Réaction en Chaîne . Блейк Пирс
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Il grimaçait encore en repensant à ce sourire et à ces mots.
« Quel bon garçon ! »
Sa mère avait dit la même chose, avec le même sourire, en le retenant attaché par la jambe avec une chaîne si courte qu’il ne pouvait attraper de la nourriture ou regarder par la fenêtre. Et les religieuses, elles aussi, avaient dit la même chose, avec le même sourire, en l’observant à travers le judas de la porte de sa petite prison.
« Quel bon garçon ! »
Tout le monde n’était pas cruel, il le savait. La plupart des gens avaient de bonnes intentions, surtout dans cette petite ville où il vivait depuis longtemps. Ils l’aimaient bien. Mais pourquoi s’évertuaient-ils à le traiter comme un enfant – et un enfant handicapé, en plus ? Il avait vingt-sept ans et il se savait brillant. Son esprit grouillait de pensées brillantes, et il se heurtait rarement à un problème qu’il était incapable de résoudre.
Bien sûr, il savait pourquoi les autres le voyaient ainsi : il pouvait à peine parler. Il bégayait. Il avait toujours bégayé. Il n’essayait même plus de discuter, même s’il comprenait tout ce que disaient les autres.
Et il était petit, et faible, et il avait les traits ronds d’un gamin – un de ces gamins nés avec une tare congénitale. Piégé dans ce crâne légèrement malformé bouillait un esprit remarquable, désireux d’accomplir des choses brillantes. Mais personne n’en savait rien. Personne. Pas même les médecins de l’hôpital psychiatrique.
Quelle ironie.
Les gens ne se doutaient pas qu’il connaissait ce genre de mots compliqués. Ironie. Mais il les connaissait.
A présent, il faisait rouler d’un geste nerveux un bouton dans le creux de sa main. Il l’avait ramassé sur la blouse de l’infirmière quand il l’avait pendue. Comme il pensait à elle, il se tourna vers le lit de camp où il l’avait gardée attachée pendant un peu plus d’une semaine. Il aurait aimé pouvoir lui parler, lui expliquer qu’il n’avait jamais voulu se montrer si cruel, lui dire qu’elle ressemblait beaucoup à sa mère et aux religieuses, voilà tout, surtout avec cet uniforme d’infirmière.
La vue de cet uniforme l’avait troublé. Ç’avait été la même chose avec l’autre femme, cinq ans plus tôt, la gardienne de prison. Les deux femmes s’étaient confondues dans sa tête avec sa mère, avec les religieuses, avec les employées de l’hôpital. Il avait tenté de les distinguer, de les dissocier, mais c’était une bataille perdue d’avance.
Il était soulagé d’en avoir terminé avec elle. C’était une terrible responsabilité de la garder ici, attachée, de lui donner de l’eau, de l’entendre gémir à travers la chaîne qu’il avait utilisée pour la bâillonner. Il n’avait ôté son bâillon que pour lui donner de l’eau avec une paille, de temps à autre. Et alors, elle avait essayé de crier.
Si seulement il avait pu lui expliquer qu’elle ne devait pas crier, qu’il y avait des voisins de l’autre côté de la rue et qu’ils ne devaient pas l’entendre. Si seulement il avait pu lui dire, elle aurait peut-être compris. Mais il n’avait pas pu, pas avec son bégaiement. A la place, il l’avait menacée en silence avec un rasoir affûté. Au bout d’un moment, même cette menace n’avait plus marché et il avait été obligé de lui trancher la gorge.
Il l’avait ensuite rapportée à Reedsport et pendue pour que tout le monde puisse la voir. Il n’était pas sûr de savoir pourquoi. Peut-être était-ce un avertissement. Si seulement les gens pouvaient comprendre. S’ils comprenaient, il ne serait pas obligé de se montrer si cruel.
Peut-être que c’était aussi sa façon de dire au monde à quel point il était désolé.
Parce qu’il était vraiment désolé. Il irait chez le fleuriste le lendemain pour acheter des fleurs – un petit bouquet bon marché – pour sa famille. Il ne pourrait pas parler au fleuriste, mais il pourrait lui écrire des instructions simples. Le cadeau serait anonyme. Et s’il parvenait à trouver un endroit pour se cacher, il irait peut-être au cimetière pour son enterrement. Il baisserait la tête comme n’importe quel endeuillé.
Il étala une autre chaîne sur son établi, en tirant sur les maillons aux extrémités pour assourdir le cliquetis. Au fond de lui-même, il savait que cela ne suffirait pas. Pour dominer les chaînes, il serait obligé de les utiliser à nouveau. Et il utiliserait également une autre des camisoles de force qu’il avait en sa possession. Quelqu’un d’autre allait devoir rester attaché, comme il était resté attaché.
Quelqu’un d’autre allait devoir souffrir et mourir.
Chapitre 8
Dès que Riley et Lucy descendirent de l’avion du FBI, un jeune policier en uniforme trottina vers elles sur le tarmac.
– Ce que je suis content de vous voir enfin ! dit-il. Le commissaire Alford est au bord de la crise de nerfs. Si quelqu’un ne descend pas le corps de Rosemary dans la seconde, il va faire une attaque. Les journalistes sont à fond sur l’affaire. Je m’appelle Tim Boyden.
Envahie par une soudaine contrariété, Riley se présenta, ainsi que Lucy. La presse était arrivée tôt et cela n’était pas bon signe. L’enquête commençait mal.
– Puis-je vous aider à porter quelque chose ? demanda Boyden.
– Non, ça ira, dit Riley.
Elle et Lucy n’avaient que deux petites valises.
Boyden pointa le doigt vers l’autre bout de la piste d’atterrissage.
– La voiture est là-bas, dit-il.
Le groupe marcha vivement dans la direction indiquée. Riley s’engouffra sur le siège passager, tandis que Lucy prenait place sur la banquette arrière.
– Nous ne sommes pas loin de la ville, dit Boyden en tournant la clef de contact. Putain, je le crois pas, ce qui s’est passé. Pauvre Rosemary. Tout le monde l’aime tant. Elle est toujours en train d’aider et de rendre service. Quand elle a disparu il y a une ou deux semaines, on s’est inquiétés. Mais personne n’aurait imaginé…
Sa voix traîna avant d’achever la phrase. Boyden secoua la tête d’un air à la fois horrifié et incrédule.
Lucy se pencha en avant.
– J’ai cru comprendre que vous aviez déjà connu un meurtre comme celui-ci, dit-elle.
– Oui, quand j’étais encore au lycée, dit Boyden. Mais pas à Reedsport. C’était du côté de Eubanks, plus loin vers le sud. Un corps enchaîné, comme celui de Rosemary. Et vêtu d’une camisole de force. Le commissaire a raison ? On a un tueur en série sur les bras ?
– C’est encore trop tôt pour le dire, dit Riley.
En vérité, elle pensait que Alford devait avoir raison. Mais ce jeune policier semblait suffisamment bouleversé. Nul besoin de l’alarmer davantage.
– J’y crois pas, dit Boyden en secouant à nouveau la tête. Une petite ville sympa comme la nôtre. Une gentille dame comme Rosemary. J’y crois pas.
Alors qu’ils traversaient la ville, Riley aperçut quelques vans de