Entre ombres et obscurités. Willem Ngouane

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Entre ombres et obscurités - Willem Ngouane

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inlassablement à mieux connaître son ennemi pour mieux le railler. La majeure partie de ses opinions sur le ministère et surtout sur le ministre était négative. Mon patron qui pour moi était un homme admirable, un modèle pour la société, avait une tout autre image chez mon épouse. Elle trouvait qu’il était une mauvaise influence, qu’il avait un mauvais côté bien caché et qu’il essaierait de m’y entrainer tôt ou tard, tout cela sans justifier ses dires. N’empêche qu’elle avait fort bien raison de laisser parler sa frustration, je ne peux compter le nombre de fois où elle a dû dormir seule, couper des repas après un coup de fil reçu de ma part. Le plus dur pour elle restait la passion avec laquelle je parlais de mon activité et la puissance de ma motivation professionnelle.

      Elle n’arrivait jamais à influencer mon regard sur monsieur malgré ses insistances. Bien au contraire je ressentais envers lui en plus de l’admiration, une commisération grandissante en le sachant attaqué de toutes parts avec de plus en plus de virulence malgré sa bonté. Les récentes révélations de la place faisant état de malversations au sein de son ministère ne paraissaient pas trop le mettre en difficulté au tout début lorsque l’affaire venait d’éclater. Lui qui était habitué aux fausses informations autour de sa personne et ses collaborateurs avait certainement dû vite caser celle-là dans ce même panier de « fake news” alors qu’elle était bien véridique. Depuis quelques semaines, je le sentais atteint, et cela coïncidait avec les preuves de plus en plus accablantes apportées par ses accusateurs. Il avait perdu de son sourire habituel et paraissait plus nerveux que jamais. Il m’arrivait très souvent de le surprendre plongé dans de longues réflexions dans son bureau, tellement mentalement absorbé qu’il en venait à oublier ma présence. Le pis était qu’il avait une pile de journaux évoquant le sujet sur sa table tout le temps. Moi à sa place je ne me serais pas préoccupé des on-dit mais me serais concentré sur mon travail en laissant la justice s’en charger. Peut-être avait-il des choses à se reprocher, ou alors avait-il des informations que nous ignorions? N’empêche que nous, ses proches, continuions inlassablement à lui apporter notre soutien et notre support.

      Le lendemain arrivé, malgré ma ponctualité inhabituelle et la tranquillité du début de journée qu’elle semblait me garantir, grande fut ma surprise de me voir accueilli par une file de visiteurs très matinaux, sollicitant des rendez-vous pour la plupart d’entre eux. Sans hésitation, mes ordres à Jasmine, ma secrétaire, furent très stricts: aucun entretien jusqu’à nouvel ordre! Une grosse séance de travail m’attendait et m’imposait mon emploi du temps, même mon penchant socialiste ne pouvait me faire accorder une seconde à quelques choses d’autres qu’à mes dossiers. Trois heures plus tard, une plus grande contrainte vint pourtant sanctionner ma dévotion au travail en me rappelant qu’il n’y avait rien au-dessus d’elle au cours de mes journées actives: un coup de fil du ministre venait de m’obliger à un réaménagement de mon programme après qu’il m’intimât l’ordre de le rencontrer dans son bureau illico. Comme c’était devenu le cas à chacune de ses sollicitations, cette dernière entraina elle aussi sa vague d’inquiétude et de prières jusqu’à rendre la distance pourtant courte entre nos deux bureaux aussi ardue que le chemin d’un condamné à mort vers la salle d’exécution.

      Lorsque j’y arrivai, je découvris une jeune demoiselle à la silhouette plaisante debout en lui faisant face. Les spéculations en tout genre sur son visage, nourries de la position de dos qu’elle me donnait, m’occupèrent l’esprit pendant de longues secondes. Puis, elle se retourna finalement en me dévoilant son doux visage et ses lèvres pulpeuses accentuant un portrait réjouissant à voir. Elle avait l’air timide et baissa les yeux en me saluant ensuite. Le ministre nous fit promptement les présentations et m’instruisit de lui trouver un bureau où elle pourrait travailler. Elle devait commencer comme stagiaire, « on verra pour la suite” m’avait-il précisé. Puis ils s’échangèrent un regard amical. Leur complicité presque familiale me fit extrapoler de l’évidence d’un rapport filial entre eux nonobstant le doute qui me perturbait jusqu’à m’amener à en faire une fixation de longues minutes avant que mon naturel ne me réimpose ma retenue ordinaire devant les histoires des autres. Depuis tous ces racontars sur les mauvaises habitudes sexuelles et amoureuses de mon patron, il était devenu difficile d’empêcher les réflexions bizarres de pénétrer mon esprit à la vue d’une femme dans ses environs.

