Ndura. Fils De La Forêt. Javier Salazar Calle

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Ndura. Fils De La Forêt - Javier Salazar Calle

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démotivé, désabusé et mort de fatigue et de sommeil. Je ne savais pas quoi faire. Finalement, par simple automatisme, j’enterrai la canette que j’avais jeté et me levai pour continuer à marcher, bien qu’à un rythme beaucoup plus lent à présent, me laissant porter, traînant presque les pieds. Je marchai et m’arrêtai, faisant des pauses, jusqu’à huit heures du soir. Les pauses étaient chaque fois plus longues, les périodes de marche chaque fois plus courtes. J’utilisais le bâton qui m’avait servi pour le serpent comme une canne pour m’appuyer, j’ôtais ainsi un peu de pression sur le genou blessé, bien qu’à ce moment-là je ne sente même plus mes jambes. Marcher pour marcher, sans même essayer de suivre la route que je m’étais fixée. En fin de compte, je n’étais pas certain de savoir comment faire et je pourrais presque affirmer que ça m’était égal. Pourquoi les ai-je convaincu de venir ici, pourquoi? Je n’écoutais jamais personne, n’en faisant toujours qu’à ma tête. Regardez où m’avait conduit mon envie de tout contrôler, de tout diriger. Juan, espèce d’idiot, pourquoi t’es-tu mis à courir de cette façon pour te suicider? C’était de ta faute, je n’avais rien à voir là-dedans. C’était de ta faute. A toi.

      Lorsque je n’en puis plus, je mangeai une boîte entière de pâte de coings et bus la canette qui restait, cachant tous les restes, y compris une des couvertures qui me restaient. A quoi bon en avoir deux? Moins je porterais de poids, mieux ce serait. De plus, elles donnaient très chaud et, lorsque je portais le sac, j’avais l’impression que mon dos me brûlait, le t-shirt collé au corps en permanence à cause de la transpiration, ce qui était inconfortable. J’avais aussi commencé à ressentir une constante sensation d’étourdissement, probablement parce que j’étais déshydraté puisque je manquais d’eau. Cela ne m’étonnait pas, les rafraîchissements étaient supposés étancher la soif sur le moment mais n’hydrataient pas beaucoup. Un de mes camarades de collège appelait cela l’effet yo-yo, à cause du sucre, disait-il.

      Comme il commençait à faire nuit et que je n’avais pas envie de dormir une nouvelle fois dans un arbre de manière aussi inconfortable, je cherchai un endroit un peu retiré, là où la terre était sèche. Je fabriquai un étroit matelas de feuilles et de branches vertes. Je m’y blottis, me couvrant du mieux possible avec la petite couverture, le sac à dos en guise d’oreiller et m’endormis. J’avais passé mon premier jour complet dans la jungle et j’en avais plus qu’assez. J’étais épuisé et j’avais envie que tout cela prenne fin, de quelque manière que ce fut.

      

      Quelque chose m’attaquait. Je sentais comment cela me piquait l’ensemble du corps. Je me levai d’un bond, totalement éveillé tout d’un coup et en criant. Je regardai mes mains, elles étaient couvertes de fourmis rouges à la tête énorme, mon corps était entièrement recouvert par elles. Elles me piquaient partout, sans interruption. J’enlevai mes vêtements, les arrachant presque, et commençai à frotter mon corps avec les mains, à sauter, à m’agiter et me tordre comme la queue d’un lézard, poussant des cris et gémissant de douleur. Certaines entraient dans ma bouche, m’obligeant à cracher encore et encore, j’en avais d’autres dans le nez, les oreilles, partout. C’était comme si un essaim entier d’abeilles avait décidé de m’attaquer. Je réussis peu à peu à me débarrasser des fourmis, mais il me fallut au moins dix minutes de plus pour que je sois certain que plus aucune ne parcourait impunément mon corps. Une interminable colonne de fourmis passait là où je m’étais couché9. J’avais l’ensemble du corps rougi par les coups que je m’étais donné pour retirer les fourmis et étais rempli de petits points encore plus rouges à cause des piqûres faites par ces maudits insectes. Tout me piquait tellement que je ne savais même pas quoi commencer à gratter. Bien qu’il n’en reste plus une seule sur moi, j’avais parfois l’impression de sentir quelque chose circuler dans un coin et m’agitais convulsivement à nouveau.

