Ndura. Fils De La Forêt. Javier Salazar Calle

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Ndura. Fils De La Forêt - Javier Salazar Calle

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de ce qu’ils mangeaient devait forcément être comestible aussi pour moi, surtout si un singe le mangeait : c’était l’animal habitant ces lieux le plus proche de l’homme.

      Je me levai et marchai jusqu’à l’arbre. J’y grimpai ensuite en passant entre les branches et cueillis deux ou trois fruits, ceux qui me parurent le plus appétissant. Je descendis ensuite en les tenant et ouvris le premier par la moitié à l’aide du couteau. L’intérieur me rappelait les cheveux d’ange de par sa forme et sa texture, mais rouge. Je pelai une moitié et mordit légèrement dedans. Je mastiquai lentement, comme si je suçais le morceau. Le goût était étrange, mais c’était bon. Je mangeai voracement les deux moitiés et pelai un deuxième fruit que je mangeai aussi. En coupant le troisième par la moitié, je vis qu’il était rempli de petites bestioles et je le jetai. Je grimpai à nouveau à l’arbre et en cueillis une demi-douzaine de plus. Cinq plus durs que les autres, pensant les mettre dans mon sac pour les manger les jours suivants. L’autre serait mangé sur l’instant.

      Je finis mon petit-déjeuner et me sentis pleinement satisfait, aussi bien d’avoir pu manger que par le fait même d’avoir pu trouver de la nourriture. Je me fixai comme objectif de rester très attentif à partir de maintenant pour pouvoir trouver d’autres sources de nourriture, qu’il s’agisse d’autres fruits ou de tout autre chose puisque je ne pouvais pas me nourrir uniquement de ce fruit. Je décidai de prêter attention aux oiseaux et aux singes. De plus, je devais penser à une façon de manger de la viande sans la faire cuire: bien que j’aie un briquet, je ne pouvais pas me risquer à allumer un feu par peur des rebelles, à moins que je ne trouve le moyen de faire du feu sans fumée. Peut-être qu’en mangeant la viande en tout petits morceaux ce serait moins difficile. Quelque chose ressemblant au carpaccio des restaurants italiens.

      En regardant le fleuve à la recherche d’un poisson en apparence comestible, je remarquai des plantes qui poussaient sur la rive. Elles faisaient plus de 50 centimètres de haut, les feuilles vertes ou rouges, pour les plus jeunes. Leur tige était couverte de poils hérissés. Les feuilles étaient ovales, le bord dentelé, avec de petites dents14. C’est leur odeur qui attira vraiment mon attention. Une intense odeur de menthe. Je pensai que ça pourrait peut-être m’être utile et je pris une bonne poignée de feuilles. La jungle n’arrêtait pas de me surprendre. Peut-être bien que j’arriverais à survivre. L’euphorie, à nouveau.

      Ce jour-là, je décidai de continuer comme l’après-midi précédente: marcher en longeant le lit du fleuve sans passer par la rive. Si mes souvenirs étaient exacts, la République du Congo n’avait pas d’accès à la mer. Si le fleuve débouchait sur l’océan, il le ferait donc dans un autre pays, là où il n’y avait pas de rebelles et où je pourrais trouver de l’aide. De toute façon, la méthode alternative consistant à me guider à l’aide du soleil ne me mènerait vraisemblablement nulle part puisque je n’avais aucun sens de l’orientation.

      La matinée défila tranquillement. Je marchai et me reposai, avec une sensation de fatigue qui me donnait l’impression que mes jambes pesaient 20 kilos chacune. J’avais parfois la sensation d’être surveillé, d’yeux rivés en permanence sur mon dos, mais n’importe où que je regarde je ne voyais jamais personne, pas même des traces de vie humaine. Les chaussettes s’étaient séchées, elles, à ma grande surprise. Les baskets étaient encore humides, mais au moins elles ne faisaient plus ce bruit désagréable. Mes pieds avaient attrapé une mycose, sans aucun doute, comme si je m’étais baigné dans une piscine à l’eau corrompue. Lorsque je voyais un oiseau ou un autre animal, je restais totalement immobile et observais pour essayer de découvrir ce qu’ils mangeaient, en vain. Je ne les voyais que se déplacer d’un côté à l’autre, n’ayant apparemment pas très faim. Ils en avaient de la chance.

