La San-Felice, Tome 01. Dumas Alexandre

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La San-Felice, Tome 01 - Dumas Alexandre

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autour d'elle.

      Deux ou trois ans plus tard, et comme elle devait atteindre sa dixième année, quelque chose d'heureux était arrivé dans la famille. Un comte d'Halifax, qui sans doute, dans un de ses caprices aristocratiques, avait trouvé la mère d'Emma encore belle, envoya une petite somme dont partie était destinée au bien-être de la mère, partie à l'éducation de l'enfant; et Emma se souvenait d'avoir été conduite dans une pension de jeunes filles dont l'uniforme était un chapeau de paille, une robe bleu de ciel et un tablier noir.

      Elle resta deux ans dans cette pension, y apprit à lire et à écrire, y étudia les premiers éléments de la musique et du dessin, arts dans lesquels, grâce à son admirable organisation, elle faisait de rapides progrès, lorsqu'un matin sa mère vint la chercher. Le comte d'Halifax était mort et avait oublié les deux femmes dans son testament. Emma ne pouvait plus rester en pension, la pension n'étant plus payée; il fallut que l'ex-pensionnaire se décidât à entrer comme bonne d'enfants dans la maison d'un certain Thomas Hawarden, dont la fille, en mourant jeune et veuve, avait laissé trois enfants orphelins.

      Une rencontre qu'elle fit en promenant les enfants au bord du golfe décida de sa vie. Une célèbre courtisane de Londres, nommée miss Arabell, et un peintre d'un grand talent, son amant du jour, s'étaient arrêtés, le peintre pour faire le croquis d'une paysanne du pays de Galles, et miss Arabell pour lui regarder faire ce croquis.

      Les enfants que conduisait Emma s'avancèrent curieusement et se haussèrent sur la pointe du pied pour voir ce que faisait le peintre. Emma les suivit; le peintre, en se retournant, l'aperçut et jeta un cri de surprise: Emma avait treize ans, et jamais le peintre n'avait rien vu de si beau.

      Il demanda qui elle était, ce qu'elle faisait. Le commencement d'éducation qu'avait reçu Emma Lyonna lui permit de répondre à ces questions avec une certaine élégance. Il s'informa combien elle gagnait à soigner les enfants de M. Hawarden; elle lui répondit qu'elle était vêtue, nourrie, logée, et recevait dix schellings par mois.

      – Venez à Londres, lui dit le peintre, et je vous donnerai cinq guinées chaque fois que vous consentirez à me laisser faire un croquis d'après vous.

      Et il lui tendit une carte sur laquelle étaient écrits ces mots: «Edward Rowmney, Cavendish square, n° 8,» en même temps que miss Arabell tirait de sa ceinture une petite bourse contenant quelques pièces d'or et la lui offrait.

      La jeune fille rougit, prit la carte, la mit dans sa poitrine; mais, instinctivement, elle repoussa la bourse.

      Et, comme miss Arabell insistait, lui disant que cet argent servirait à son voyage de Londres:

      – Merci, madame, dit Emma; si je vais à Londres, j'irai avec les petites économies que j'ai déjà faites et celles que je ferai encore.

      – Sur vos dix schellings par mois? demanda miss Arabell en riant.

      – Oui, madame, répondit simplement la jeune fille.

      Et tout finit là.

      Quelques mois après, le fils de M. Hawarden, M. James Hawarden, célèbre chirurgien de Londres, vint voir son père; lui aussi fut frappé de la beauté d'Emma Lyonna, et, pendant tout le temps qu'il resta dans la petite ville de Flint, il fut bon et affectueux pour elle; seulement, il ne l'exhorta point comme Rowmney à venir à Londres.

      Au bout de trois semaines de séjour chez son père, il partit, laissant deux guinées pour la petite bonne d'enfants en récompense des soins qu'elle donnait à ses neveux.

      Emma les accepta sans répugnance.

      Elle avait une amie; cette amie s'appelait Fanny Strong et avait elle-même un frère qui s'appelait Richard.

      Emma ne s'était jamais informée de ce que faisait son amie, quoiqu'elle fût mieux mise que ne semblait le permettre sa fortune; sans doute croyait-elle qu'elle prélevait sa toilette sur les bénéfices interlopes de son frère, qui passait pour un contrebandier.

      Un jour qu'Emma – elle avait alors près de quatorze ans – s'était arrêtée devant la boutique d'un marchand de glaces pour se regarder dans un grand miroir servant de montre au magasin, elle se sentit toucher à l'épaule.

      C'était son amie, Fanny Strong, qui la tirait ainsi de son extase.

      – Que fais-tu là? lui demanda-t-elle.

      Emma rougit sans répondre. En répondant vrai, elle eut dû dire: «Je me regardais et me trouvais belle.»

      Mais Fanny Strong n'avait pas besoin de réponse pour savoir ce qui se passait dans le coeur d'Emma.

      – Ah! dit-elle en soupirant, si j'étais aussi jolie que toi, je ne resterais pas longtemps dans cet horrible pays.

      – Où irais-tu? lui demanda Emma.

      – J'irais à Londres, donc! Tout le monde dit qu'avec une jolie figure, on fait fortune à Londres. Vas-y, et, quand tu seras millionnaire, tu me prendras pour ta femme de chambre.

      – Veux-tu que nous y allions ensemble? demanda Emma Lyonna.

      – Volontiers; mais comment faire? Je ne possède pas six pence, et je ne crois pas Dick beaucoup plus riche que moi.

      – Moi, dit Emma, j'ai près de quatre guinées.

      – C'est plus qu'il ne nous faut pour toi, moi et Dick! s'écria Fanny.

      Et le voyage fut résolu.

      Le lundi suivant, sans rien dire à personne, les trois fugitifs prirent, à Chester, la diligence de Londres.

      En arrivant au bureau où descendait la diligence de Chester, Emma partagea les vingt-deux schellings qui lui restaient entre Fanny Strong et elle.

      Fanny Strong et son frère avaient l'adresse d'une auberge où logeaient les contrebandiers; c'était dans la petite rue de Villiers, aboutissant d'un côté à la Tamise et de l'autre au Strand, qu'était située cette auberge. Emma laissa Dick et Fanny chercher leur logement; elle prit une voiture et se fit conduire Cavendish square, n° 8.

      Edward Rowmney était absent; on ne savait pas où il était ni quand il reviendrait; on le croyait en France, et on ne l'attendait pas avant deux mois.

      Emma resta étourdie. Cette éventualité si naturelle de l'absence de Rowmney ne s'était pas même présentée à son esprit. Une lueur lui traversa le cerveau; elle pensa à M. James Hawarden, le célèbre chirurgien qui, en quittant la maison de son père, avait, avec tant de bonté, laissé les deux guinées qui avaient servi à payer la majeure partie des dépenses du voyage.

      Il ne lui avait pas donné son adresse; mais deux ou trois fois elle avait porté à la poste les lettres qu'il écrivait à sa femme.

      Il demeurait Leicester square, n° 4.

      Elle remonta en voiture, se fit conduire à Leicester square, peu distant de Cavendish square, frappa en tremblant à la porte. Le docteur était chez lui.

      Elle trouva le digne homme tel qu'elle l'espérait; elle lui dit tout, et il eut pitié, promit de s'employer à la protéger, et, en attendant, il la reçut sous son toit, l'admit à sa table, et la donna pour demoiselle de compagnie à mistress Hawarden.

      Un matin, il annonça à la jeune fille qu'il avait trouvé pour elle une place dans un des premiers

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