Reborn. Miriam Mastrovito

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Reborn - Miriam Mastrovito

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s’est faufilée chez moi cette nuit. Elle dit qu’elle est ma fille.» La voix d’Elga, qui s’était entretemps relevée pour les rejoindre, se superposa à la sienne. « Je ne sais pas comment elle a fait, mais les photos… » Elle se figea brusquement, mettant fin au flot de ses paroles. Elle fit subitement le point sur l’image qui s’offrait à elle et, tout aussi rapidement, celle-ci atteignit son cerveau avec quelque chose qui clochait.

      «Tu la connais.» Elle pointa Costanza d’un doigt accusateur. Ce n’était pas une question. La familiarité avec laquelle ces deux-là se tenaient par la main était bien trop éloquente.

      «Bien sûr que je la connais» répondit-elle stupéfaite.

      «Alors, c’est toi! C’est toi qui m’as fait ce…» Son index tremblait maintenant au même rythme que ses lèvres.

      La voisine fit quelques pas dans sa direction sans lâcher la main de Rea, tremblante elle aussi et le visage strié de larmes. «Qu’est-ce que je t’ai fait? Tu te sens mal? Je peux faire quelque chose pour t’aider?»

      Elga recula.

      «Tu la connais.»

      «Bien sûr que je connais ta fille. Je l’ai vue naître!»

      «Ce n’est pas ma fille!» La femme haussa le ton de quelques octaves.

      Surprise et inquiétude vinrent assombrir le visage de son interlocutrice.

      «Comment ça? Tu veux me faire croire que tu ne connais plus Rea?»

      La petite se glissa derrière elle comme pour se défendre, cachant son visage dans le châle en laine qui lui retombait sur le dos.

      «Martina. La réponse sortit dans un souffle. Ma fille s’appelait Martina, et elle est morte.»

      «Tu es déboussolée… Tu te trompes. Ta fille s’appelle Rea et tu lui fais peur. La vieille dame fit une pause. Tu as pris tes médicaments?» ajouta-t-elle prudemment.

      Elga ignora la dernière question

      «C’est toi qui es déboussolée manifestement, siffla-t-elle. Je ne sais pas à quel jeu vous jouez mais, si tu me permets, je connais parfaitement le prénom de ma fille et je sais aussi à quoi elle ressemblait. Celle-ci ne lui ressemble même pas. Martina avait les cheveux bouclés et auburn, les yeux foncés et n’avait pas de taches de rousseur, elle est… Elle est… Oh bordel!» La vision délirante qui venait de prendre forme dans sa tête provoqua un haut-le-cœur qui lui remonta dans la gorge.

      Cette idée était folle, mais elle connaissait ces traits. Ce n’étaient pas ceux de sa fille, non, et pourtant elle avait déjà vu ce visage, plus même : elle l’avait modelé.

      Sans rien ajouter, elle courut vers l’escalier qui menait à l’étage supérieur.

      Elle entra comme un furie dans la petite chambre de la fillette, droit vers le lit. Sa gorge se serra lorsqu’elle réalisa que la poupée n’était plus à sa place. Les petites fleurs du couvre-lit intact dansèrent devant ses yeux, mêlées à un tourbillon d’étincelles informes de la même couleur, et un voile noir tomba finalement sur ce ballet.

      Chapitre 4

      … but then [3]

       I dreamt I had awakened from a dream that I was awake where all dreams are real and being awake was a mistake. Somnium - Christian Death

      Elle eut l’impression de se réveiller d’un long sommeil. Ce ne fut pas le baiser d’un prince, mais la sensation désagréable d’avoir la tête bourrée de coton et un faible bourdonnement qui rappelèrent Elga à la réalité; immédiatement, les contours d’un visage vaguement familier occupèrent son champ de vision.

      «Bienvenue!» l’accueillit la voix de baryton du docteur Abruzzo. Deux incisives de lapin firent leur apparition sous son épaisse moustache noire, dessinant une grimace qui se voulait un sourire. Deux doigts boudinés s’emparèrent rapidement du poignet de la patiente. «Comment vous sentez-vous?»

      Elle ne répondit pas et laissa son regard embrouillé flotter, reconnut sa propre chambre à coucher, tandis que le bourdonnement entendu auparavant s’interrompait pour se transformer en exclamation.

      «Dieu soit loué!» Cela lui suffit pour apprendre que sa mère se trouvait là également. Elle se serait volontiers enfuie à ce point, mais réalisa qu’une aiguille était plantée dans son bras, reliée à une perfusion remplie de liquide transparent.

      «Qu’est-ce que….?» marmonna-t-elle.

      «Vous avez fait un malaise, s’empressa de lui expliquer la médecin en s’installant sur une chaise postée tout près. Vous vous souvenez de ce qu’il s’est passé?»

      «Je ne sais pas… Il y avait une petite fille qui disait être ma fille… Une hallucination je pense…» Elle se redressa difficilement et tenta de recomposer l’horrible puzzle. Au même instant, elle vit les traits de sa mère se crisper jusqu’à transformer son visage en linge chiffonné : les narines de son nez grec vibrèrent à l’unisson avec le rosaire entrelacé dans ses doigts.

      «Les photos de Martina n’étaient plus les mêmes…» ajouta-t-elle indécise.

      «Mon Dieu!» Ce fut un hurlement de rage cette fois, dont le ton exprimait plus la colère qu’une inquiétude sincère.

      «Elisa, calmez-vous. Laissez-moi parler» l’apaisa le docteur Abruzzo avant de se concentrer à nouveau sur Elga.

      «Écoutez-moi attentivement. Vous avez eu une crise et vous vous êtes évanouie. Nous ferons tous les contrôles nécessaires pour comprendre, mais dans l’immédiat j’ai besoin de procéder à une vérification. Je vais vous poser quelques questions de routine, je vous demande juste de répondre sincèrement.» Il avait utilisé presque la même formule à sa sortie du coma après l’accident. Quelques questions de routine pour savoir si sa mémoire était revenue intacte du voyage dans l’au-delà ou si elle avait perdu des morceaux en chemin. Mais c’était différent cette fois. Elga n’était pas tombée dans le coma et se sentait parfaitement maîtresse de ses souvenirs. Elle aurait voulu protester. Toutefois, elle ressentait un certain abattement et préféra ne pas opposer de résistance. Elle se limita à acquiescer faiblement.

      «Vous pouvez me donner votre nom?»

      «Elga… Elga Spinelli.»

      «En quelle année êtes-vous née?»

      «Mille neuf cent soixante-dix-neuf.»

      Elisa fit un signe d’approbation flagrant. Elle était restée figée au pied du lit. Quelques mèches couleur de miel, échappées de son chignon strict, retombaient le long d’une de ses joues. Les mains toujours occupées à égrener le rosaire, ses lèvres minces bougeant à peine, répétant dans un faible murmure les réponses débitées par sa fille. On aurait dit qu’elle priait.

      «En quelle année sommes-nous?»

      «Deux mille treize.»

      «Vous savez où vous êtes en ce

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