      A moment donné, quelque chose tomba sur mon nez. Je passai la main dessus et l’observai, on aurait dit de l’eau. Je regardai en l’air et en vis tomber une autre, puis une autre, jusqu’au moment où il me sembla que les nuages me tombaient dessus. Le ciel s’obscurcit presque instantanément. Il pleuvait, que dis-je, un vrai déluge tombait, du jamais vu. On entendait le tonnerre au loin et, de temps en temps, j’entrevoyais la lumière fugace d’un éclair, des lueurs qui illuminaient les environs comme le font les lampadaires. Je cherchai rapidement un endroit où me réfugier. Mon unique option fut de m’accroupir par terre sous un arbre, le sac à dos sous les jambes. Je mis mon chapeau et me couvris le corps avec la couverture. Ensuite, imitant l’attitude des oiseaux dans des moments pareils, je me disposai à ne pas bouger d’un pouce afin de me mouiller le moins possible, en laissant dégouliner l’eau toujours au même endroit.

      Il plut sans interruption pendant des heures, cela me parut durer des jours. J’avais faim mais je n’osais pas bouger. La pluie avait complètement trempé la couverture et le t-shirt et je la sentais ruisseler sur certaines parties de mon dos. Elle tombait le long du tronc d’arbre passant sous moi, par endroits. De l’eau, du tonnerre, des éclairs de lumière, encore et toujours. J’occupais ces heures où je bougeais à peine la tête à essayer d’apercevoir un petit insecte par terre et, lorsque je le trouvais, je me distrayais en voyant des gouttes d’eau lui tomber dessus ou comment le courant l’emportait. Je vis aussi quelques vers faisant un festin, se roulant sur la superficie de la boue. Il continuait à pleuvoir et à tonner, comme si Bumba, le dieu créateur bantou, avait accumulé des forces et lâchait toute sa colère d’un seul coup, au-dessus de ma tête, pour en finir avec moi. J’avais froid et je commençai à grelotter, mes dents claquaient sans que je veuille, de manière incontrôlée. De petits ruisseaux s’étaient formés à des endroits. Ils se dirigeaient vers l’inconnu, évitant les obstacles. Derrière-moi, j’entendais le fleuve rugir avec plus de force que d’habitude, son niveau ayant augmenté à cause de l’eau supposai-je. La faim me tenaillait l’estomac chaque fois davantage et il pleuvait encore et encore. Toujours plus de tonnerre, toujours plus d’étincelles électriques produites par les décharges du combat entre les nuages. J’étais de plus en plus mouillé. Rester sans bouger devait être efficace lorsqu’il s’agissait de petites averses, mais pour les gros orages comme celui-là seuls un toit et quatre murs ne protégeaient, car je ne crois pas que même un parapluie empêche de finir comme si l’on avait nagé dans le fleuve. Maintenant je n’aurais plus à me soucier du fait que mes baskets soient mouillées, maintenant je voulais seulement savoir quand est-ce que le ciel arrêterait de se vider sur ma tête sans défense.

      J’étais désespéré. Je commençai à penser que cela pourrait durer des jours, voire des semaines. Je me souvins des moussons asiatiques et de leurs effets dévastateurs. Je n’étais pas étonné de voir des arbres aussi grands dans la jungle, s’ils étaient arrosés ainsi fréquemment. Si ça durait encore longtemps, la forêt allait ressembler à un aquarium avec des singes à la place des poissons. La majorité des sons et bruits habituels s’étaient tus curieusement avec la venue de la pluie. Ce devait être parce que le fracas de la pluie qui tombait éteignait tout ou que ceux qui les produisaient étaient partis se réfugier chez eux. Tous mais pas moi, moi j’étais là, en plein cœur de l’orage du siècle sans un maudit endroit pour m’abriter, livré aux intempéries. Si mon état continuait à se dégrader de la sorte, aussi vite, je creuserais prochainement ma tombe, pour pouvoir m’y enterrer à ma mort, victime d’épuisement physique et mental. Cela ne me paraissait pas une mauvais idée vu l’état dans lequel je me trouvais, j’arrivais presque à souhaiter ce repos-là.

      Un éclair tomba sur un arbre, à peu près à dix mètres de moi, et le partagea en deux. La détonation produite me laissa sourd quelques secondes, le sol trembla, la fin du monde arrivait et j’étais perdu. La partie supérieure de l’arbre tomba au sol dans un grand vacarme, appuyée au tronc d’un autre arbre encore debout, le bout en feu. Une odeur étrange emplit l’air. Au début je restai pétrifié, pensant au danger auquel je m’exposais en restant aussi près d’un autre arbre, imaginant un éclair

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<p>14</p>

Flore: Menthe aquatique, Mentha aquatica