Les enfants des bois. Reid Mayne

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Les enfants des bois - Reid Mayne

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était-il naturellement brave? voilà ce qu'on ne pouvait encore savoir. Son énorme crinière noire donnait lieu de croire qu'il était dangereux, car les lions à crinière jaune passent pour inférieurs en audace et en férocité à ceux dont les épaules sont couvertes de poils plus foncés. Au reste, cette distinction n'a jamais été positivement établie. La crinière du lion ne brunit que lorsqu'il est avancé en âge, et quand il est jeune, il est exposé à être confondu avec un individu de la variété dont les poils restent jaunes.

      Von Bloom ne chercha pas à éclaircir si l'animal était brave ou bon; il était évidemment rassasié, incapable de méditer une attaque, et disposé à vivre en paix avec les voyageurs, pourvu que ceux-ci consentissent à faire un détour. Mais le porte-drapeau n'en avait nullement l'intention. Son sang hollandais était échauffé. Il tenait à faire justice d'un des maraudeurs qui avaient dévoré ses bestiaux, et quand même la bête eût été la plus terrible de sa race, il n'aurait pas reculé.

      Il ordonna à Hendrik et à Swartboy de ne pas bouger, et s'avança résolument à environ cinquante pas du lion; là il mit pied à terre, passa son bras dans la bride et planta en terre la longue baguette de son roer, derrière laquelle il s'agenouilla.

      On pensera sans doute qu'il eût mieux fait de rester en selle, afin de pouvoir fuir après avoir lâché son coup. A la vérité il aurait été plus en sûreté, mais il aurait perdu ses chances de succès. Il n'est jamais facile de viser juste à cheval, et cela est impossible lorsque le but est un lion, car le coursier le mieux dressé ne saurait en ce cas conserver le sang-froid nécessaire. Von Bloom ne voulait point tirer au hasard. Il posa le canon de son fusil sur l'extrémité de la baguette et prit tranquillement son point de mire.

      Pendant ce temps, le lion n'avait pas changé de place. Le buisson s'interposait entre lui et le chasseur, mais il ne pouvait se croire suffisamment caché. On distinguait à travers les branches épineuses ses flancs jaunâtres et son museau rouge du sang des bœufs. Les grognements sourds et les faibles mouvements de sa queue attestaient qu'il voyait l'ennemi, mais conformément aux habitudes des animaux de son espèce, il attendait qu'on approchât.

      Von Bloom ajusta longtemps, dans la crainte que sa balle ne fût écartée par quelque branche. Le coup partit, et le lion fit un bond de plusieurs pieds. Il avait été touché au flanc et se levait furieux en montrant ses dents formidables. Sa crinière hérissée augmentait sa taille et le faisait paraître aussi grand qu'un taureau. En quelques secondes il eut franchi la distance qui le séparait du lieu où s'était posté le chasseur; mais celui-ci ne l'avait pas attendu. Il avait sauté sur son cheval pour rejoindre ses compagnons.

      Tous trois durent songer à fuir au galop. Hendrik et son père coururent d'un côté, tandis que Swartboy se dirigea d'un autre. Le lion, qui se trouvait au centre, s'arrêta indécis, comme s'il se fût demandé lequel des trois il devait poursuivre. Son aspect était terrible en ce moment. Il avait la crinière hérissée et battait ses flancs de sa longue queue. Sa bouche ouverte laissait voir des dents acérées, dont la blancheur contrastait avec la rougeur du sang qui empourprait ses babines. Il poussait d'affreux rugissements; mais aucun de ses adversaires ne se laissa troubler par l'épouvante. Hendrik fit feu de sa carabine, tendis que Swartboy décochait une flèche qui s'enfonça dans la cuisse de l'animal. La balle d'Hendrik dut porter également, car le lion, qui avait montré jusqu'alors une ferme résolution, parut saisi d'une terreur panique. Il laissa retomber sa queue au niveau de son épine dorsale, baissa la tête, et s'achemina vers la porte du kraal.

