A fond de cale. Reid Mayne

Чтение книги онлайн.

Читать онлайн книгу A fond de cale - Reid Mayne страница 5

A fond de cale - Reid Mayne

Скачать книгу

style="font-size:15px;">      Mon oncle, ayant fort peu de religion, ne m'envoyait pas à l'église, et j'étais libre d'employer le jour du Seigneur suivant mon bon plaisir. Vous pensez bien que je ne m'amusais pas à rester dans les champs; la mer, qui s'étendait à l'horizon, avait bien plus d'attrait pour moi que les nids d'oiseaux, les haies et les fossés; et dès que je pouvais m'échapper, j'allais rejoindre Henry Blou. Il m'emmenait dans sa yole, ou je m'emparais du petit canot, dont les rames étaient disposées pour moi.

      Ma mère avait eu soin de m'apprendre qu'il était mal de passer le jour du Seigneur dans la dissipation; mais l'exemple que j'avais chez mon oncle changea bientôt mes idées sur cette matière, et j'en vins à trouver que la dimanche ne différait des autres jours que par le plaisir dont il était rempli.

      Toutefois, l'un de ces dimanches fut loin d'être agréable; je ne crois pas même avoir passé dans toute ma vie une journée aussi pénible, et où la mort m'ait approché de plus près.

      CHAPITRE V

Le récif

      Nous étions au mois de mai, c'était un dimanche; l'un des plus beaux dont j'aie gardé le souvenir. Le soleil brillait partout, et les oiseaux remplissaient l'air de leurs chansons joyeuses. Le doux tirelire de l'alouette se mêlait à la voix plus sonore de la grive et du merle, et le coucou, volant sans cesse d'un buisson à l'autre, faisait retentir les champs de son cri d'appel, fréquemment répété. Un doux parfum d'amande s'échappait de l'aubépine, et la brise était juste assez forte pour l'entraîner dans l'air. Avec ses haies fleuries, ses champs de blé verdoyants, ses prés émaillés d'orchis et de boutons d'or, ses nids d'oiseaux, ses bruits joyeux, la campagne aurait été bien attrayante pour la plupart des petits garçons de mon âge; mais la plaine liquide, où le ciel bleu se réfléchissait comme dans un vaste miroir, et dont le soleil faisait étinceler la surface était pour moi bien autrement séduisante; ses vagues me paraissaient plus belles que les sillons où la brise courbait la pointe des blés, son murmure charmait plus mon oreille que les chants de la grive ou de l'alouette, et je préférais son odeur particulière au parfum des violettes et des roses.

      C'est pourquoi lorsque, ayant quitté ma chambre, je jetai les yeux sur cette mer étincelante, je n'aspirai plus qu'à me poser sur ses ondes et à voguer sur ses flots. Pour satisfaire ce désir, dont je ne saurais vous exprimer la force, je n'attendis pas même que l'on eût déjeuné; je pris en cachette un morceau de pain, et je sortis en toute hâte pour me diriger vers la grève.

      J'eus cependant assez d'empire sur moi-même pour ne quitter la ferme qu'à la dérobée; j'avais pour qu'on ne m'empêchât de réaliser mes vœux: mon oncle pouvait me rappeler, m'ordonner quelque chose, ne pas vouloir que je m'éloignasse de la maison; car s'il me permettait le dimanche de courir dans les champs, il ne voulait pas que je me promenasse en bateau, et me l'avait défendu de la manière la plus positive.

      Il en résulta qu'au lieu de suivre l'avenue et d'aller par la grande route, je pris un sentier qui me conduisit au rivage en faisant un détour.

      Je ne rencontrai personne de connaissance, et j'arrivai sur la grève sans avoir été vu par aucun de ceux que mes démarches pouvaient intéresser.

      En arrivant à l'endroit où les bateaux d'Henry étaient toujours amarrés, je vis tout de suite que la yole était prise; mais il restait le petit canot qui était à mon service. C'était ce que je désirais; car précisément, ce jour-là, j'avais formé le dessein de faire une grande excursion.

      J'entrai dans l'esquif; probablement on ne l'avait pas employé depuis quelques jours, car il y avait au fond une assez grande quantité d'eau; mais je trouvai par bonheur un vieux poêlon qui servait d'écope à Henry, et après avoir travaillé pendant huit ou dix minutes, mon batelet me parut suffisamment asséché pour ce que j'en voulais faire. Les rames étaient sous un hangar attenant à la maison d'Henry Blou, située à peu de distance; j'allai les prendre, comme je faisais toujours, sans avoir besoin d'en demander la permission, que j'avais une fois pour toutes.

