Reborn. Miriam Mastrovito
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«Maman, tu te sens mieux maintenant?» Rea entra dans la pièce, interrompant le discours à mi-chemin. Elle tenait un flacon de désinfectant; Elisa la suivait silencieusement avec un étrange sourire sur le visage.
Le regard d’Elga se remplit de terreur, comme si elle avait vu un fantôme. «Tu n’es pas ma fille! Ce n’est pas TOI ma fille!» commença-t-elle à hurler, en proie à la panique.
La petite fondit en larmes, laissa tomber la bouteille et courut se réfugier dans les bras de sa grand-mère.
Le docteur Abruzzo bondit sur ses pieds, clairement énervé. Il ramassa le flacon d’alcool sur le sol, et rejoignit la femme. « Vous êtes contente maintenant?
«Elle n’est pas guérie, n’est-ce pas? Tout est redevenu comme avant» commenta-t-elle d’un air accablé.
«Ce n’est pas le moment, vous comprenez? Occupez-vous plutôt de la petite» répliqua-t-il en lui montrant la porte.
Chapitre 5
All my senses rebel [4] under the scrutiny of their persistent gaze. It took a lifetime to get here, A journey I’ll never make again.
The Trial - Dead can dance
L’orage avait cessé depuis peu. Iuri inspira à fond en sortant de la loge du gardien et se dirigea à pas lents vers la fontaine située au-delà de l’entrée du cimetière monumental. Il tenait de la main droite un bouquet de chrysanthèmes et une cannette vide de l’autre. Il la remplit en faisant attention à ne pas se mouiller et emprunta le petit escalier qui conduisait à la zone souterraine. Si les décès le permettaient, il aimait commencer sa journée de cette façon. Un café en compagnie du brave Filippo et une promenade entre les tombes de gens qu’il n’avait jamais connus de leur vivant mais qui, depuis quelque temps, soulageaient sa solitude. Un nom, deux dates, parfois une épitaphe et une photo étaient tout ce qu’il connaissait d’eux. Ils semblaient pourtant le scruter depuis ces images et, dans certains cas, lui sourire. Iuri aimait s’arrêter sur les détails et imaginer leur existence. Les pierres tombales étaient comme des livres codés qui, si on savait les lire attentivement, révélaient bien plus qu’on ne pouvait le penser.
Giovanni Liuzzi, par exemple, était né en 1920 et décédé en 1943. Sur la photo en noir et blanc qui le représentait, il portait un uniforme militaire. Lire l’inscription “tombé au champ d’honneur” gravée sur la plaque de marbre était inutile pour deviner qu’il s’agissait d’une victime de la dernière guerre mondiale. À en juger par son regard triste, en opposition avec le sourire qu’il affichait, il n’avait pas dû s’enrôler le cœur léger. Comment l’en blâmer d’ailleurs?
Iuri posa la cannette et le bouquet de chrysanthèmes au sol, changea l’eau dans le vase posé sur la tombe, remplaça l’unique fleur sèche par un chrysanthème frais et passa à la suivante. Il répéta l’opération en l’honneur du petit Matteo, décédé en 1971 à seulement dix-huit mois. Le bas-relief d’un petit ange veillait sur son portrait. “Ne le réveillez pas, laissez-le dormir” disait l’épitaphe ternie par les ans.
Les tombes abandonnées à la négligence étaient nombreuses, surtout dans le vieux cimetière. Très souvent, les années écoulées depuis le décès se traduisaient par une distance infranchissable entre les morts et leurs parents encore en vie. Parfois, le manque d’entretien n’était imputable qu’à un manque de temps. Dans un cas comme dans l’autre, cela provoquait un sentiment de mal-être chez Iuri. L’idée qu’un de ces disparus puisse s’être évanoui des souvenirs de ceux qu’il avait aimés pendant sa vie le rendait triste, raison pour laquelle il prenait soin d’eux comme il pouvait. Tour à tour, il nettoyait les tombes, les ornait d’une fleur, contrôlait que les veilleuses étaient toujours allumées. Cette longue file de petits yeux rouges était presque la seule source de lumière disponible dans cette zone souterraine et, en tant que telle, devait être préservée.
Deux ans à peine s’étaient écoulés depuis que Iuri avait emménagé à Gioia et, durant cette période, il avait passé plus de temps au cimetière qu’en-dehors mais, paradoxalement, c’était là qu’il avait retrouvé l’envie de vivre. S’étant enfui de chez lui à quinze ans pour des raisons que personne n’aurait pu comprendre, il avait coupé tout lien avec sa famille. Il avait longuement voyagé, se laissant guider par ses rêves et son instinct, s’arrêtant dans des lieux différents juste assez longtemps pour comprendre qu’il devait encore chercher. Où qu’il soit, il avait toujours gagné de quoi vivre en faisant le même métier, celui qu’il n’avait appris de personne et qui était pour lui une vocation. Préparer les défunts pour leur ultime voyage : c’était sa spécialité et, s’agissant d’une occupation peu convoitée, il n’avait jamais eu de mal à trouver du travail. À trente ans passés, il pouvait désormais se targuer d’une vaste expérience dans ce domaine. Monsieur Di Spirito avait immédiatement reconnu son talent le jour où il avait frappé à sa porte dans l’espoir d’être embauché. En bon chef d’entreprise, il ne l’avait pas laissé s’échapper et la satisfaction des clients avait été sa meilleure récompense. Il n’avait pas fallu longtemps pour que la nouvelle qu’était arrivé en ville un croque-mort jeune et beau, capable de préparer les morts si bien qu’ils semblaient encore vivants soit connue de tous. Bien entendu, depuis qu’il était là, les Pompes Funèbres Di Spirito avaient battu la concurrence. Les autres pouvaient proposer de meilleurs cercueils ou voitures, mais l’amour et le professionnalisme de Iuri pour l’habillage des corps étaient incomparables.
En dépit de l’estime dont il jouissait dans le cadre professionnel, il était toujours resté en marge de la société. Par-dessus tout, son contact permanent avec les défunts poussait la plupart des gens à garder leurs distances, à le regarder de façon soupçonneuse, jusqu’à faire des gestes de conjuration sur son passage, comme s’il portait malheur. Non que cela le dérange. Au fond, Iuri était un misanthrope et il ne voyait aucun intérêt à socialiser. En fréquentant le cimetière, il s’était lié avec Filippo, le gardien, et le vieux Santino qui était presque chez lui dans ce lieu; deux amis étaient déjà plus qu’il ne pouvait en désirer. Mais ce qui l’avait convaincu de rester était de l’avoir trouvée elle, justement là, dans le cimetière de cette petite ville dont il ignorait l’existence il y a peu encore. C’était pour elle qu’il avait voyagé si longtemps, l’avait cherchée pendant une éternité et quand il l’avait enfin eue face à lui, il avait compris avoir retrouvé sa place dans le monde.
Son téléphone