Corysandre. Hector Malot

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Corysandre - Hector Malot

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déjeuner, ça nous ouvrirait l'appétit.

      Sans attendre une réponse, il se mit à déboucher la bouteille de vermouth.

      —Non, dit Raphaëlle, j'aime mieux une absinthe.

      —Il n'y en a plus; nous avons fini le reste hier.

      —Eh bien, on va aller en chercher.

      Tirant une pièce d'argent de son porte-monnaie, elle la tendit à sa mère qui essuyait la vaisselle mélancoliquement dans un coin.

      Madame Houssu se leva et ayant pris une fiole en verre blanc, elle sortit pendant que Raphaëlle défaisant son chapeau et sa robe—une robe de Worth,—les accrochait à un clou, entre deux casseroles.

      —C'est ça, ma fille, mets-toi à ton aise, dit M. Moussu, il fait chaud.

      Mais à ce moment madame Houssu rentra sans la fiole.

      —Et l'absinthe? demanda Raphaëlle.

      —J'ai envoyé la fille de la concierge.

      —Quelle bêtise! elle va licher la bouteille, s'écria Raphaëlle.

      —Allons, ma fille, dit M. Houssu, ne porte pas des jugements aventureux sur cette enfant, à son âge...

      —Avec ça qu'à son âge je n'en faisais pas autant!

      Le feu était allumé, les oeufs étaient battus: l'omelette fut vite cuite; le temps de boire les trois verres d'absinthe, et l'on put se mettre à table: M. Houssu au milieu, les manches de sa chemise retroussées jusqu'aux coudes, le col déboutonné; à sa droite, madame Houssu, correctement habillée; à sa gauche, Raphaëlle, imitant le débraillé paternel et ayant pour tout costume sa chemise et un jupon blanc.

      M. Houssu commença par servir sa fille avec un air triomphant.

      —Goûte-moi ça, dit-il, est-ce moelleux, est-ce soufflé? Tu as eu une fameuse idée de venir déjeuner avec nous.

      —J'ai à te parler.

      —Eh bien, ma fille, parle en mangeant, comme je t'écouterai.

      —Tu as lu ce que les journaux disent du prince?

      —Qu'il allait épouser une jeune Américaine.

      —Il n'y a pas de fumée sans feu; en tout cas l'affaire mérite d'être éclaircie et je compte sur toi pour ça. Tu vas partir pour Bade et m'organiser une surveillance intime, comme tu dis dans tes circulaires, autour du prince Savine et de madame de Barizel, cette Américaine.

      —Moi! ton père!

      —Eh bien?

      —C'est à ton père que tu fais une pareille proposition!

      —A qui veux-tu que je la fasse?

      Vivement, violemment, M. Houssu se tourna vers elle en jetant son épaule gauche en avant par le geste qui lui était familier lorsqu'il voulait mettre sa décoration sous les yeux d'un client qu'il fallait éblouir.

      —Tu ne parlerais pas ainsi, s'écria-t-il en frappant sa chemise de sa large main velue, si le signe de l'honneur brillait sur cette poitrine.

      —Puisqu'il n'y brille pas, écoute-moi et ne dis pas de bêtises. On raconte que Savine va se marier. S'il est quelqu'un que cela intéresse, c'est moi, n'est-ce pas?

      M. Houssu toussa sans répondre.

      —Dans ces conditions, continua Raphaëlle, il faut que je sache à quoi m'en tenir, et comme je ne peux pas aller à Bade voir par moi-même comment les choses se passent, je te demande de me remplacer.

      —Moi, l'auteur de tes jours?

      —Encore, s'écria Raphaëlle, impatientée, tu m'agaces à la fin en nous la faisant à la paternité. En voilà-t-il pas, en vérité, un fameux père qui abandonne sa fille pendant vingt ans, c'est-à-dire quand elle avait besoin de lui, et qui ne s'occupe d'elle que quand elle commence à sortir de la misère, c'est-à-dire quand il voit qu'il peut avoir besoin d'elle et qu'elle est en état de l'obliger.

      M. Houssu s'arrêta de manger, et, repoussant son assiette, il se croisa les bras avec dignité.

      —Si c'est pour le jambon de Reims que tu dis ça, s'écria-t-il, c'est bas; nous aurions mangé notre omelette, ta mère et moi, tranquillement, amicalement, comme mari et femme; nous n'avions pas besoin de tes cadeaux, tu peux les remporter. Si je mangeais maintenant une seule bouchée de ton jambon, elle m'étoufferait.

      Du bout de sa fourchette, il piqua les morceaux de jambon; puis, après les avoir poussés sur le bord de son assiette, il se mit à manger les oeufs stoïquement, sous les yeux de sa femme, qui n'osait pas soutenir sa fille comme elle en avait envie, de peur de fâcher ce bel homme, qu'elle s'imaginait avoir reconquis depuis qu'il l'avait épousée.

      Pendant quelques minutes le silence ne fut troublé que par le bruit des couteaux et des fourchettes, car cette altercation qui venait de s'élever entre le père et la fille ne les empêchait ni l'un ni l'autre de manger.

      La première, Raphaëlle, reprit la parole:

      —Allons, père Houssu, dit-elle d'un ton conciliant, tout ça c'est des bêtises; ne laisse pas ton jambon refroidir, il ne vaudrait plus rien; mange-le en m'écoutant et tu vas voir que je n'ai jamais eu l'intention de te rien reprocher.

      —Si c'est ainsi...

      —Puisque je te le dis.

      Ramenant vivement les tranches de jambon dans son assiette, il en plia une en deux et la porta à sa bouche.

      —Je reprends maintenant mon affaire, continua Raphaëlle. En voyant que l'on persistait à parler du mariage de Savine avec cette Américaine, j'ai pensé que tu pourrais aller à Bade et que tu verrais ce qu'il y avait de vrai là-dedans. Personne ne peut faire cela mieux que toi. Est-ce que ça ne rentre pas dans ton métier? Que la scène se passe à Bade ou à Paris, c'est la même chose; seulement, tu auras peut-être plus de mal là-bas, en pays étranger, que tu n'en aurais à Paris, où tu es chez toi.

      —Ça c'est sûr.

      —Aussi les prix de Bade ne peuvent-ils pas être ceux de Paris. Cela ne serait pas juste.

      Elle fit une pause et le regarda, mais sans affectation. Il parut ne pas remarquer ce regard, qui était plutôt une affirmation qu'une interrogation, et il continua de manger.

      —Ce que tu auras à faire, poursuivit Raphaëlle, je n'ai pas à te l'indiquer, c'est ton métier et il me semble qu'il est plus facile d'observer un homme comme Savine, qui vit au grand jour, en représentation, comme si le monde était un théâtre sur lequel il doit se faire applaudir, que de suivre à la piste une femme qui se cache de son mari ou une maîtresse qui se défie de ses amants.

      —On a des moyens à soi, dit M. Houssu sentencieusement.

      —Enfin c'est ton affaire; moi, ce qui me touche, c'est de savoir si véritablement Savine est amoureux de mademoiselle

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