      Lorsque je parvins à dominer ma colère et ma frustration, je pris mon sac et en fis partir toutes les fourmis, de même que sur la couverture et sur les habits que j’avais dispersé au sol. Je n’enfilai que les chaussures, gardant le reste dans le sac. J’attrapai des pierres et des branches que je jetai avec furie en direction de la colonne bien ordonnée tandis que je les insultais. Je perdis le contrôle un instant, je fus submergé par la colère. Tout était bien de la faute des fourmis. Je devais en finir avec les fourmis car elles m’avaient mené à cette stupide situation et elles allaient le payer. Je les écrasai plusieurs fois, furieux, frénétique, comme possédé par un feu destructeur impossible à arrêter. Certaines d’entre elles me montaient par la jambe, me piquant à nouveau, mais je ne sentais plus rien, la douleur ayant cessé l’espace d’un instant. Une unique pensée occupait mon esprit: en finir avec les fourmis. Je tapai des pieds, trépignant celles qui étaient par terre, écrasant à grands coups de main celles que j’avais sur le corps, les broyant contre mes jambes, mes bras ou ma poitrine. Ce fut mon unique guerre pendant quelques minutes, mon seul monde: des piétinements, des coups de main, des cris de fureur, de frustration contenue pendant trop longtemps. Un Gulliver furibond détruisant le monde de Lilliput. Je m’éloignai ensuite de quelques pas, je m’écroulai au sol et restai un moment dans la lune, totalement abandonné a mon sort, aveugle à ce qui se passait autour de moi, ignorant toute chose qui ne soit pas le néant, le vide intérieur. Je réagis, à toute fin. Pendant la nuit, il m’avait semblé entendre le murmure d’un cours d’eau proche. Je partis donc à sa recherche, déshabillé, négligé, tremblant, le corps entier me piquant, le bâton à la main et le sac à l’épaule. Derrière moi, une myriade de fourmis écrasées et encore plus grouillant tout autour dans une folle danse désorganisée bien particulière.

      Effectivement, mon oreille ne m’avait pas trompé. Un fleuve de quelques cinq mètres de large se frayait un chemin parmi l’étendue boisée, devant mes yeux. Ma première intention fut de m’enlever les chaussures et me jeter à l’eau, mais je me rappelai quelque chose sur les sangsues et inspectai d’abord l’eau de la berge avec précaution, laissant un moment la prudence prendre la place de mon désespoir. La simple idée que l’une d’entre elles se colle à mon corps, s’accroche et suce mon sang me faisait tressaillir. En touchant l’eau de la main, je remarquai que la température était suffisamment agréable pour pouvoir y rester un moment. Je ne vis rien, excepté de très jolis petits poissons colorés, les uns plus que les autres, trop petits pour pouvoir être mangés et trop beaux pour être tués. Ils avaient le corps allongé et aplati, la queue divisée en trois, la partie centrale ressemblant à des plumes d’oiseau. Ils avaient les yeux plus gros que la tête, de couleur bleu irisé et, lorsque les rayons du soleil réfléchissaient sur leur corps, une incroyable gamme, allant du bleu jusqu’au violet, apparaissait sur leurs écailles10. Je cherchai d’autres animaux comme des piranhas, des crocodiles ou quelque chose du genre mais ne trouvai rien. Je décidai donc de me baigner après avoir bu un peu d’eau.

      Après m’être assuré, tout d’abord, à l’aide du bâton, que le sol était ferme, je me mis à l’eau avec les chaussures aux pieds, parce que je redoutais de me faire piquer par une bête ou de me planter quelque chose dans le pied. Je ressentis tout d’abord un frisson à cause du contraste entre la température de l’eau et celle de l’air ambiant, mais je m’habituai rapidement. Des libellules aux formes allongées et aux couleurs vives volaient autour de moi, de leur vol rapide et sûr. Il y avait aussi une grande quantité d’insectes, aussi bien volant que glissant à la surface de l’eau, comme s’il s’agissait d’une patinoire.

      Je m’arrêtai lorsque j’eus de l’eau jusqu’aux genoux et me mouillai l’ensemble du corps à l’aide des mains. L’effet rafraîchissant de l’eau sur les innombrables piqûres de fourmis, les nombreuses griffures et sur le genou enflammé me produisit

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<p>9</p>

Faune: Fourmis légionnaires, Dorylus sp

<p>10</p>

Faune: Tétra du Congo ou Phénaco, Phenacogrammus interruptus