Les chasseurs de chevelures. Reid Mayne

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Les chasseurs de chevelures - Reid Mayne

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race de singes dans la creation? uniquement a embarrasser la terre. – Eh bien, garcon, vous avez apporte le cafe?

      – Ya, esta, senor.

      – Allons, prenez-moi quelques gorgees de cette liqueur, cela vous remettra sur pied tout de suite. Ils sont bons pour faire du cafe, par exemple; les Espagnols sont passes maitres en cela.

      – Qu'est-ce que ce fandago dont Gode m'a parle?

      – Ah! c'est vrai. Nous allons avoir une fameuse soiree, vous y viendrez, sans doute?

      – Par pure curiosite!

      – Tres-bien! votre curiosite sera satisfaite.

      – Le vieux coquin de gouverneur doit honorer le bal de sa presence, et, dit-on, sa charmante senora; mais je ne crois pas que celle-ci vienne.

      – Et pourquoi pas?

      – Il a trop peur qu'un de ces sauvages americanos ne prenne fantaisie de l'enlever en croupe. Cela s'est vu quelquefois dans cette vallee. Par sainte Marie! c'est une charmante creature, – continua Saint-Vrain, se parlant a lui-meme, – et je sais quelqu'un… Oh! le vieux tyran maudit! Pensez-y donc un peu!

      – A quoi?

      – Mais a la maniere dont il nous a traites. Cinq cents dollars par wagon! et nous en avions un cent! en tout cinquante mille dollars.

      – Mais, est-ce qu'il empoche tout cela? Est-ce que le gouvernement…

      – Le gouvernement! le gouvernement n'en touche pas un centime. C'est lui qui est le gouvernement ici. Et, grace aux ressources qu'il tire de ces impots, il gouverne les miserables habitants avec une verge de fer. Pauvres diables!

      – Et ils le haissent, je suppose?

      – Lui et les siens. Dieu sait s'ils ont raison.

      – Pourquoi donc alors ne se revoltent-ils pas?

      – Cela leur arrive quelquefois. Mais que peuvent faire ces malheureux? Comme tous les tyrans, il a su les diviser et semer entre eux des haines irreconciliables.

      – Mais il ne me semblait pas qu'il ait une armee bien formidable: il n'a point de gardes du corps.

      – Des gardes du corps, s'ecria Saint-Vrain en m'interrompant. Regardez dehors les voila, ses gardes du corps.

      – Indios bravos! les Navajoes! exclama Gode au meme instant.

      Je regardai dans la rue. Une demi-douzaine d'Indiens drapes dans des serapes rayes passaient devant l'auberge. Leurs regards sauvages, leur demarche lente et fiere, les faisaient facilement distinguer des indios manzos, des pueblos, porteurs d'eau et bucherons.

      – Sont-ce des Navajoes? demandai-je.

      – Oui, monsieur, oui, reprit Gode avec quelque animation. Sacrr…! des

      Navajoes, de veritables et damnes Navajoes!

      – Il n'y a pas a s'y tromper, ajouta Saint-Vrain.

      – Mais les Navajoes sont les ennemis declares des Nouveaux-Mexicains.

      Comment sont-ils ici? prisonniers?

      – Ont-ils l'air de prisonniers?

      Certes, on ne pouvait apercevoir aucun indice de captivite ni dans leurs regards ni dans leurs allures. Ils marchaient fierement le long du mur, lancant de temps a antre sur les passants un coup d'oeil sauvage, hautain et meprisant.

      – Pourquoi sont-ils ici alors? Leur pays est bien loin vers l'ouest.

      – C'est la un de ces mysteres du Nouveau-Mexique sur lesquels je vous donnerai quelques eclaircissements une autre fois. Ils sont maintenant sous la protection d'un traite de paix qui les lie, tant qu'il ne leur convient pas de le rompre. Quant a present, ils sont aussi libres ici que vous et moi; que dis-je? ils le sont bien davantage. Je ne serais point surpris de les rencontrer ce soir au fandango.

      – J'ai entendu dire que les Navajoes etaient cannibales?

      – C'est la verite. Observez-les un instant! Regardez comme ils couvent des yeux ce petit garcon joufflu, qui parait instinctivement en avoir peur. Il est heureux pour ce petit drole qu'il fasse grand jour, sans cela il pourrait bien etre etrangle sous une de ces couvertures rayees.

      – Parlez-vous serieusement, Saint-Vrain!

      – Sur ma parole; je ne plaisante pas! Si je me trompe, Gode en sait assez pour pouvoir confirmer ce que j'avance, Eh! voyageur?

      – C'est vrai, monsieur. J'ai ete prisonnier dans la Nation: non pas chez les Navagh, mais chez les damnes d'Apaches. C'est la meme chose, pendant trois mois. J'ai vu les sauvages manger, —eat, – un, deux trie, trie enfants rotis, comme si c'etaient des bosses de buffles. C'est vrai, monsieur, c'est tres-vrai.

      – C'est la vraie verite: les Apaches et les Navajoes enlevent des enfants dans la vallee, ici, lors de leurs grandes expeditions; et ceux qui ont ete a meme de s'en instruire assurent qu'ils les font rotir. Est-ce pour les offrir en sacrifice au dieu feroce Quetzalcoatl? est-ce par gout pour la chair humaine? c'est ce qu'on n'a pas encore bien pu verifier. Bien peu parmi ceux qui ont visite leurs villes ont eu, comme Gode, la chance d'en sortir. Pas un homme de ces pays ne s'aventure a traverser la sierra de l'ouest.

      – Et comment avez-vous fait, monsieur Gode pour sauver votre chevelure?

      – Comment, monsieur? Parce que je n'en ai pas. Je ne peux pas etre scalpe. Ce que les trappeurs yankees appellent hur, ma chevelure, est de la fabrication d'un barbier de Saint-Louis. Voila, monsieur.

      En disant cela, le Canadien ota sa casquette, et, avec elle, ce que jusqu'a ce moment j'avais pris pour une magnifique chevelure bouclee, c'etait une perruque.

      – Maintenant, messieurs, s'ecria-t-il d'un ton de bonne humeur, comment ces sauvages pourraient-ils prendre mon scalp? Les Indiens damnes n'en toucheront pas la prime, sacr-r-r…!

      Saint-Vrain et moi ne pumes nous empecher de rire a la transformation comique de la figure du Canadien.

      – Allons, Gode! le moins que vous puissiez faire apres cela, c'est de boire un coup. Tenez, servez-vous.

      – Tres-oblige, monsieur Saint-Vrain, je vous remercie.

      Et le voyageur, toujours altere avala le nectar d'el Paso comme il eut fait d'une tasse de lait.

      – Allons, Haller! Il faut que nous allions voir les wagons. Les affaires d'abord, le plaisir apres, autant du moins que nous pourrons nous en procurer au milieu de ces tas de briques. Mais nous trouverons de quoi nous distraire a Chihuahua.

      – Vous pensez que nous irons jusque-la?

      – Certainement. Nous n'aurons pas acheteurs ici pour le quart de notre cargaison. Il faudra porter le reste sur le marche principal. Au camp! allons!

      VI

      LE FANDANGO

      Le soir, j'etais assis dans ma chambre, attendant Saint-Vrain. Il s'annonca du dehors en chantant:

      Las

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