      CHAPITRE X

      LE LION PRIS AU PIÈGE

      Il était assez singulier que le lion cherchât un pareil asile, mais il faisait par là preuve de sagacité. Il n'y avait point d'autre abri aux alentours, et s'il avait entrepris de courir à travers la plaine, les cavaliers l'auraient atteint facilement. Il savait que la maison était inhabitée et connaissait la localité pour y avoir rôdé toute la nuit. Son instinct le guidait à merveille. Les murailles de la maison le protégeaient contre le feu de ses antagonistes; ils ne pouvaient ni tirer de loin, ni s'approcher sans danger.

      Un incident bizarre signala l'entrée du lion au kraal. D'un côté de la maison s'ouvrait une grande croisée sans vitres, comme toutes les fenêtres du pays, mais fermée par d'épais volets de bois. Au moment où le lion pénétrait dans l'intérieur par la porte entrebaillée, les volets de la fenêtre tournèrent sur leurs gonds, et laissèrent passage à une bande de petits animaux qui tenaient du loup et du renard: c'était des chacals. Comme on s'en assura par la suite, un des bœufs avait été poursuivi et tué dans la maison. Les lions et les hyènes l'avaient dédaigné, et les chacals le dépeçaient tranquillement, lorsque leur terrible roi les dérangea avec si peu de cérémonie. Le voyant irrité, ils battirent promptement en retraite. Quand ils furent dehors, l'aspect des cavaliers précipita leur fuite, et ils ne s'arrêtèrent que lorsqu'on les eût perdus de vue.

      Les trois chasseurs ne purent s'empêcher de rire. Mais leurs dispositions furent bientôt modifiées par un autre incident.

      Von Bloom avait amené ses deux beaux chiens pour l'aider à reprendre le bétail. En arrivant ils s'étaient jetés sur une carcasse à demi rongée, et avaient achevé de la dépouiller sans s'inquiéter de ce qui se passait. Ils n'avaient pas aperçu le lion; mais ses rugissements, la détonation des armes à feu, le vol bruyant des vautours effarouchés les avertirent de sa présence, et ils abandonnèrent leur repas au moment où, dans son trouble, il franchissait la porte du kraal.

      Sans hésiter, les valeureux chiens suivirent la redoutable bête dans l'intérieur de la maison. On entendit pendant quelques instants un mélange confus d'aboiements, de grognements, de rugissements; puis le bruit sourd d'un corps lancé contre le mur, des hurlements plaintifs, un craquement d'os brisés, la basse retentissante du principal combattant. Enfin le plus profond silence s'établit.

      La lutte était terminée.

      Les chasseurs ne riaient plus; ils avaient écouté avec angoisse les bruits sinistres du combat, et ils tremblèrent quand ces bruits eurent cessé.

      Ils appelèrent chacun des chiens par son nom, dans l'espoir de le voir sortir, même blessé; mais ni l'un ni l'autre ne sortirent. Après une longue et inutile attente, Von Bloom dut se résigner à l'idée que ses deux derniers chiens étaient morts.

      Accablé par ce nouveau malheur, il oublia presque la prudence, et fut sur le point de se ruer vers la porte pour tirer à bout portant son odieux ennemi: mais une lueur brillante traversa la cervelle de Swartboy.

      – Baas! baas! enfermons le lion!

      Le projet était raisonnable; mais comment l'exécuter? Si l'on parvenait à tirer la porte ou les volets de la fenêtre, on n'avait plus rien à craindre du lion; mais il fallait s'approcher de lui, et dans sa rage il était certain qu'il s'élancerait sur le premier assaillant. En restant en selle on ne diminuait pas le danger. Les chevaux piétinaient et s'élançaient toutes les fois qu'un rugissement leur révélait la présence du lion. Il leur était impossible de conserver assez de sang-froid pour approcher de la porte ou de la fenêtre. Leurs hennissements, leurs caracoles, auraient empêché les cavaliers de se pencher pour saisir le loquet ou les boutons.

      Il était clair que la fermeture de la porte ou des fenêtres offrait un danger sérieux. Tant que les cavaliers étaient en plaine et à quelque distance du lion, ils le bravaient impunément; mais ils étaient exposés à devenir ses victimes s'ils pénétraient dans l'enceinte et s'aventuraient à proximité du logis.

      Quoique l'intelligence d'un Bosjesman soit bornée, elle excelle dans une spécialité. L'instinct qui le guide à la chasse ferait honneur aux facultés d'un homme de la race caucassienne. C'est l'exercice qui développe cet instinct particulier chez le Bosjesman, dont l'existence

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