Les Quarante-Cinq — Tome 2. Dumas Alexandre

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Les Quarante-Cinq — Tome 2 - Dumas Alexandre

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s'ils y étaient! mais supposez-vous, par hasard, dit Chicot, que je sois venu hier dans le costume où vous me voyez?

      Et Chicot essaya, mais en vain, de se draper dans sa légère tunique.

      — Mon Dieu! monsieur, répondit l'hôte assez embarrassé de répondre à un pareil argument, je sais bien que vous étiez vêtu.

      — C'est heureux que vous en conveniez.

      — Mais...

      — Mais quoi?

      — Le vent a tout ouvert, tout dispersé.

      — Ah! c'est une raison.

      — Vous voyez bien, fit vivement l'hôte.

      — Cependant, reprit Chicot, suivez mon calcul, cher ami. Quand le vent entre quelque part, et il faut qu'il soit entré ici, n'est-ce pas, pour y faire le désordre que j'y vois?

      — Sans aucun doute.

      — Eh bien! quand le vent entre quelque part, c'est en venant du dehors?

      — Oui, certes, monsieur.

      — Vous ne le contestez pas?

      — Non, ce serait folie.

      — Eh bien! le vent devait donc, en entrant ici, amener les habits des autres dans ma chambre, au lieu d'emporter les miens je ne sais où.

      — Ah! dame! oui, ce me semble. Cependant, la preuve du contraire existe ou semble exister.

      — Compère, dît Chicot, qui venait d'explorer le plancher avec son oeil investigateur, compère, quel chemin le vent a-t-il pris pour venir me trouver ici?

      — Plaît-il, monsieur?

      — Je vous demande d'où vient le vent?

      — Du nord, monsieur, du nord.

      — Eh bien! il a marché dans la boue, car voici ses souliers imprimés sur le carreau.

      Et Chicot montrait, en effet, sur la dalle les traces toutes récentes d'une chaussure boueuse. L'hôte pâlit.

      — Maintenant, mon cher, dit Chicot, si j'ai un conseil à vous donner, c'est de surveiller ces sortes de vents qui entrent dans les auberges, pénètrent dans les chambres en enfonçant les portes, et se retirent en volant les habits des voyageurs.

      L'hôte recula de deux pas, afin de se dégager de tous ces meubles renversés, et de se retrouver à l'entrée du corridor.

      Puis, lorsqu'il sentit sa retraite assurée:

      — Pourquoi m'appeler voleur? dit-il.

      — Tiens! qu'avez-vous donc fait de votre figure de bonhomme? demanda Chicot: je vous trouve tout changé.

      — Je change, parce que vous m'insultez.

      — Moi!

      — Sans doute, vous m'appelez voleur, répliqua l'hôte sur un ton encore plus élevé, et ressemblant fort à de la menace.

      — Mais je vous appelle voleur parce que vous êtes responsable de mes effets, il me semble, et que mes effets ont été volés; vous ne le nierez pas?

      Et ce fut Chicot qui, à son tour, comme un maître d'armes qui tâte son adversaire, fit un geste de menace.

      — Holà! cria l'hôte, holà! venez à moi, vous autres!

      A cet appel, quatre hommes armés de bâtons, parurent dans l'escalier.

      — Ah! voici Eurus, Notus, Aquilo et Boréas, dit Chicot, ventre de biche! puisque l'occasion s'en présente, je veux priver la terre du vent du Nord; c'est un service à rendre à l'humanité; il y aura printemps éternel.

      Et il détacha un si rude coup de sa longue épée dans la direction de l'assaillant le plus proche, que si celui-ci, avec la légèreté d'un véritable fils d'Éole, n'eût point fait un bond en arrière, il était percé d'outre en outre.

      Malheureusement comme, tout en faisant ce bond, il regardait Chicot, et par conséquent, ne pouvait voir derrière lui, il tomba sur le rebord de la dernière marche de l'escalier, le long duquel, ne pouvant garder son centre de gravité, il dégringola à grand bruit.

      Cette retraite fut un signal pour les trois autres qui disparurent par l'orifice ouvert devant eux ou plutôt derrière eux, avec la rapidité de fantômes qui s'abîment dans une trappe.

      Cependant, le dernier qui disparut avait eu le temps, tandis que ses compagnons opéraient leur descente, de dire quelques mots à l'oreille de l'hôte.

      — C'est bien, c'est bien! grommela celui-ci, on les retrouvera, vos habits.

      — Eh bien, voilà tout ce que je demande.

      — Et l'on va vous les apporter.

      — A la bonne heure: ne pas aller nu, c'est un souhait raisonnable, ce me semble.

      On apporta en effet les habits, mais visiblement détériorés.

      — Oh! oh! fit Chicot, il y a bien des clous dans votre escalier. Diables de vents, va! mais enfin, réparation d'honneur. Comment pouvais-je vous soupçonner? vous avez une si honnête figure.

      L'hôte sourit avec aménité.

      — Et maintenant, dit-il, vous allez vous rendormir, je présume?

      — Non, merci, non, j'ai dormi assez.

      — Qu'allez-vous donc faire?

      — Vous allez me prêter votre lanterne, s'il vous plaît, et je continuerai ma lecture, répliqua Chicot, avec le même agrément.

      L'hôte ne dit rien; il tendit seulement sa lanterne à Chicot et se retira.

      Chicot redressa son armoire contre la porte, et se rengaina dans son lit.

      La nuit fut calme; le vent s'était éteint, comme si l'épée de Chicot avait pénétré dans l'outre qui l'entretenait.

      Au point du jour, l'ambassadeur demanda son cheval, paya sa dépense et partit en disant:

      — Nous verrons ce soir.

      XXVI

      COMMENT CHICOT CONTINUA SON VOYAGE ET CE QUI LUI ARRIVA

      Chicot passa toute sa matinée à s'applaudir d'avoir eu le sang-froid et la patience que nous avons dits pendant cette nuit d'épreuves.

      — Mais, pensa-t-il, on ne prend pas deux fois un vieux loup au même piège; il est donc à peu près certain qu'on va inventer aujourd'hui une diablerie nouvelle à mon endroit: tenons-nous

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