Reborn. Miriam Mastrovito
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Le cadeau dans les bras, elle sortit. Elle actionna le moteur du volet métallique et attendit patiemment qu’il termine sa descente, puis se pencha pour fermer le cadenas. Elle soupira quand elle remarqua que le paquet gênait ses mouvements mais n’osa pas le déposer un instant.
«Tu as besoin d’aide?» La voix dans son dos la fit sursauter.
«Non» répondit-elle sans se retourner. Ce timbre ne lui était que trop familier.
« Laisse-moi au moins tenir la poupée» insista l’homme.
«Tu m’as épiée! Tu l’as encore fait!» siffla-t-elle en continuant à triturer le cadenas.
«Ce n’est pas compliqué de deviner ce qui peut sortir de ta boutique… Je passais par hasard et je voulais juste me rendre utile.»
Un coup sec et le loquet s’enclencha enfin. Elga se releva et se retrouva face à face avec son interlocuteur, qui s’était rapproché. Elle lui pointa un index sur le torse, affichant une fausse assurance, son ongle laqué de rouge semblable à une tache de sang sur la chemise noire. « Cela t’arrive un peu trop souvent ces derniers temps de passer par hasard dans les endroit que je fréquente » constata-t-elle avec agacement.
Le jeune homme ne répondit pas et se limita à lever une main pour effleurer la sienne. D’un geste brusque, la femme échappa au contact inopportun. «Un jour ou l’autre, je pourrais te dénoncer pour stalking» le menaça-t-elle en se mettant en route.
Il resta où il était. «Oh non, tu ne le feras pas» murmura-t-il en reniflant ses doigts, ses yeux gris emplis de désir suivant la silhouette qui s’éloignait.
***
À cette heure de la soirée, les rues de la ville étaient presque désertes. Elga accéléra le pas en se retournant de temps à autre pour s’assurer qu’elle n’était pas suivie. Elle dépassa rapidement l’hôtel de ville, descendit l’avenue et pénétra enfin dans un labyrinthe de ruelles. La vieille maison rénovée dans laquelle elle habitait se trouvait dans une petite rue anonyme du centre historique. Lorsque Andrea l’avait achetée, elle n’était qu’une ruine, mais ils l’avaient remise à neuf ensemble, apprenant à en aimer chaque centimètre carré. Maintenant qu’elle était seule, elle l’aimait encore plus, parce que tout dedans la ramenait en arrière et l’aidait à garder ses souvenirs vivants. Comme d’habitude, elle ouvrit la porte en évitant de faire trop de bruit. Bien que ses voisins soient de braves personnes, la discrétion ne faisait pas partie de leurs qualités, et ils étaient toujours prêts à bondir derrière leurs fenêtres pour se tenir informés de ce qu’il se passait et avoir constamment de nouveaux sujets de conversation. Typique des vieux quartiers d’une ville de province où même un éternuement de trop suffit pour faire l’actualité.
Personne ne sortit tandis qu’elle tournait la clé dans la serrure, mais Elga savait avec certitude qu’au moins madame Costanza était postée derrière la porte-fenêtre de son entresol pour surveiller ses mouvements.
Ce soir-là, elle ne s’arrêta pas au premier étage comme elle le faisait toujours, mais se rendit tout droit au deuxième, où se trouvaient les chambres à coucher. Elle entra dans celle de Martina et, après avoir sorti la poupée de la boîte, la plaça au milieu du matelas.
«Pour toi, ma puce» murmura-t-elle avant de descendre à la cuisine terminer la garniture du gâteau déjà cuit à l’aube.
Elle le farcit de crème pâtissière et le recouvrit d’un glaçage au chocolat noir. Avec du chocolat blanc fondu, elle écrivit “Bon anniversaire”. Une poignée de papillons en sucre coloré compléta la décoration.
Une fois le travail terminé, elle le laissa reposer au réfrigérateur et, alors seulement, s’offrit un bon bain chaud et mangea un repas léger pour le dîner.
À vingt-trois heures, elle était déjà en pyjama et n’avait absolument pas sommeil. Elle mit un peu de musique et tenta de passer le temps en peignant les poupées qui occupaient le canapé du séjour. Elle choisit Romina, yeux noisette, joues joufflues et longues tresses dorées. Elle les défit délicatement et commença à la coiffer. Il ne fallut pas longtemps pour que l’image des mèches blondes lissées par le mouvement hypnotique de la brosse se superpose à celle des boucles auburn de sa fille. Ils étaient impossibles à brosser et la petite les détestait. «Pourquoi ils ne sont pas lisses? Je les voulais comme les tiens, pas comme ceux de papa» se plaignait-elle, et les rôles s’inversaient bien souvent. Sa maman s’asseyait et Martina s’amusait à jouer avec cette longue chevelure qui n’avait que la couleur en commun avec la sienne.
Elga avait pleuré en voyant les fils blancs se multiplier rapidement dans ses cheveux cuivrés. C’était arrivé immédiatement après l’accident et l’avait fait souffrir. Pas parce qu’elle n’aimait pas commencer à vieillir à trente-deux ans, mais parce que, en plus de sa couleur naturelle, elle avait le sentiment de perdre un autre morceau de sa fille, qui lui avait déjà été enlevée. Elle avait commencé à les teindre dans les mêmes tons, mais cela ne faisait que ressembler à l’original. Un ersatz, comme tout le reste.
“I want it to be perfect as before, I want to change it all…” chantait Robert Smith alors que ces souvenirs se pressaient dans sa tête; ces paroles la ramenèrent au présent et lui arrachèrent un sourire ironique. Elles semblaient avoir été prononcées exprès pour elle. Bien sûr qu’elle aurait voulu tout changer.
Elle déglutit et se força à chasser les larmes. Elle ne voulait pas pleurer à nouveau, c’était un jour de fête après tout.
Elle éteignit le lecteur de CD, se rendit à la cuisine, couvrit la table de la nappe brodée qu’elle réservait aux anniversaires, y plaça le gâteau, termina de le décorer avec dix bougies et alla se coucher. Elle se retourna longuement sous les couvertures avant de trouver le sommeil, mais elle s’écroula enfin, vaincue par la fatigue.
***
Immergée dans un profond sommeil, elle sentit un souffle glacial dans son cou. Elga eut l’impression que quelqu’un respirait contre sa peau. Instinctivement, elle essaya de se tourner mais fut incapable de bouger. Toutefois, elle perçut clairement une présence dans son dos, comme si quelqu’un s’était glissé dans le lit et l’enlaçait par derrière, la serrant tellement fort que cela entravait tout mouvement. “Martina?” La question prit forme dans son esprit, mais elle ne la prononça pas à haute voix, ou c’est du moins ce qu’il lui sembla, car elle aurait juré être encore endormie.
Pour toute réponse, une petite main d’enfant lui attrapa le bras.
À ce geste, le souffle lui manqua. Dans une tentative d’aspirer plus d’air, elle renifla, et une forte odeur de terre mouillée emplit ses narines.
Ce n’était absolument pas l’odeur de sa fille, mais cette main désespérément agrippée à la sienne…
«Martina?» haleta-t-elle. La sensation d’étouffement se fit plus intense mais elle n’éprouvait ni peur, ni douleur; la puissance de cette étreinte semblait pouvoir broyer la solitude et Elga désirait s’abandonner à cette étrange morsure de glace et de caoutchouc-mousse.
Tu es là, ma puce, pensa-t-elle tandis que des larmes chaudes coulaient sur ses joues. Puis, subitement,