La vie de Rossini, tome II. Stendhal

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La vie de Rossini, tome II - Stendhal

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pauvre expéditionnaire, qui, comme le M. Bellemain de l'Intérieur d'un Bureau, a une bonne physionomie tranquille et heureuse, et compte trente ou quarante ans d'assiduité, est le plus sec et le moins sensible des hommes. Les sons ne sont pour lui que du bruit; la musique est un langage qu'il entend fort bien, mais qui n'a aucun sens. Il préfère, je crois, à toutes les symphonies, le bruit des pierres de taille frappées par le marteau des maçons. On a fait l'expérience de lui envoyer, le même jour, des billets pour Louvois et pour l'Odéon, pour le grand Opéra et pour la Porte Saint-Martin; toujours il a préféré le théâtre où l'on ne chantait pas. Il me semble que la musique ne lui fait aucun plaisir, autre que celui de donner exercice à son talent pour l'appréciation des sons; cet art ne dit absolument rien à son âme; et d'ailleurs il n'a point d'âme. Dès qu'on entreprend une conversation un peu élevée avec lui, et que l'on cite quelque trait un peu au-dessus du niveau le plus ordinaire, il répète avec simplicité et plusieurs fois de suite: romanesque! romanesque! C'est l'homme prosaïque par excellence.

      Par opposition, tout le monde a connu à la cour du prince Eugène, vice-roi d'Italie, M. le comte C***, jeune Vénitien de la plus héroïque bravoure, et qui, à force de belles actions, était devenu officier d'ordonnance du prince. Non-seulement cet aimable jeune homme était hors d'état d'apprécier les sons, mais il ne pouvait dire quatre notes de suite sans chanter faux d'une manière épouvantable. Ce qui frappait d'étonnement, c'est que, chantant aussi faux, il aimait la musique avec une passion remarquable même en Italie. Au milieu de tous les genres de succès, on voyait que la musique faisait une partie nécessaire et considérable de son bonheur. On m'assure que M. le comte de Gallenberg, qui, pendant que Rossini triomphait à San-Carlo par la musique de ses opéras, y composait la musique des ballets joués entre les deux actes des opéras de Rossini, et avait des succès presque comparables à ceux du jeune maestro, a la plus grande peine du monde à distinguer un son faux d'un son juste.

      Ces cas extrêmes sont rares, mais ils forment avec les nuances intermédiaires toutes les classes d'amateurs. Les uns, et ce sont les pédants de la musique, pédants aussi furieux qu'un savant en us avec son âme dévouée à la vanité, à l'argent et au travail, les uns ont une aptitude étonnante pour percevoir les sons et leurs modes différents; mais ces sons ne représentent pour eux aucun mouvement de l'âme, ne leur rappellent aucune passion ou nuance de passion. Ces gens sont, en musique, les connaisseurs les plus savants et les plus imperturbables; n'étant jamais trahis par aucun moment d'entraînement, ce qu'ils ont une fois appris, ils n'en sont jamais distraits, et surtout ils n'ont jamais à rougir de certaines exagérations qui, hasardées devant des gens qui ne sont pas faits pour les entendre, font ensuite tant de honte aux amateurs véritables.

      Ceux-ci, auprès des autres, ont l'air d'ignorants, et ils ont parfois des moments bien ridicules; c'est lorsqu'ils font des efforts étonnants de pédantisme et de mensonge pour avoir l'air de se connaître un peu en notes et en classification des sons. En France, ils n'ouvrent guère la bouche pour parler de l'art divin auquel ils doivent les plaisirs les plus vifs, sans prêter le flanc à la plaisanterie par quelque balourdise savante; c'est d'ordinaire quelque idée qu'ils ont prise dans Reicha, et qu'ils n'ont retenue qu'à moitié. A Louvois, je reconnais ces deux classes d'amateurs d'un côté de la salle à l'autre, il y a toujours, par exemple, quelque désordre dans la toilette du vrai dilettante, tandis que celle de l'amateur pédant est un chef-d'œuvre d'esprit d'ordre et de soins, même un jour de première représentation, où c'est une affaire que d'avoir une place passable. Le pauvre amateur sensible a ordinairement l'imprudence d'entreprendre de parler dans ses moments d'émotion, et c'est alors qu'il s'expose aux plaisanteries triomphantes des gens froids; sa colère redouble leur bonheur; les noms, les dates, tout lui manque, tandis que le pédant sec brille à ses côtés et à ses dépens, eh récitant, avec moins de disgrâce que de coutume, l'historique de la science, tous les détails du chant des actrices qui ont paru depuis vingt ans au théâtre italien, toutes les dates des débuts ou des mises en scène, etc., etc. Le pauvre amateur sensible s'expose au ridicule, parce qu'il y a encore en lui un peu du caractère français. Pourquoi parler? pourquoi se mettre en communication avec cet éteignoir de tout enthousiasme et de toute sensibilité? Les autres. Voyez l'amateur de San-Carlo et de la Scala; tout entier à l'émotion qu'il éprouve, ne songeant pas à juger et encore moins à faire une jolie phrase sur ce qu'il entend, il ne s'inquiète nullement de son voisin, et ne songe guère à faire effet sur lui; il ne sait pas même s'il a un voisin. Plongé dans une extase contemplative, il n'a que de la colère et de l'impatience à donner aux autres qui viendraient l'empêcher de jouir de son âme. Parfois il laisse échapper une exclamation, et puis retombe dans son morne et profond silence. S'il marque la mesure, s'il fait un mouvement, c'est que dans de certains passages le mouvement augmente le plaisir. Sa bouche est à demi ouverte, tous les traits de sa figure portent l'empreinte de la fatigue, ou, pour mieux dire, de l'absence d'animation; il n'y a d'âme que dans ses yeux, et encore si on l'a averti de cette vérité, dans sa haine pour les autres, il se cache les yeux, de la main.

      Beaucoup de chanteurs célèbres appartiennent à la classe d'amateurs dont j'ai présenté le prototype dans le commis appréciateur juré des sons rendus par les pierres de taille. Ce sont des gens communs chez qui le hasard a mis de l'oreille, une voix superbe et une forte poitrine.

      Si, avec le temps, ils acquièrent quelque esprit, ils jouent le sentiment, l'enthousiasme; ils parlent souvent de génie, et placent sur leur bureau d'acajou un buste de Mozart. A Paris, ils n'ont pas même besoin d'esprit pour arriver à cet extérieur; leurs phrases leur sont données par le journal, et le buste est l'affaire du marchand de meubles.

      Tel amateur, au contraire, ne connaît rien aux notes; et cependant la plupart de leurs combinaisons, même les plus simples, représentent à ses yeux, avec force et clarté, une nuance de sentiment. Rien n'égale, pour lui, l'évidence de ce langage; et comme il n'est pas gâté par le rappel à volonté, ce pauvre dilettante est hors d'état de résister à sa force entraînante. Mozart est le maître souverain de son âme; avec vingt mesures, il va le plonger dans la rêverie, et lui faire prendre du côté tendre et touchant les plus simples accidents de ce monde; un chien écrasé par un fiacre dans la rue de Richelieu.

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      1

      Ce qu'une lettre à écrire à une femme d'esprit que l'on aime un peu est à l'égard de la simple conversation, la sculpture l'est à l'égard de la peinture. Dans les deux genres, la grande difficulté est de ne pas marquer trop ce qui ne mérite que d'être indiqué.

      2

      On se souvient de la cavatine d'Otello: le chant triomphe, et l'accompagnement dit à Othello: Tu mourras.

      3

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