La San-Felice, Tome 01. Dumas Alexandre

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La San-Felice, Tome 01 - Dumas Alexandre

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pendant cette cohabitation, un changement de ministère fit perdre à Grenville un emploi auquel était attachée la majeure partie de ses revenus. L'événement arriva par bonheur au bout de trois ans et quand, grâce aux meilleurs professeurs de Londres, Emma Lyonna avait fait d'immenses progrès dans la musique et le dessin; elle avait en outre, tout en se perfectionnant dans sa propre langue, appris le français et l'italien; elle disait les vers comme mistress Siddons, et était arrivée à la perfection dans l'art de la pantomime et des poses.

      Malgré la perte de sa place, Grenville n'avait pu se résoudre à diminuer ses dépenses; seulement, il écrivit à son oncle pour lui demander de l'argent. A chacune de ses demandes, son oncle fit droit d'abord; mais enfin, à une dernière, sir William Hamilton, répondit qu'il comptait sous peu de jours partir pour Londres, et qu'il profiterait de ce voyage pour étudier les affaires de son neveu.

      Ce mot étudier avait fort effrayé les jeunes gens; ils désiraient et craignaient presque également l'arrivée de sir William. Tout à coup, il entra chez eux sans qu'ils eussent été prévenus de son retour. Depuis huit jours, il était à Londres.

      Ces huit jours, sir William les avait employés à prendre des informations sur son neveu, et ceux auxquels il s'était adressé n'avaient pas manqué de lui dire que la cause de ses désordres et de sa misère était une prostituée dont il avait eu trois enfants.

      Emma se retira dans sa chambre et laissa son amant seul avec son oncle, qui ne lui offrit d'autre alternative que d'abandonner à l'instant même Emma Lyonna, où de renoncer à sa succession, qui était désormais sa seule fortune.

      Puis il se retira, en donnant trois jours à son neveu pour se décider.

      Tout l'espoir des jeunes gens résidait désormais dans Emma; c'était à elle d'obtenir de sir William Hamilton le pardon de son amant, en montrant combien il était pardonnable.

      Alors Emma, au lieu de revêtir les habits de sa nouvelle condition, reprit l'habillement de sa jeunesse, le chapeau de paille et la robe de bure; ses larmes, ses sourires, le jeu de sa physionomie, ses caresses et sa voix feraient le reste.

      Introduite près de sir William, Emma se jeta à ses pieds; soit mouvement adroitement combiné, soit effet du hasard, les cordons de son chapeau se dénouèrent, et ses beaux cheveux châtains se répandirent sur ses épaules.

      L'enchanteresse était inimitable dans la douleur.

      Le vieil archéologue, amoureux jusqu'alors seulement des marbres d'Athènes et des statues de la Grande Grèce, vit pour la première fois la beauté vivante l'emporter sur la froide et pâle beauté des déesses de Praxitèle et de Phidias. L'amour qu'il n'avait pas voulu comprendre chez son neveu, entra violemment dans son propre coeur et s'empara de lui tout entier sans qu'il tentât encore de s'en défendre.

      Les dettes de son neveu, l'infimité de la naissance, les scandales de la vie, la publicité des triomphes, la vénalité des caresses: tout, jusqu'aux enfants nés de leur amour, sir William accepta tout, à la seule condition qu'Emma récompenserait de sa possession le complet oubli de sa propre dignité.

      Emma avait triomphé bien au delà de son espérance; mais, cette fois, elle fit ses conditions complètes; une seule promesse de mariage l'avait unie au neveu: elle déclara qu'elle ne viendrait à Naples que femme reconnue de sir William Hamilton.

      Sir William consentit à tout.

      La beauté d'Emma fit à Naples son effet accoutumé; non-seulement elle étonna, mais elle éblouit.

      Antiquaire et minéralogiste distingué, ambassadeur de la Grande-Bretagne, frère de lait et ami de George III, sir William réunissait chez lui la première société de la capitale des Deux-Siciles en hommes de science, en hommes politiques et en artistes. Peu de jours suffirent à Emma, si artiste elle-même, pour savoir, de la politique et de la science, ce qu'elle avait besoin d'en savoir, et bientôt, pour tous ceux qui fréquentaient le salon de sir William, les jugements d'Emma devinrent des lois.