      Elle s’appelait Caroline… Cette coïncidence de prénom d’avec ma bien-aimée épouse fit naitre en moi une attraction décomplexée pour cette belle inconnue. En marchant avec elle je ne pus m’empêcher de constater sa cambrure et son derrière… Elle était tout simplement jolie. Quelques minutes plus tard, un climat amical s’était définitivement installé entre nous et nous faisions désormais la conversation comme de vieux collègues. J’avais réussi à briser la glace, et sa timidité constatée il y a un instant s’était éteinte telle une légère brise dans une zone aride. Elle me détailla ensuite son cursus académique: c’est ainsi que je fus fort impressionné en apprenant qu’elle était titulaire d’un master en traduction linguistique, un tel niveau d’étude à ce jeune âge… Quelques instants après, je l’installai dans ce qui allait lui servir de lieu de travail après avoir laissé quelques instructions au chef du département des opérations. Ce dernier, ébloui par tant de beauté s’empressa de s’entretenir avec elle. Il n’était pas difficile à voir qu’elle lui faisait de l’effet, ce cher Christian avait du mal à cacher ses sentiments derrière sa timidité. Je ne pense même pas qu’elle se soit rendue compte de l’effet qu’elle avait sur lui, concentrée qu’elle était de paraître sympathique dans ce nouvel environnement de travail à première vue intrigant. Nous nous séparâmes sur son beau sourire et je me promis de veiller sur elle, avec tout ce qu’il y avait comme requins dans ce bureau.

      Dans l’après midi, comme il était de coutume à chaque troisième mercredi du mois, le ministre invita ses plus proches collaborateurs à souper. Mais contrairement aux autres fois où il était considéré comme une perte de temps et d’argent, ce traditionnel diner paraissait plus que nécessaire et attendu de tous à cause de la tension régnante; en effet, c’était un bon moyen de s’évader momentanément de l’ambiance électrique qui nous torturait au bureau. Le lieu choisi fut le restaurant montée-Carle, le meilleur restaurant de la ville, connu pour la valeur de sa cuisine et la renommée de son chef mais beaucoup trop cher pour un homme aux revenus modestes (le plat le moins couteux là-bas est équivalent à plusieurs jours de ration pour la majeure partie des familles dans le pays). Mais monsieur aimait bien ce genre d’endroit, luxueux et chic, devrait-on l’en blâmer pour autant sachant toutes ses bonnes œuvres… Chacun a bien droit à de bonnes détentes de temps à autre.

      A notre arrivée nous fûmes accueillis comme des rois dans le restaurant. Les employés étaient excités de recevoir de telles personnalités et surtout d’accueillir la sommité qu’était mon patron. Ce dernier était à son aise et les appelait tous par leurs prénoms jusqu’à arriver à les tutoyer, quelle classe!!

      Les jeunes serveuses étaient encore plus agitées que leurs collègues masculins: la vue des hommes de pouvoir, des hommes riches les mettait dans un état de transe totale. Elles souriaient pour un rien et affichaient une amabilité hors du commun. Il fallut être naïf pour ne pas lire leurs intentions: l’argent, encore l’argent et toujours l’argent. Beaucoup d’entre elles ne verraient aucun mal à se donner aux hommes riches, ce même s’ils étaient mariés. Ce n’est pas pour les dédouaner en quoi que ce soit, mais la misère ambiante, la maigreur de leurs salaires, et les rudes conditions de la vie dans la capitale pouvaient expliquer leurs comportements.

      Le ministre passa ensuite la commande du champagne le plus cher et de quelques grandes bouteilles de vin, il souriait à nouveau et enchainait des plaisanteries. Ce fut un moment très agréable, un répit dans cette période guerrière que nous traversions…

      Chapitre 2

      – Pourquoi tant de haine, pourquoi tant de jalousie, pourquoi

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