Dictionnaire raisonné des onomatopées françaises. Charles Nodier

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Dictionnaire raisonné des onomatopées françaises - Charles  Nodier

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laitage, etc.; et dans les épithètes qui ordinairement accompagnent ces noms, tels que pesante, champêtre, laborieux, grasse, agreste, frais, délectable, etc. Cette observation tombe avec la même justesse sur tous les idiomes connus. La lettre a ayant été découverte la première, comme étant la première émission naturelle de la voix, les hommes, alors pasteurs, l'ont employée dans tous les mots qui composaient le simple dictionnaire de leur vie. L'égalité de leurs mœurs et le peu de variété de leurs idées, nécessairement teintes des images des champs, devaient aussi rapeler le retour des mêmes sons dans le langage. Le son de l'a convient au calme d'un cœur champêtre et à la paix des tableaux rustiques. L'accent d'une ame passionnée est aigu, sifflant, précipité; l'a est trop long pour elle: il faut une bouche pastorale qui puisse prendre le temps de le prononcer avec lenteur. Mais toutefois il entre fort bien encore dans les plaintes, dans les larmes amoureuses, et dans les naïfs hélas d'un chévrier. Enfin, la nature fait entendre cette lettre rurale dans ses bruits, et une oreille attentive peut la reconnaître diversement accentuée, dans les murmures de certains ombrages, comme dans celui du tremble et du lière, dans la première voix ou la finale du bêlement des troupeaux, et la nuit dans les aboiemens du chien rustique.»

      L'Onomatopée est d'un grand secours aux poëtes, puisqu'elle est comme l'ame de l'harmonie pittoresque et de la poésie imitative.

      Quels qu'ils soient, aux objets conformez votre ton.

       Ainsi que par les mots exprimez par le son.

       Peignez en vers légers l'amant léger de Flore.

       Qu'un doux ruisseau murmure en vers plus doux encore.

       Entend-on d'un torrent les ondes bouillonner?

       Le vers tumultueux en roulant doit tonner,

       Que d'un pas lent et sourd le bœuf fende la plaine,

       Chaque syllabe pèse, et chaque mot se traîne.

       Mais si le daim léger bondit, vole et fend l'air,

       Le vers vole et le suit aussi prompt que l'éclair,

       Ainsi de votre chant la marche cadencée

       Imite l'action et note la pensée.

      On voit qu'indépendamment des Onomatopées nombreuses qu'a employées le poëte, il a trouvé un autre moyen d'harmonie dans le concours heureux de certains mots choisis, qui sans être imitatifs par eux-mêmes, produisent cependant une imitation parfaite.

      Que d'un pas lent et lourd le bœuf fende la plaine.

      Ce vers, par exemple, est composé de monosyllabes durs et heurtés qui représentent très-bien la marche du bœuf, et qui la notent exactement à l'oreille.

      Tout le monde se rappelle cet admirable passage de Boileau, dans le poëme du Lutrin:

      Ses ais demi pourris que l'âge a relâchés

       Sont à coup de maillet unis et rapprochés.

       Sous les coups redoublés tous les bancs retentissent;

       Les murs en sont émus, les voûtes en mugissent,

       Et l'orgue même en pousse un long gémissement.

       Que fais-tu, chantre, hélas! dans ce triste moment?

       Tu dors d'un profond somme.

      Cet hémistiche ne le cède en rien au procumbit humi bos de Virgile.

      Ces exemples ne sont pas rares chez les Latins, et sur-tout dans ce dernier poëte. Il n'est personne qui n'ait entendu citer ces vers d'une si riche harmonie:

      Tum ferri rigor atque argutæ lamina serræ.

      Quadrupedante putrem sonitu quatit ungula campum.

      Necdum etiam audierant inflari classica, necdum

       Impositos duris crepitare incudibus enses.

      Luctantes ventos, tempestatesque sonoras.

      Continuò ventis surgentibus, aut freta ponti.

       Incipiunt agitata tumescere, et aridus altis

       Montibus audiri fragor, aut resonantia longè

       Littora misceri, et nemorum increbrescere murmur.

      On est même parvenu à exprimer les différentes passions de l'ame, au moyen de la seule prosodie.

      Ses gardes affligés

       Imitaient son silence autour de lui rangés:

       Il suivait tout pensif le chemin de Mycènes,

       Sa main sur ses chevaux laissait flotter les rênes;

       Ces superbes coursiers qu'on voyait autrefois

       Pleins d'une ardeur si noble obéir à sa voix,

       L'œil morne maintenant et la tête baissée

       Semblaient se conformer à sa triste pensée.

      Et dans Virgile:

      Extinctum Nymphæ crudeli funere Daphnim

       Flebant.

      Mais autant ces belles combinaisons sont agréables et ingénieuses, autant est misérable l'abus qu'on en a fait quelquefois, et principalement de nos jours. Puisqu'on a osé reprocher à Racine un emploi trop recherché de l'Onomatopée dans certains vers d'Andromaque et de Phèdre, que doit-on penser, en effet, de ces poëmes descriptifs devenus si communs, et qui ne sont, à dire vrai, qu'un entassement laborieux d'expressions étudiées? Cette affectation est tout-à-fait indigne d'un vrai poëte, et le résultat de tant d'efforts minutieux n'est bon qu'à augmenter le nombre de ces nugæ difficiles si méprisées des gens de goût. Il me serait trop aisé de montrer à quel point on a porté récemment ce travers d'esprit, et ce que j'en dirais ne serait peut-être pas sans utilité; mais qu'il me suffise de rappeler la description de l'alouette, par Dubartas, qui est le prototype de toutes les sottises qu'on a faites dès-lors en ce genre.

      Je ferai la même observation sur les mots purement factices que des auteurs peu délicats dans le choix des termes, ont cru pouvoir créer pour exprimer des sons qu'ils ne savaient pas imiter autrement. Si une pareille fantaisie était de nature à devenir contagieuse, la langue serait bientôt inondée d'onomatopées barbares, et n'offrirait plus qu'une suite de cacophonies intolérables. Le vers macaronique, qui peint les éclats de l'escopette, et le taratantara d'Ennius sont de cette espèce; mais il n'y a rien de comparable, parmi les abus de l'harmonie imitative et du langage factice, au breke ke koax de J.-B. Rousseau. Il est d'ailleurs important de remarquer qu'il n'est donné qu'aux poëtes d'un grand talent d'employer heureusement les effets d'une harmonie rauque et pénible. On ne choque impunément l'oreille, qu'autant qu'il le fallait pour ajouter à la force et à l'éclat de la pensée. Ce sont de ces licences qui veulent être justifiées par le succès, et qu'on ne pardonne qu'en faveur de l'impression qu'elles produisent.

      Je

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