      Son triomphe ne dut pas s'arrêter là. A peine fut-elle présentée à la cour, que la reine Marie-Caroline la proclama son amie intime et en fit son inséparable favorite. Non-seulement la fille de Marie-Thérèse se montrait en public avec la prostituée de Haymarket, parcourait la rue de Tolède et la promenade de Chiaïa dans le même carrosse qu'elle et portant la même toilette qu'elle, mais, après les soirées employées à reproduire les poses les plus voluptueuses et les plus ardentes de l'antiquité, elle faisait dire à sir William, tout enorgueilli d'une pareille faveur, qu'elle ne lui rendrait que le lendemain l'amie dont elle ne pouvait se passer.

      De là des jalousies et des haines sans nombre contre la favorite. Caroline savait quels insolents propos circulaient au sujet de cette merveilleuse et soudaine intimité; mais elle était un de ces coeurs absolus, une de ces âmes vaillantes qui, la tête haute, affrontent la calomnie et même la médisance, et quiconque voulut être bien accueilli par elle dut partager ses hommages entre Acton, son amant, et sa favorite Emma Lyonna.

      On sait les événements de 89, c'est-à-dire la prise de la Bastille et le retour de Versailles, ceux de 93, c'est-à-dire la mort de Louis XVI et de Marie-Antoinette, ceux de 96 et de 97, c'est-à-dire les victoires de Bonaparte en Italie, victoires qui ébranlèrent tous les trônes, et qui firent, momentanément du moins, crouler le plus vieux et le plus immuable de tous: le trône pontifical.

      On a vu, au milieu de ces événements qui avaient un retentissement si terrible à la cour de Naples, apparaître et grandir Nelson, champion des royautés vieillies. Sa victoire d'Aboukir rendait l'espoir à tous ces rois, qui avaient déjà mis la main sur leurs couronnes vacillantes. Or, à tout prix, Marie-Caroline, la femme avide de richesses, de pouvoir, d'ambition, voulait conserver la sienne; il n'est donc pas étonnant qu'appelant à son aide la fascination qu'elle exerçait sur son amie, elle ait dit à lady Hamilton, le matin même du jour où elle la conduisait au-devant de Nelson, devenu la clef de voûte du despotisme: «Il faut que cet homme soit à nous, et, pour qu'il soit à nous, il faut que tu sois à lui.»

      Était-ce bien difficile à lady Hamilton de faire pour son amie Marie-Caroline, à propos de l'amiral Horace Nelson, ce qu'Emma Lyonna avait fait pour son amie Fanny Strong, à propos de l'amiral Payne?

      Ce dut être, au reste, une glorieuse récompense de ses mutilations pour le fils d'un pauvre pasteur de Barnham-Thorpes, pour l'homme qui devait sa grandeur à son propre courage et sa renommée à son génie; ce dut être une glorieuse récompense des blessures reçues, que de voir venir au-devant de lui ce roi, cette reine, cette cour, et, récompense de ses victoires, cette magnifique créature qu'il adorait.

      IV

      LA FÊTE DE LA PEUR

      Nous avons vu, au coup de canon tiré à bord du Van-Guard, presque aussi mutilé que son maître, au pavillon britannique hissé à sa corne, nous avons vu que Nelson avait reconnu le royal cortége qui venait au-devant de lui.

      La galère capitane n'avait rien eu à hisser: depuis Naples, les couleurs d'Angleterre, mêlées à celles des Deux-Siciles, flottaient à ses mâts.

      Lorsque les deux bâtiments ne furent plus qu'à une encablure l'un de l'autre, la musique de la galère fit entendre le Gode save the king, auquel les matelots du Van-Guard, montés sur les vergues, répondirent par trois hourras poussés avec la régularité que les Anglais apportent dans cette officielle démonstration.

      Nelson ordonna de mettre en panne afin de laisser arriver la galère côte à côte du Van-Guard, fit abattre l'escalier de tribord, c'est-à-dire l'escalier d'honneur, et attendit

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