Expériences et observations sur l'électricité faites à Philadelphie en Amérique. Бенджамин Франклин

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Expériences et observations sur l'électricité faites à Philadelphie en Amérique - Бенджамин Франклин

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que l'on pût trouver une mesure exacte des forces de l'électricité. L'on a reconnu que sa conjecture étoit hazardée. Quand on n'auroit pas l'ingénieux instrument que MM. d'Arcy & le Roy ont inventé & exécuté pour mesurer la force de l'électricité, auquel ils ont pour cette raison donné le nom d'Électromètre, 8 on trouveroit dans les expériences de M. Franklin de quoi y suppléer. Cet auteur a donné (Lettre V. §. 55. & 56.) la description de deux fortes de rouës électriques qui, quoiqu'elles n'ayent pas été imaginées à cette intention, peuvent être regardées comme d'excellens Électromètres. Il fait servir dans chacune de ces machines la seule vertu attractive de l'électricité de deux manières différentes activement & passivement. Ces deux effets se succèdant alternativement contribuënt également au mouvement circulaire des rouës. Il seroit inutile d'en rapporter ici la construction & le détail que l'on trouvera tome premier, pag. 172-183. Il suffit de dire que ces rouës sont mises en mouvement par la seule force de l'électricité, & qu'elles font chacune sur leur axe plus ou moins de révolutions, à proportion que ces rouës ou les bouteilles sont plus ou moins chargées d'électricité. Ainsi sans être, comme le dit M. Bose audaculus & [Grec: achômerutos], on pourra assurer que tel ou tel degré de force électrique est double, triple, quadruple de tel ou tel autre. Quel privilège lui paroissoit avoir l'électricité, pour être la seule chose physique qui ne fût pas soumise à l'empire du calcul?

      Ainsi depuis l'expérience de M. Cuneus vulgairement appellée expérience de Leyde, les connoissances sur l'électricité ont plus fait de progrès qu'elles n'en avoient fait auparavant. Les Physiciens ont travaillé & travaillent sans relâche à ajouter aux découvertes qui ont été faites sur ce sujet. Les uns, sans songer que la matière n'est point encore assez préparée, & qu'il n'y a pas encore assez de faits connus, font tous leurs efforts pour pénétrer les mystères de l'électricité & pour en expliquer la nature; d'autres s'appliquent à lui chercher de nouvelles propriétés, & pour cela s'en tiennent modestement aux expériences, d'autres enfin en proposant leurs conjectures, font voir des rapports évidens entre les phénomènes les plus communs des météores & ceux de l'électricité.

      M. Franklin, sans prétendre à la première de ces classes, occupe une place de distinction dans les deux dernières avec les Physiciens qui se sont le plus avancés dans cette carrière; mais il les laisse bien loin derrière lui. Une seule des découvertes qu'il a faites dans cette nouvelle terre, suffira pour donner une idée de la sagesse, de la grandeur & de la finesse de ses vûes. Étant venu à bout de fondre, & même de vitrifier les métaux d'un coup d'électricité, il compare ce phénomène avec un effet tout semblable du tonnerre; c'est celui de fondre l'argent dans une bourse & une lame d'épée dans le fourreau. Conduit par cette observation & par une infinité d'autres rapprochées avec sagacité, il découvre une analogie surprenante entre l'électricité & la foudre: il fait voir par des raisons solides que le feu électrique & le feu du ciel sont le même élément bien différent du feu commun, quoiqu'il puisse le produire. Celui-ci ennemi de l'eau ne subsiste que dans l'air libre, & n'agit que par sa chaleur; celui-là au contraire s'unit à l'eau, se maintient dans le vuide, & opère sans chaleur. Il y a beaucoup d'apparence que c'est le véritable feu élémentaire, dont le feu commun n'est que l'image imparfaite.

      Convaincu lui-même par la force de ses preuves, sans pourtant en être ébloüi, notre auteur développe en conséquence la nature & la formation du plus redoutable des météores. Se rappellant ensuite le pouvoir admirable qu'ont les pointes de tirer imperceptiblement le feu électrique des corps où il se trouve dans un mouvement actuel, & profitant adroitement de cet avantage, il va jusqu'à indiquer des moyens par lesquels on pourroit dissiper le tonnerre, & par-là nous garantir de ses funestes effets.

