Expériences et observations sur l'électricité faites à Philadelphie en Amérique. Бенджамин Франклин
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Otto de Guerike avoit pour contemporain & pour émule le fameux Boyle à qui nous avons obligation d'un si grand nombre de belles découvertes. Ce dernier chercha & trouva la vertu électrique dans un grand nombre de corps où Gilbert ne l'avoit point cherchée, & dans quelques-uns de ceux où il l'avoit cherchée inutilement. Pour éprouver si l'air avoit quelque part à l'électricité, il suspendit dans une fiole au-dessus d'un corps léger un morceau d'ambre-jaune excité à l'électricité; ayant ensuite pompé l'air de la fiole, il laissa descendre l'ambre-jaune près du corps léger, qui fut attiré. Il reconnut par-là que la vertu électrique une fois excitée se conserve dans le vuide, & que son action ne dépend point de l'air.
M. Boyle avoit fait beaucoup de recherches sur les corps qui donnent de la lumière dans l'obscurité, en particulier sur le ver luisant; y ayant emprunté un diamant qu'on disoit avoir la propriété d'être lumineux dans les ténèbres, il observa que ce diamant étant frotté dans l'obscurité contre quelqu'étoffe que ce fût, devenoit en effet non-seulement lumineux, mais encore électrique, comme l'avoit observé Gilbert. Il reconnut bientôt les mêmes propriétés dans plusieurs autres.
L'Électricité resta long-tems négligée après Boyle; mais les grandes découvertes de Newton sur les propriétés de la lumière & sur le système de l'attraction engagèrent vraisemblablement Hauksbée de la Société Royale de Londres à faire des recherches sur les mêmes sujets & sur l'électricité. Ayant inventé une machine pour faire tourner rapidement un corps sous le récipient de la machine pneumatique, il s'en servit pour faire frotter dans le vuide un morceau d'ambre jaune contre de la laine. Ce frottement produisit une lumiére beaucoup plus vive que le même frottement dans l'air; après l'opération l'ambre jaune, aussi bien que la laine lui parurent un peu brûlés.
On avoit sans doute remarqué que de tous les corps électriques, le verre est un de ceux en qui le frottement excite une plus forte électricité. Hauksbée s'avisa d'employer dans ses expériences un tube ou cylindre creux de verre. En le frottant rapidement dans sa main, un papier entre-deux, il le rendoit électrique, & faisoit par son moyen toutes les expériences qu'Otto de Guerike avoit faites avant lui avec un globe de soufre. Il observa de plus qu'un tube dont on a pompé l'air, ne s'électrise que très-foiblement, & que si on y laisse rentrer l'air il acquiert beaucoup d'électricité sans être frotté de nouveau. Quand on frotte un tube dans l'obscurité, une lumière fuit la main qui frotte, & si l'on approche de ce tube ainsi excité une autre main, ou quelqu'autre corps, comme du métal, de l'yvoire, du bois, &c. il en sort une étincelle accompagnée d'un bruit assez semblable au pétillement d'une feüille verte jettée au feu, mais moins fort. Quand on frotte le tube vuide d'air, la lumière est plus vive, mais toute dans son intérieur, & l'on n'en peut tirer d'étincelle.
Hauksbée imagina aussi de faire tourner sur son axe un globe creux de verre par le moyen d'une rouë & d'une corde qui passe sur la circonférence de cette rouë & sur une poulie fixée sur l'axe du globe. Il excita l'électricité en frottant ce globe, mais il n'en tira pas de plus grands effets que de son tube. L'électricité qui jusques-là ne s'étoit manifestée que par le frottement, Hauksbée la découvrit dans une substance qui n'avoit point été frottée; il remarqua que si on laisse refroidir de la résine qui a été fondüe, & que, si, avant qu'elle soit tout-à-fait refroidie, on en approche du cuivre en feüilles, elle l'attire à la distance d'un pouce ou deux, sans aucun frottement précédent.
