Expériences et observations sur l'électricité faites à Philadelphie en Amérique. Бенджамин Франклин

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Expériences et observations sur l'électricité faites à Philadelphie en Amérique - Бенджамин Франклин

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multipliant, à son exemple, les expériences & les observations dans des vûes nouvelles, on parviendra un jour à pénétrer un mystère qui n'importe peut-être pas moins à l'utilité commune qu'à la la curiosité de l'esprit. On y arrivera même d'autant plus vite & plus sûrement, qu'on se hâtera moins de hazarder des systèmes. On n'a pas encore assez de faits sur ce sujet pour qu'il soit permis d'y joindre des hypothèses.

      Mais il ne suffit pas de s'attacher uniquement à la voye de l'expérience, à moins que d'être, comme notre auteur, fécond en moyens, ingénieux en découvertes & heureux en applications; il ne faut pas, comme tant d'autres Physiciens sans génie, se permettre de tirer des inductions qui ne sont ni justes ni naturelles, déduire des conséquences qui ne sont fondées que sur des suppositions vagues & étrangères au sujet. Il faut au contraire dans une matière aussi nouvelle que l'est celle-ci, se contenter de considérer les faits sous de nouveaux points de vûe, pour tâcher de les généraliser & d'en former un ordre systématique & suivi. C'est ce qu'a fait M. Franklin. Instruit, par exemple, des effets surprenans de la bouteille électrique, le premier objet qu'il s'est proposé, a été d'examiner comment elle acquiert la vertu électrique, comment elle la conserve, quoiqu'on la touche, & comment elle la communique. Ayant toujours l'expérience & l'observation pour guides, il a bientôt reconnu que l'électricité est inhérente & inséparable de la matière: que le verre en contient autant qu'il en peut contenir, & toujours la même quantité: qu'électriser la bouteille, ce n'est pas y faire entrer plus de matière électrique qu'elle n'en avoit auparavant, mais accumuler sur une de ses surfaces autant de cette matière qu'il y en a dans les deux surfaces ensemble, ce qui ne se fait que parce que l'une en rejette précisément la même quantité que l'autre en reçoit: que les deux surfaces de la bouteille électrisée sont toujours prêtes l'une à rendre ce qu'elle a de plus, & l'autre à recevoir ce qu'elle a de moins que sa quantité naturelle: qu'elles ne peuvent le faire l'une sans l'autre: que l'équilibre ne sçauroit se rétablir entr'elles par la communication intime de l'une à l'autre, mais seulement par une communication extérieure non électrique: qu'ainsi la bouteille reste chargée tant que cette communication extérieure n'est pas établie, & qu'enfin l'électricité ne sçauroit être communiquée par la bouteille, qu'autant que cette bouteille reçoit par une voye la même quantité de matière électrique qu'elle donne par l'autre.

      Ces premières connoissances ont conduit notre auteur à trouver les moyens de faire paroître l'électricité de deux manières tout-à-fait opposées, l'une en augmentant l'électricité naturelle dans les corps que nous nommons non-électriques, & il appelle cette augmentation électricité positive; l'autre en diminuant l'électricité naturelle; il nomme celle-ci négative. De là sont venus les termes nouveaux électriser en plus, électriser en moins, dont les significations répondent assez bien à celles qu'ils ont dans l'algèbre.

      L'analyse de la bouteille électrique à achevé de confirmer M. Franklin dans l'opinion où il étoit dès auparavant que l'électricité dans cette bouteille est attachée au verre précisément comme verre, & que les corps non-électriques qu'on y ajoute ne servent que, comme l'armure d'une pierre d'aimant, à unir les particules de la matière électrique surabondante, & à les tenir rassemblées sur l'une des surfaces du verre, étant toujours prêtes à s'échapper par le premier endroit où elles trouveroient passage pour aller à l'autre. En conséquence de ces découvertes; il a imaginé quantité d'autres expériences dont l'enchaînement & le résultat sont la confirmation des premières & l'apologie de son jugement. Néanmoins quelques justes que soient ses idées, quoiqu'elles soient toutes appuyées sur des faits, l'auteur ne les propose que comme des conjectures, & l'on verra que sa modestie est égale à sa pénétration. Mais ce seroit s'écarter de la retenuë dont il donne l'exemple, que de chercher à faire valoir son mérite par des louanges dont il n'a pas besoin, & qui ne pourroient être que suspectes de la part d'un traducteur. Il vaut mieux le laisser lire & s'en rapporter au jugement du public.

      Le pays qu'abite M. Franklin est des plus favorables pour les expériences électriques; autant les chaleurs y sont excessives en été, autant le froid y est rigoureux en hyver; l'on passe subitement de l'un à l'autre sans presque s'appercevoir ni de la douceur du printems, ni de la température de l'automne. Le vent sud ou nord amène les deux saisons opposées; mais dans l'une & dans l'autre on y jouit presque toujours du plus beau ciel. Les nuages épais y dérobent rarement la vûe du soleil & des étoiles: les pluyes n'y sont jamais de longue durée, & les brouillards y sont presque inconnus. Ainsi la sécheresse du tems & la froideur du vent du nord contribuent beaucoup à y rendre plus sensibles la force & les effets de l'électricité. On en trouvera des preuves incontestables dans plusieurs endroits cet ouvrage. Malgré la différence de climat, je n'ai pas voulu publier cette traduction, sans avoir du moins essayé de répéter les expériences qui y sont rapportées; après avoir parfaitement réussi à faire celles que j'ai jugées les plus intéressantes & les plus difficiles dans l'exécution, quelques-unes m'ont paru mériter que j'en fisse hommage à l'Académie Royale des Sciences. Je lui rendis compte le 22. Décembre 1751. de mon succès dans les expériences du tableau magique & de la fusion des métaux; j'y fis voir des lames de verre sur lesquelles on distinguoit aisément l'or, l'argent, le cuivre & l'étain que l'électricité avoit par sa violence incorporés dans la substance même du verre. J'avois employé pour me procurer le puissant dégré d'électricité nécessaire, une bouteille de verre blanc & mince tenant environ deux pintes dont j'avois fait argenter extérieurement le fond jusqu'au milieu de sa hauteur, & j'y avois mis à peu près quinze livres de menu plomb bien sec. Ces métaux sont sur ces lames dans un état de vitrification, inattaquables à l'eau forte & à l'eau régale, suivant les épreuves que j'en avois faites auparavant d'après les assurances de M. Franklin. Enfin ces expériences aussi bien que beaucoup d'autres, avoient si pleinement satisfait à mes désirs, eu égard au tems, à la saison & au climat, qu'elles ne laissoient nullement lieu de douter de la certitude de celles que je n'avois pas encore tentées.

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