Création et rédemption: Le docteur mystérieux. Alexandre Dumas

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Création et rédemption: Le docteur mystérieux - Alexandre Dumas

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à marquer la configuration intérieure du corps de logis, on ne voyait encore rien du château, rien que cette masse puissante et monolithe dont la mélancolie plombait sur les hommes et les animaux mêmes.

      Dans cette première cour, l'herbe poussait entre les cailloux; des instruments de labour étaient négligemment jetés çà et là, et quelques canards muets barbotaient dans l'eau stagnante et huileuse des fossés.

      Telle était la physionomie ordinaire du château de Chazelay. Mais, au moment où Jacques Mérey, suivi des deux hommes du château, pénétra dans la cour extérieure, la tristesse habituelle des visages et des choses avait fait place à une terreur et à un désordre qu'il est difficile de décrire. Des garçons de service, armés de bâtons, de fourches et de fléaux, avaient d'abord poursuivi un gros chien qui venait d'effrayer le village en en mordant plusieurs autres. Harcelé et blessé, mais rendu plus furieux encore par ces blessures, l'animal ne s'était plus borné à piller les quadrupèdes; il avait mordu deux des assaillants; puis, trouvant la porte de la ferme seigneuriale ouverte, il s'était glissé dans la cour et avait été s'acculer à un enfoncement de la muraille pareil à un four.

      À la porte du pont-levis, tout le monde s'était arrêté; M. de Chazelay lui-même, au lieu d'aller à l'animal avec son fusil de chasse, s'était enfermé au château; une frayeur superstitieuse semblait avoir cloué tout le monde au seuil de ce château fatal, qui, même dans d'autre temps, n'était pas abordé sans effroi.

      Ce chien était la forme visible du mauvais génie qu'on disait avoir pour ces lieux une prédilection amère et néfaste.

      Cependant, les chevaux attachés dans leur écurie, les bœufs et les vaches dans leurs étables, les chiens enfermés dans leurs loges, faisaient entendre des lamentations et des aboiements dont tous les cœurs étaient glacés.

      S'il y a du bruit en enfer, ce bruit doit ressembler aux cris de détresse qui sortaient en ce moment-là du château maudit. À travers cet orage de gémissements, on entendait çà et là quelques voix de femmes, sans doute quelques servantes et des filles de chambre que le chien avait surprises dans leurs travaux et qui, réfugiées derrière leur abri mal assuré, appelaient au secours.

      En arrivant dans la première cour, le docteur jeta un regard autour de lui. Il vit deux hommes qui lavaient leurs plaies à une fontaine; l'un était mordu à la joue, l'autre à la main. Il avait prévu le cas et s'était muni d'un acide corrosif pour donner les premiers soins aux blessés.

      Jacques Mérey sauta à bas de son cheval, courut à eux, tira son bistouri, débrida les plaies, et, dans les sillons tracés par la lame d'acier, injecta l'acide qui devait prévenir les effets de la morsure de l'animal. Puis, les malades pansés, il s'informa où était le chien, et ayant appris qu'il était dans la seconde cour, où personne n'osait pénétrer, il écarta ceux qui lui barraient le chemin et entra seul résolument et sans armes.

      Les paysans jetèrent un cri d'épouvante en voyant le docteur marcher droit à cet enfoncement dans lequel était tapi le chien, et là, s'arrêtant la bouche souriante, mais les lèvres légèrement retroussées sur ses dents blanches, fixer son regard sur celui du chien. Tous croyaient que l'animal furieux allait se précipiter sur le docteur; mais au contraire, le chien, qui était arc-bouté sur ses quatre pattes, s'abattit avec un gémissement plaintif. Puis, comme attiré par une force irrésistible, il sortit en rampant de l'enfoncement où il était à moitié caché. La fureur de son œil sanglant était tombée; sa gueule, ouverte et remplie d'une écume fétide, s'était fermée; il se traîna jusqu'aux pieds du docteur comme un coupable qui implore sa grâce, ou plutôt comme un malade qui demande sa guérison; humble, désarmé, vaincu par une force occulte, l'animal semblait se calmer dans cette force et déposer sa rage aux pieds de l'homme invulnérable qui le regardait doucement et tranquillement.

      Le docteur fit un signe, le chien se redressa sur ses jambes de devant, et s'assit, levant des yeux craintifs et suppliants vers le docteur, qui posa sa main sur la tête hérissée et frémissante de l'animal.

      À ce spectacle, l'admiration des paysans éclata; ils n'avaient jamais lu les récits que les poètes nous ont laissés d'Orphée endormant le chien Cerbère et refoulant au fond de sa gorge le triple aboiement du monstre. Mais ces naïfs enfants de la nature n'en furent que plus émus de la nouveauté du prodige; ils se demandaient les uns aux autres ce que le docteur avait pu jeter dans la gueule de l'animal enragé, et en vertu de quelle loi cet homme commandait à l'aveugle fureur.

      Enhardis de plus en plus devant l'attitude soumise du chien devant lequel ils tremblaient et reculaient tout à l'heure, les hommes armés d'instruments aratoires s'approchèrent pour le tuer; mais le docteur, se tournant vers eux avec autorité:

      —Arrière! dit-il; qu'aucun de vous ne touche à ce chien, je vous le défends; celui qui lui ferait le moindre mal serait un lâche. D'ailleurs, ce chien est à moi.

      Alors, les paysans confondus lui proposèrent des cordes pour lui lier les pattes.

      —Non, dit Jacques en secouant la tête, il n'est pas besoin de cordes, croyez-moi; il me suivra de lui-même, et sans qu'il soit nécessaire de l'y forcer.

      —Mais, au moins, crièrent plusieurs voix, muselez-le, docteur, muselez-le!

      —Inutile, répondit Jacques Mérey; j'ai une muselière plus solide que toutes celles dont vous pouvez vous servir pour lui maintenir la gueule.

      —Et cette muselière, quelle est-elle? demandèrent les paysans.

      —Ma volonté.

      Cela dit, il fit un signe au chien.

      L'animal, à ce geste, se dressa sur ses quatre pattes, releva et fixa sur l'œil de son maître son œil obéissant et fatigué, poussa par trois fois un aboiement plaintif, et suivit Jacques Mérey avec la même obéissance joyeuse que s'il lui eût appartenu depuis longtemps.

       Comme quoi le chien est non seulement

       l'ami de l'homme, mais aussi l'ami de la femme

       Table des matières

      Le lendemain, Jacques Mérey reçut un message du château. Dans une lettre tout juste assez polie pour ne pas être blessante, le seigneur de Chazelay, qui cependant à la vue du chien s'était retiré et enfermé chez lui, le seigneur de Chazelay, qui se piquait d'être un esprit fort, témoignait ne point croire au miracle accompli la veille par le docteur, quoique de sa fenêtre il eût pu voir ce miracle s'accomplir.

      Un chien s'était en effet glissé dans la ferme du château, et de la première cour était entré dans la seconde, où il avait porté le trouble et le désordre avec lui; mais ce chien était-il réellement enragé?

      Là était le doute; que des gens simples et ignorants crussent à la fascination du regard et de la volonté, rien n'était plus naturel; mais des gens instruits et bien nés ne pouvaient raisonnablement admettre de semblables prodiges.

      Comme cependant le docteur avait fait preuve d'énergie et de résolution en affrontant la morsure d'un chien qui paraissait être enragé, le châtelain lui envoyait deux pièces d'or, qu'il le priait d'accepter à titre d'honoraires.

      Jacques Mérey déchira la lettre et refusa les deux pièces d'or. La science n'était pas la préoccupation

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