

      Tandis qu'il accomplissait ce mouvement, les yeux de Cagliostro se portèrent sur Taverney.

      – Oh! s'écria celui-ci, qui crut qu'il allait parler, ne me dites pas ce que je deviendrai; je ne vous le demande pas, moi.

      – Eh bien! moi je le demande à sa place, dit Richelieu.

      – Vous, monsieur le maréchal, dit Cagliostro, rassurez-vous, car vous êtes le seul de nous tous qui mourrez dans votre lit.

      – Le café, messieurs! dit le vieux maréchal, enchanté de la prédiction. Le café!

      Chacun se leva.

      Mais, avant de passer au salon, le comte de Haga, s'approchant de Cagliostro:

      – Monsieur, dit-il, je ne songe pas à fuir le destin, mais dites-moi de quoi il faut que je me défie?

      – D'un manchon, sire, répondit Cagliostro.

      M. de Haga s'éloigna.

      – Et moi? demanda Condorcet.

      – D'une omelette.

      – Bon, je renonce aux œufs.

      Et il rejoignit le comte.

      – Et moi, dit Favras, qu'ai-je à craindre?

      – Une lettre.

      – Bon, merci.

      – Et moi? demanda de Launay.

      – La prise de la Bastille.

      – Oh! me voilà tranquille.

      Et il s'éloigna en riant.

      – À mon tour, monsieur, fit la comtesse toute troublée.

      – Vous, belle comtesse, défiez-vous de la place Louis XV!

      – Hélas! répondit la comtesse, déjà un jour je m'y suis égarée; j'ai bien souffert. Ce jour-là, j'avais perdu la tête.

      – Eh bien! cette fois encore, vous la perdrez, comtesse, mais vous ne la retrouverez pas.

      Mme du Barry poussa un cri et s'enfuit au salon près des autres convives.

      Cagliostro allait y suivre ses compagnons.

      – Un moment, fit Richelieu, il ne reste plus que Taverney et moi à qui vous n'ayez rien dit, mon cher sorcier.

      – M. de Taverney m'a prié de ne rien dire, et vous, monsieur le maréchal, vous ne m'avez rien demandé.

      – Oh! et je vous en prie encore, s'écria Taverney les mains jointes.

      – Mais, voyons, pour nous prouver la puissance de votre génie, ne pourriez-vous pas nous dire une chose que nous deux savons seuls?

      – Laquelle? demanda Cagliostro en souriant.

      – Eh bien! c'est ce que ce brave Taverney vient faire à Versailles au lieu de vivre tranquillement dans sa belle terre de Maison-Rouge, que le roi a rachetée pour lui il y a trois ans?

      – Rien de plus simple, monsieur le maréchal, répondit Cagliostro. Voici dix ans, monsieur avait voulu donner sa fille, Mlle Andrée, au roi Louis XV; mais monsieur n'a pas réussi.

      – Oh! oh! grogna Taverney.

      – Aujourd'hui, monsieur veut donner son fils, Philippe de Taverney, à la reine Marie-Antoinette. Demandez-lui si je mens.

      – Par ma foi! dit Taverney tout tremblant, cet homme est sorcier, ou le diable m'emporte!

      – Oh! oh! fit le maréchal, ne parle pas si cavalièrement du diable, mon vieux Taverney.

      – Effrayant! effrayant! murmura Taverney.

      Et il se retourna pour implorer une dernière fois la discrétion de Cagliostro; mais celui-ci avait disparu.

      – Allons, Taverney, allons au salon, dit le maréchal; on prendrait le café sans nous, ou nous prendrions le café froid, ce qui serait bien pis.

      Et il courut au salon.

      Mais le salon était désert; pas un des convives n'avait eu le courage de revoir en face l'auteur des terribles prédictions.

      Les bougies brûlaient sur les candélabres; le café fumait dans l'aiguière; le feu sifflait dans l'âtre.

      Tout cela inutilement.

      – Ma foi! mon vieux camarade, il paraît que nous allons prendre notre café en tête à tête… Eh bien! où diable es-tu donc passé?

      Et Richelieu regarda de tous côtés; mais le petit vieillard s'était esquivé comme les autres.

      – C'est égal, dit le maréchal en ricanant comme eût fait Voltaire, et en frottant l'une contre l'autre ses mains sèches et blanches toutes chargées de bagues, je serai le seul de tous mes convives qui mourrai dans mon lit. Eh! eh! dans mon lit! Comte de Cagliostro, je ne suis pas un incrédule, moi. Dans mon lit, et le plus tard possible? Holà! mon valet de chambre, et mes gouttes?

      Le valet de chambre entra un flacon à la main, et le maréchal et lui passèrent dans la chambre à coucher.

FIN DU PROLOGUE

      Chapitre I

      Deux femmes inconnues

      L'hiver de 1784, ce monstre qui dévora un sixième de la France, nous n'avons pu, quoiqu'il grondât aux portes, le voir chez M. le duc de Richelieu, enfermés que nous étions dans cette salle à manger si chaude et si parfumée.

      Un

Скачать книгу