M. Gray continua avec succès les recherches électriques de Boyle & de Hauksbée; ayant voulu éprouver s'il y avoit quelque différence dans l'attraction du tube lorsqu'il étoit bouché par les deux bouts & lorsqu'il ne l'étoit pas, il n'en apperçut aucune; mais comme il tenoit une plume ou duvet au-dessus du bouchon de liége dont le bout supérieur du tube étoit bouché, il remarqua que cette plume étoit attirée & ensuite repoussée par le liége de la même manière qu'elle a coutume de l'être par le tube. Cette observation le confirma dans une pensée qu'il avoit euë autrefois, que, comme le tube frotté dans l'obscurité communique de la lumière aux autres corps par l'attouchement, il pouvoit bien aussi leur communiquer de l'électricité. Le liége effectivement n'avoit cette vertu attractive que par communication du tube excité à l'électricité. Il s'en assura encore d'une autre façon: ayant fixé au bout d'un bâton de sapin d'environ quatre pouces de long une boule d'yvoire d'un peu plus d'un pouce de diamètre, il enfonça l'autre bout du bâton dans le bouchon de liége: ayant ensuite frotté le tube, il vit avec plaisir que la boule attiroit & repoussoit le duvet avec plus de force que n'avoit fait le liége. Il répéta cette expérience avec des bâtons plus longs & enfin avec un de vingt-quatre pouces, & trouva toujours les mêmes effets.
Au lieu de bois M. Gray se servit dans la suite d'un fil de fer, puis d'un fil de laiton, & eut encore le même succès; mais comme les vibrations de ces fils de fer, & de laiton, causées par le frottement du tube, étoient incommodes, surtout lorsque les fils étoient longs de deux ou trois pieds, il imagina de suspendre la boule à l'extrémité d'une ficelle nouée au tube par son autre extrémité; étant sur un balcon élevé de trente-six pieds, il laissa pendre la boule ainsi attachée au tube par le moyen d'une ficelle de cette longueur; le tube étant frotté, la boule attira & repoussa du cuivre en feuilles qui étoit au-dessous d'elle.
M. Gray essaya ensuite de transmettre en ligne horizontale l'électricité à de bien plus grandes distances; il y réussit d'abord en se servant pour cela d'une ficelle soutenuë horizontalement à quelque distance de terre sur des fils de soye, & transmit l'électricité à cent quarante pieds; mais comme il vouloit pousser plus loin son expérience, les fils de soye s'étant rompus, il leur substitua des fils-d'archal de la même finesse; car il s'imaginoit que le succès de l'expérience dépendoit de la finesse de ces fils, qu'il croyoit trop minces pour pouvoir intercepter une partie sensible de la force électrique communiquée par le tube à la ficelle & à la boule. Quand il vint à frotter le tube, l'électricité ne fut point transmise à l'extrémité de la ficelle. Il reconnut de là que le succès de la première expérience ne venoit pas de la finesse des fils de soye, puisque les fils-d'archal de la seconde étoient aussi minces, mais qu'il venoit de la nature même de la soye. Instruit par ce contre-tems M. Gray vint depuis à bout de transmettre l'électricité à une distance de sept cens pieds.
Il découvrit encore que la communication de l'électricité pouvoit se faire par la seule approche du tube, sans qu'il touchât le corps auquel on vouloit la communiquer. Ayant suspendu horizontalement un enfant sur des cordons de crin, en approchant de ses pieds le tube bien frotté, il l'électrisa au point que son visage & ses mains attirèrent des feüilles de cuivre. Il plaça cet enfant debout sur deux pains de résine d'environ huit pouces de diamètre & deux pouces d'épaisseur, un sous chaque pied. Ayant ensuite approché le tube bien frotté des cuisses de l'enfant, ses mains attirèrent & repoussèrent alternativement des feüilles de cuivre que l'on avoit mises au-dessous.
Mr. Dufay de l'Académie Royale des Sciences, informé des découvertes de M. Gray, se mit aussi à travailler sur l'électricité. Après un nombre infini d'expériences dont on n'indiquera que les principales, il nous a appris qu'il n'y a point de corps, à l'exception des métaux & des animaux qui ne soit