      En suivant les principes de M. Franklin que je me suis rendus propres, en examinant ses observations que j'ai répétées & approfondies, en déférant à ses conjectures auxquelles j'ai ajouté les miennes, en joignant à ses probabilités celles que j'ai recueillies d'ailleurs, en un mot en entrant dans toutes ses vuës, je me suis persuadé que la matière du tonnerre devoit être la même que celle de l'électricité. Le feu S. Elme & la lumière que l'on aperçoit sur des pointes métalliques à l'approche des orages, celle entr'autres dont il est dit dans les Commentaires de César, eâdem nocte quintæ legionis pilorum cacumina suâ sponte arserunt, m'ont semblé être la même chose que l'aigrette que montre une pointe dans les expériences électriques. Enfin mes réflexions m'avoient tellement affermi dans cette opinion, que quand même le succès n'eût pas répondu à mon attente, je n'aurois pû y renoncer. Il s'agissoit d'en avoir une confirmation tirée de l'expérience; je ne fus pas long-tems à l'attendre.

      Après avoir fait dresser en Avril 1752. l'appareil dont on trouvera la description dans le second tome de cet ouvrage pag. 67. & suiv. Il arriva le 10. Mai suivant un orage qui auroit pleinement satisfait à tous mes désirs, si j'avois pû être témoin occulaire des observations qui s'y firent en mon absence. Ceux à qui j'avois laissé le soin de mon expérience avec les instructions nécessaires, virent l'électricité naturelle & furent les premiers à recueillir le feu du ciel. La nouvelle m'en fut apportée dès le soir même, & j'en rendis compte deux jours après à l'Académie Royale des Sciences. La plupart des Membres de cette célèbre Compagnie eurent la politesse de me faire compliment sur mon mémoire & de m'assurer que jamais il n'en avoit paru aucun qui eût été écouté avec autant d'attention ni aucune expérience dont le rapport eût donné autant de satisfaction; elle prit dès-lors le nom du lieu de sa naissance, & un Physicien des plus renommés vaincu par des observations générales ne put s'empêcher de publier quelque tems après que l'expérience de Marly-la-Ville, de même que celle de Leyde, feroit époque dans l'histoire de l'électricité.

      Le bruit de cette découverte se répandit bientôt dans toute l'Europe & même dans toute la terre. L'expérience fut répétée avec le même succès dans tous endroits où elle fut tentée. On imagina des moyens fort ingénieux pour dresser en l'air des pointes métalliques, & pour les faire communiquer dans les appartemens sans rien perdre de la matière dont elles se chargeroient; la petite sonnerie qu'on y ajoûta, est l'expédient le plus simple & le plus sûr pour être averti en tous tems de la présence de cette matière & de l'approche des nuages qui en occasionnent l'apparition. Le carillon procure encore un autre avantage plus important dont nous allons parler.

      Les précautions que j'avois prises pour me garantir de tout accident fâcheux dans la première tentative de cet expérience, ne touchèrent pas sans doute également tous ceux qui entreprirent de la répéter. Le malheur d'un célèbre Professeur de Physique à Petersbourg montra en même tems combien il est dangereux de les négliger, & combien en général nous devons être redevables à ceux qui ont cherché à étendre nos connoissances par les premiers essais des choses.

      Les relations de la mort de M. Richman qui furent mises dans les nouvelles publiques de 1753. nous ont bien appris qu'il avoit été tué d'un coup d'électricité naturelle; mais on ignore si le tonnerre est réellement tombé sur son appareil électrique, ou s'il n'a été frappé que par l'explosion de la matière dont sa barre de fer trop bien isolée se trouva surchargée. L'exemple de ce qui est arrivé à plusieurs autres en pareilles circonstances, me fait pancher vers ce dernier sentiment. Dans l'un & l'autre cas; sans cesser de plaindre son malheur, je ne puis en attribuer la cause qu'à son défaut d'attention & de précaution. S'il y eût eu une décharge métallique à un ou deux pouces de l'appareil, elle en auroit reçu la matière électrique surabondante, & n'y en auroit laissé qu'autant qu'il en falloit pour faire les expériences nécessaires, & jamais assez pour frapper à une distance de quatre pouces, qui est celle où l'on dit que M. Richman a reçu le coup fatal. Le carillon dont nous avons parlé

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