      Revenu à mon batelet, je plaçai mes rames, je m'installai sur mon banc, et je fis en sorte de m'éloigner du rivage. L'esquif répondit à mon premier effort et glissa vivement à la surface de l'eau, dont il fendit les ondes avec autant d'aisance que l'aurait fait un poisson. Jamais mon cœur n'avait battu plus légèrement dans ma poitrine; la mer n'était pas seulement brillante et bleue, mais aussi paisible qu'un lac; à peine si elle offrait une ride, et sa transparence était si merveilleuse que je voyais les poissons batifoler à plusieurs brasses5 de profondeur.

      Le fond de la mer est, dans notre baie, d'un blanc pur, avec des reflets argentés, sur lequel se détachent les objets les plus minces, et je distinguais parfaitement de petits crabes, à peine aussi larges qu'une pièce d'or, qui se poursuivaient les uns les autres, ou qui couraient sur le sable, afin d'y trouver les menues créatures dont ils voulaient déjeuner. Puis c'étaient de larges plies, de grands turbots, des masses de petits harengs, des maquereaux à la robe bleue et changeante, et d'énormes congres de la taille du boa, qui tous étaient en quête de leurs proies respectives.

      Il est rare que sur nos côtes la mer soit aussi calme; et cette belle journée paraissait faite pour moi; car, ayant l'intention, comme je l'ai dit plus haut, de faire une assez grande course, je ne pouvais espérer un temps plus favorable.

      «À quel endroit vouliez-vous donc aller?» me demandez-vous. C'est justement ce que je vais vous dire.

      À peu près à trois milles6 de la côte, où, s'apercevant du rivage, se trouvait une île excessivement curieuse. Quand je dis une île, ce n'était pas même un îlot; mais un amas de rochers d'une étendue fort restreinte, et qui dépassaient à peine la surface de la mer; encore fallait-il que la marée fût basse; car autrement les vagues en couvraient le point le plus élevé. On n'apercevait alors qu'une perche se dressant au-dessus de l'eau à une faible hauteur, et que surmontait une espèce de boule, ou plutôt de masse oblongue dont je ne m'expliquais pas la forme. Cette perche avait été plantée là pour désigner l'écueil aux petits navires qui fréquentaient nos parages, et qui sans cela auraient pu se briser sur le récif.

      Lorsque la mer était basse, l'îlot était découvert; il paraissait en général d'un beau noir; mais parfois il était blanc comme s'il eût été revêtu d'un épais manteau de neige. Cette singulière métamorphose n'avait pour moi rien d'incompréhensible; je n'ignorais pas que ce manteau blanc, dont la roche se parait à divers intervalles, n'était ni plus ni moins qu'une bande nombreuse d'oiseaux de mer qui s'abattaient sur l'écueil, soit pour y prendre le repos dont ils avaient besoin, soit pour y chercher les petits poissons et les crustacés que le reflux déposait sur le roc.

      Depuis longtemps ces rochers étaient pour moi l'objet d'un extrême intérêt; leur éloignement du rivage, leur situation isolée préoccupaient mon esprit; mais ce qui surtout à mes yeux leur donnait tant de prestige, c'étaient ces oiseaux blancs qui s'y pressaient en si grand nombre. Nulle part, aux environs, leur foule n'était si grande. Il fallait que cet écueil fût leur endroit favori, puisqu'à la marée descendante je les voyais accourir de tous les points de l'horizon, planer autour de la perche, et descendre, et se poser les uns auprès des autres jusqu'à ce que le rocher noir disparût sous la masse qu'ils offraient à mes regards.

      Je savais que ces oiseaux étaient des mouettes; mais elles paraissaient être de différentes espèces; il y en avait de beaucoup plus grandes les unes que les autres; et quelquefois il se mêlait à ces mouettes des oiseaux d'un autre genre, tels que des grèbes et des sternes, ou grandes hirondelles de mer. Du moins je le supposais, car du rivage, il était difficile de déterminer à quelle espèce ils pouvaient appartenir. À cette distance, les plus grands d'entre eux paraissaient à peine excéder la taille d'un moineau, et s'ils avaient été

Скачать книгу


<p>5</p>

La brasse est une ancienne mesure calculée d'après la longueur des bras d'un homme; elle n'est plus en usage que dans la marine, où l'on s'en sert pour indiquer la profondeur des eaux, les divisions de la ligne de sonde, la longueur des câbles, etc. Elle vaut, en France, un mètre soixante-deux centimètres; dans les autres pays elle est un peu plus longue. (Note du traduct.)

<p>6</p>

Le mille anglais a seize cent neuf mètres.