Les Quarante-Cinq — Tome 3. Dumas Alexandre

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Les Quarante-Cinq — Tome 3 - Dumas Alexandre

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fit un signe de tête. Goes continua:

      — Tandis que je ramais dans la nuit avec mes avirons enveloppés de linge, j'ai entendu une voix qui criait:

      — Holà de la barque, que voulez-vous?

      Je croyais que c'était à moi que l'interpellation était adressée, et j'allais répondre une chose ou l'autre, quand j'entendis crier derrière moi:

      — Canot amiral.

      L'inconnu regarda les officiers avec un signe de tête qui signifiait:

      — Que vous avais-je dit?

      — Au même instant, continua Goes, et comme je voulais virer de bord, je sentis un choc épouvantable; ma barque s'enfonça; l'eau me couvrit la tête; je roulai dans un abîme sans fond; mais les tourbillons de l'Escaut me reconnurent pour une vieille connaissance, et je revis le ciel.

      C'était tout bonnement le canot amiral qui, en conduisant M. de Joyeuse à bord, avait passé sur moi. Maintenant, Dieu seul sait comment je n'ai pas été broyé ou noyé.

      — Merci, brave Goes, merci, dit le prince d'Orange, heureux de voir que ses prévisions s'étaient réalisées; va, et tais-toi.

      Et étendant le bras de son côté, il lui mit une bourse dans la main.

      Cependant le marin semblait attendre quelque chose: c'était le congé de l'inconnu.

      Celui-ci lui fit un signe bienveillant de la main, et Goes se retira, visiblement plus satisfait de ce signe qu'il ne l'avait été du cadeau du prince d'Orange.

      — Eh bien, demanda l'inconnu au bourgmestre, que dites-vous de ce rapport? doutez-vous encore que les Français vont appareiller, et croyez- vous que c'était pour passer la nuit à bord que M. de Joyeuse se rendait du camp à la galère amirale?

      — Mais, vous devinez donc, monseigneur? dirent les bourgeois.

      — Pas plus que monseigneur le prince d'Orange, qui est en toutes choses de mon avis, je suis sûr. Mais, comme Son Altesse, je suis bien renseigné, et, surtout, je connais ceux qui sont là de l'autre côté.

      Et sa main désignait les polders.

      — De sorte, continua-t-il, qu'il m'eût bien étonné de ne pas les voir attaquer cette nuit.

      Donc, tenez-vous prêts, messieurs; car, si vous leur en donnez le temps, ils attaqueront sérieusement.

      — Ces messieurs me rendront la justice d'avouer qu'avant votre arrivée, monseigneur, je leur tenais juste le langage que vous leur tenez maintenant.

      — Mais, demanda le bourgmestre, comment monseigneur croit-il que les Français vont attaquer?

      — Voici les probabilités: l'infanterie est catholique, elle se battra seule. Cela veut dire qu'elle attaquera d'un côté; la cavalerie est calviniste, elle se battra seule aussi. Deux côtés. La marine est à M. de Joyeuse, il arrive de Paris; la cour sait dans quel but il est parti, il voudra avoir sa part de combat et de gloire. Trois côtés.

      — Alors, faisons trois corps, dit le Bourgmestre.

      — Faites-en un, messieurs, un seul, avec tout ce que vous avez de meilleurs soldats, et laissez ceux dont vous doutez en rase campagne, à la garde de vos murailles. Puis, avec ce corps, faites une vigoureuse sortie au moment où les Français s'y attendront le moins. Ils croient attaquer: qu'ils soient prévenus et attaqués eux-mêmes; si vous les attendez à l'assaut, vous êtes perdus, car à l'assaut le Français n'a pas d'égal, comme vous n'avez pas d'égaux, messieurs, quand, en rase campagne, vous défendez l'approche de vos villes.

      Le front des Flamands rayonna. — Que disais-je, messieurs? fit le Taciturne.

      — Ce m'est un grand honneur, dit l'inconnu, d'avoir été, sans le savoir, du même avis que le premier capitaine du siècle.

      Tous deux s'inclinèrent courtoisement.

      — Donc, poursuivit l'inconnu, c'est chose dite, vous faites une furieuse sortie sur l'infanterie et la cavalerie. J'espère que vos officiers conduiront cette sortie de façon que vous repousserez les assiégeants.

      — Mais leurs vaisseaux, leurs vaisseaux, dit le bourgmestre, ils vont forcer notre barrage; et comme le vent est nord-ouest, ils seront au milieu de la ville dans deux heures.

      — Vous avez vous-mêmes six vieux navires et trente barques à Sainte- Marie, c'est-à-dire à une lieue d'ici, n'est-ce pas? C'est votre barricade maritime, c'est votre chaîne fermant l'Escaut.

      — Oui, monseigneur, c'est cela même. Comment connaissez-vous tous ces détails?

      L'inconnu sourit.

      — Je les connais, comme vous voyez, dit-il; c'est là qu'est le sort de la bataille.

      — Alors, dit le bourgmestre, il faut envoyer du renfort à nos braves marins.

      — Au contraire, vous pouvez disposer encore de quatre cents hommes qui étaient là; vingt hommes intelligents, braves et dévoués suffiront.

      Les Anversois ouvrirent de grands yeux.

      — Voulez-vous, dit l'inconnu, détruire la flotte française tout entière aux dépens de vos six vieux vaisseaux et de vos trente vieilles barques?

      — Hum! firent les Anversois en se regardant, ils n'étaient pas déjà si vieux nos vaisseaux, elles n'étaient pas déjà si vieilles nos barques.

      — Eh bien! estimez-les, dit l'inconnu, et l'on vous en paiera la valeur.

      — Voilà, dit tout bas le Taciturne à l'inconnu, les hommes contre lesquels j'ai chaque jour à lutter. Oh! s'il n'y avait que les événements, je les eusse déjà surmontés.

      — Voyons, messieurs, reprit l'inconnu en portant la main à son aumônière, qui regorgeait, comme nous l'avons dit, estimez, mais estimez vite; vous allez être payés en traites sur vous-mêmes, j'espère que vous les trouverez bonnes.

      — Monseigneur, dit le bourgmestre, après un instant de délibération avec les quarteniers, les dizainiers et les centeniers, nous sommes des commerçants et non des seigneurs; il faut donc nous pardonner certaines hésitations, car notre âme, voyez-vous, n'est point en notre corps, mais en nos comptoirs. Cependant, il est certaines circonstances où, pour le bien général, nous savons faire des sacrifices. Disposez donc de nos barrages comme vous l'entendrez.

      — Ma foi, monseigneur, dit le Taciturne, c'est affaire à vous. Il m'eût fallu six mois à moi pour obtenir ce que vous venez d'enlever en dix minutes.

      — Je dispose donc de votre barrage, messieurs; mais voici de quelle façon j'en dispose:

      Les Français, la galère amirale en tête, vont essayer de forcer le passage. Je double les chaînes du barrage, en leur laissant assez de longueur pour que la flotte se trouve engagée au milieu de vos barques et de vos vaisseaux. Alors, de vos barques et de vos vaisseaux, les vingt braves que j'y ai laissés jettent des grappins, et, les grappins jetés,

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