Corysandre. Hector Malot

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Corysandre - Hector Malot

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est magnifique et parce que d'autres s'occupent d'elle. Et puis, ce qui me touche aussi, mais pour le cas seulement où le prince te paraîtrait pris, c'est de savoir ce que sont ces deux femmes; la fille et la mère; si ce sont vraiment des honnêtes femmes ou bien si ce ne sont pas tout simplement des aventurières qui visent la grosse fortune de Savine. Sur ces deux points: Savine amoureux et madame de Barizel honnête ou aventurière, il me faut des renseignements certains; n'épargne donc rien, je suis décidée à payer le prix.

      De nouveau elle le regarda en appuyant sur ses dernières paroles de façon à les bien enfoncer.

      Pendant quelques minutes M. Houssu resta silencieux, n'ouvrant la bouche que pour manger, ce qu'il faisait consciencieusement avec un bruit de mâchoires régulier comme le tic tac d'un moulin.

      —Si tu m'avais parlé ainsi tout d'abord j'aurais compris; tandis que j'ai été suffoqué, indigné, tu sais, moi, quand il s'agit de l'honneur; le sang ne me fait qu'un tour et je m'emporte; quand on a été soldat, vois-tu, on l'est toujours; et la proposition que tu me faisais ou plutôt que je m'imaginais que tu me faisais n'était pas de celles qu'écoute froidement un soldat, un légionnaire.

      Il se frappa la poitrine, qui résonna comme un coffre.

      —Du moment qu'il s'agit seulement de savoir, continua M. Houssu, si le prince Savine ne poursuit pas un mariage, je suis ton homme, car tu as des droits à faire valoir.

      —Un peu.

      —Et quel autre qu'un père peut mieux les défendre? Puisque l'occasion se présente, je ne suis pas fâché de m'expliquer une bonne fois pour toutes sur ta liaison avec le prince Savine. Si j'ai toléré cette liaison, c'est d'abord parce qu'il faut laisser une certaine liberté à une artiste, et puis c'est parce que j'ai toujours cru à la parfaite innocence de cette liaison, ce qui est bien naturel entre une femme comme toi et un homme comme lui.

      —Tout ce qu'il y a de plus naturel.

      —Eh bien! ton père te tend la main.

      Et, de fait, il la lui tendit, grande ouverte, avec un geste de théâtre.

      —Il fera son devoir, compte sur lui; il saura empêcher ce mariage avec cette Américaine; il saura aider le tien; il saura même... s'il le faut... l'exiger.

      —Contente-toi d'empêcher celui de mademoiselle de Barizel, s'il est vrai qu'il doive se faire.

      —Là-dessus je ne prendrai conseil que de ma conscience de père.

      —Quand peux-tu partir?

      —Tout de suite, si tu veux.

      Mais il se reprit:

      —Demain, après-demain, dans quelques jours.

      —Pourquoi pas ce soir?

      —Tu n'aurais pas dû me faire cette question, mais avec toi il ne faut pas de fausse honte et j'aime mieux te dire qu'avant de partir, il me faut réunir les fonds nécessaires, non seulement à mon voyage, mais encore à l'achat de certaines indiscrétions qu'il me faudra peut-être payer cher.

      —Ce n'est pas ainsi que les choses doivent se passer: le voyage et les indiscrétions, c'est moi qui les paye.

      —Oh! non, pas de ça; pas d'argent entre nous.

      Mais sans lui répondre, elle alla à sa robe et, ayant fouillé dans la poche, elle en tira un petit paquet de billets de banque qu'elle remit à. M. Houssu.

      Celui-ci fit mine de le refuser, mais à la fin il l'accepta.

      —Alors, dit-il, je puis partir ce soir, et dès demain, me mettre en chasse.

      —Tu sais, dit Raphaëlle, pas de roulette, hein!

      —Jouer l'argent de mon enfant!

      —Ne te fâche pas, et finis de déjeuner, que nous fassions un bésigue.

       Table des matières

      M. Houssu avait promis à sa fille de lui écrire dès le lendemain; cependant huit jours s'écoulèrent sans nouvelles.

      —Il a joué, pensa-t-elle, et il n'a pas d'argent pour acheter les indiscrétions de l'entourage de madame de Barizel.

      Elle connaissait son père et savait quel cas on devait faire de ses nobles paroles sur l'honneur et le sentiment paternel: pendant trente ans M. Houssu n'avait eu souci que de vivre aux dépens des femmes qu'il subjuguait par sa belle prestance militaire; puis un jour, ayant eu l'heureuse chance d'être décoré, il s'était tout à coup imaginé qu'il devait mettre un certain accord sinon entre sa vie, au moins entre son langage et sa nouvelle position; de là cette phraséologie qu'il avait adoptée sur l'honneur (dont il se croyait le représentant sur la terre), le devoir, la délicatesse, la fierté, tous sentiments qu'ils connaissait de nom mais sans avoir des idées bien précises sur ce qu'ils pouvaient être; de là aussi son parti pris de paraître ignorer la situation vraie de sa fille et de tout s'expliquer ou plutôt de tout expliquer aux autres par «la liberté d'artiste». Quoi de plus facile à comprendre que sa fille possédât un hôtel aux Champs-Elysées: n'était-elle pas artiste et ne sait-on pas que les artistes gagnent ce qu'elles veulent? Quoi de plus naturel qu'on lui donnât des diamants, des chevaux, des bijoux: n'a-t-on pas toujours comblé les artistes de cadeaux? Chacun applaudit à sa manière, celui-ci les mains vides, celui-là les mains pleines. Malgré cette attitude et le langage qu'il avait adopté, il n'en était pas moins toujours l'homme d'autrefois, c'est-à-dire parfaitement capable «de jouer l'argent de son enfant», comme autrefois il jouait et dépensait l'argent «de celles qu'il aimait».

      Cependant elle se trompait: s'il avait joué et il n'avait eu garde de ne pas le faire dès son arrivée, il avait néanmoins obtenu certaines indiscrétions sur la famille Barizel et le prince Savine; seulement, au lieu de les obtenir rapidement en les payant, il avait été obligé, une fois qu'il avait été ruiné par la roulette, de manoeuvrer avec lenteur et de remplacer par de l'adresse l'argent qu'il n'avait plus; de sorte que ç'avait été après toute une semaine d'attente qu'elle avait reçu la lettre promise, une longue lettre en belle écriture moulée, épaisse et carrée, qu'il avait apprise au régiment et qui lui avait valu la faveur de son major pendant son service.

      «Ma chère fille,

      «Misère et compagnie.

      «Voilà ce que j'ai à te dire de l'Américaine et de sa fille.

      «Une pareille découverte vaut bien les quelques jours d'attente que j'ai eu le chagrin de t'imposer malgré moi, je pense, et tu ne m'en voudras pas d'un retard causé uniquement par les difficultés de ma tâche.

      «Car elle était difficile, je t'en donne ma parole; difficile avec les Américaines, difficile avec le prince.

      «Et de ce côté même assez difficile pour que je ne puisse pas encore répondre d'une façon précise à ta question:—Est-il amoureux? Veut-il se marier?

      «Je suis honteux de ne pouvoir pas te donner encore cette réponse; mais

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