L'américaine. Jules Claretie
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Cette pendule que M. de Solis regardait, semblait aussi dire, en sa langue de fer: Go ahead! et de son pilon où la lumière du dehors accrochait des reflets d'acier, écraser ce que Richard Norton appelait les «fantômes du sentiment».
—Ce que vous me dites ne m'étonne pas, fit le marquis. Il y a tout une façon d'envisager la vie dans votre pendule, mon cher Norton. Elle ne marque pas le temps, elle l'écrase!... Les Hollandais, qui étaient cependant des gens pratiques, donnaient à leurs horloges une poésie qui sentait le rêve.... Ils montraient les bateaux oscillant à chaque seconde, les moulins tournant, éperdus, de minute en minute, des pêcheurs tirant au bout d'une ligne en fer-blanc quelque poisson argenté, et la lune, la pâle lune se levant sur des paysages fantastiques et presque chinois, comme on en voit à Saardam.... Mais c'était, ces paysages, et ces maisonnettes, pour les pauvres gens enfermés dans leur maisonnette, auprès du Zuyderzée gelé, une fenêtre ouverte sur l'idéal; et, dans la fumée de leur pipe, ils revoyaient leur passé ou leurs voyages, tandis que doucement, régulièrement, le tic tac du balancier berçait leurs songeries, silencieuses comme un bon sommeil.... Vous, vous faites de vos pendules des mortiers pilons ou des roues mécaniques.... Et en regardant ce marteau qui tombe et remonte, et retombe et monte encore, pour retomber toujours, je pense instinctivement à tout ce qu'il y a de supprimé, d'aplati et de lourdement assommé dans la vie moderne. Je crois qu'il faut parer les pendules—ces marqueuses du temps qui fuit—comme il faut parer les tombeaux, pour nous mieux masquer la mort sous la poésie et sous les fleurs.
—Et moi, dit Norton, je crois et je vous le répète, qu'il faut montrer et célébrer la vie, telle qu'elle est, comme elle est, avec ses vérités, ses âpretés, ses pilons de toutes sortes, pour la brasser, la dompter et la faire aimer!
Le marquis, assis, regarda un moment cet homme taillé comme dans le cœur d'un chêne et qui, debout, ses larges mains posées sur la cheminée, le contemplait avec une expression à la fois joyeuse et pleine de défi—de défi contre le sort.
—Allons, dit M. de Solis, je vois que si vous méprisez si fort le rêve, c'est que vous avez probablement trouvé la réalité du bonheur.
—J'avoue que je serais ingrat de me plaindre. Et pourtant!...
—Pourtant? demanda le marquis.
Le front dur, osseux, de Norton, se plissa comme sous une pensée de mélancolie.
—Mon pauvre ami, dit l'Américain, tout le monde a ses peines... ses inquiétudes.... Je vous faisais allusion aux miennes, tout à l'heure.... J'ai trouvé, moi, qui n'avais et n'ai point l'air—n'est-ce pas?—d'un héros de roman, la créature idéale et à la fois la meilleure des femmes. J'ai épousé une jeune fille qui est vraiment—vous l'avez peu vue, mais vous la connaissez—une âme d'élite tout à fait supérieure.... Je l'aime du plus profond de mon cœur.... Je donnerais en bloc tout ce que je possède pour la voir seulement sourire, et je me mettrais ensuite vaillamment à la besogne pour lui regagner un luxe nouveau.... Eh bien, cher, tout ce bonheur, tout ce semblant de parfaite félicité qui, certainement, pour les gens qui ne me connaissent pas, pour les quémandeurs, les exploiteurs, les indifférents, les conseilleurs, les reporters qui parlent, à m'en agacer, du richissime Norton—Richard souriait—toutes les jouissances apparentes qui, pour les Parisiens, font de moi un être privilégié du sort, enviable à tous les points de vue—tout cela, Solis, cette chance même dont je remercie le sort, ne tient pas devant cette vérité brutale: je suis inquiet, je suis attristé... et, au fond, tout au fond de l'âme, voulez-vous que je vous le dise? malgré mon amour de la lutte et du travail, et de tout ce qui est la vie, la vraie vie, la vie utile, robuste, généreuse, eh bien! voilà, mon cher: je ne suis pas heureux!
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