Reborn. Miriam Mastrovito

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Reborn - Miriam Mastrovito

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nom de sa fille, la femme accéléra le pas. «Laissez-la partir!» cria-t-elle en se jetant sur le cercueil.

      La petite fille s’accrocha à elle, la serrant dans un étau qui l’empêcha presque de respirer. « Maman, aide-moi! Dis-le toi aussi, dis-leur que je ne suis pas morte, je ne veux pas être enfermée ici!»

      Elga lui rendit son étreinte puis, d’une main tremblante, lui caressa la tête. Une larme lui mouilla les doigts alors qu’ils couraient sur les mèches soyeuses. Ce contact provoqua un frisson le long de son dos, mais la sensation de plaisir initiale se transforma soudain en quelque chose de différent.

      Faux. Ses cheveux sont faux, fut tout ce qu’elle arriva à penser avant de poser les yeux sur la petite tête appuyée contre sa poitrine. La chevelure noire l’atteignit comme un coup de fouet en plein visage.

      «Nooooon!» hurla-t-elle, et elle la repoussa si violemment qu’elle la fit tomber.

      Le docteur Abruzzo se jeta en avant, tentant maladroitement de l’attraper avant qu’elle ne touche terre. Il réussit à lui saisir un poignet et, au même instant, il y eut un claquement, semblable au bruit de quelque chose qui se brise. L’homme resta immobile, le petit bras à la main, pendant que le reste du corps de la petite s’écrasait au sol, éclatant en mille morceaux.

      La tête de Rea roula aux pieds de sa maman, ses yeux vitreux paraissaient la fixer, dans un visage qui n’était plus humain.

      «Voilà, tu l’as cassée, pontifia Elisa en se baissant pour ramasser le buste en tissu. Tu abîmes toujours tout!» s’énerva-t-elle en l’agitant sous le regard abasourdi d’Elga. De petits morceaux d’éponge voltigèrent autour d’elle comme des confettis. Ce n’était pas une fillette en chair et en os.

      «C’est juste une poupée… La poupée…»

      ***

      «La poupée…» répéta Elga en s’éveillant. Elle était couverte de sueur et son cœur battait à tout rompre. Il n’y avait aucune aiguille dans ses bras, mais elle se souvenait vaguement avoir avalé quelques comprimés sous le regard vigilant du médecin avant de se rendormir. Un sommeil artificiel, même s’il n’avait pas été vide de rêves, qui durait depuis… Combien de temps? La femme réalisa qu’elle avait perdu la notion du temps. Il lui sembla se rappeler que le soir était tombé lorsque le docteur Abruzzo, à la fin de son interrogatoire exténuant, avait pris congé en lui recommandant le repos absolu. La lumière qui filtrait maintenant par les fenêtres entrouvertes lui suggérait qu’il faisait de nouveau jour.

      Sa mère n’était pas revenue, aucune trace de l’étrangère.

      Elle se leva lentement, affaiblie, sa tête tournait; titubante, elle se dirigea vers la porte. L’ouvrit sans faire de bruit et jeta prudemment un coup d’œil sur le palier. Il n’y avait personne dans les parages et la maison semblait plongée dans le silence.

      L’idée de tomber à nouveau sur Rea, qui ou quoi qu’elle soit, la terrifiait mais elle ne pouvait pas rester confinée dans sa chambre pour toujours. Elle prit son courage à deux mains et continua vers l’escalier. Devant la petite chambre de Martina, elle eut envie d’entrer pour contrôler si la poupée était de retour, mais le courage lui manqua.

      Plus tard, se dit-elle en descendant à l’étage inférieur.

      Elle franchit le seuil de la cuisine en tremblant. Les volets étaient grand ouverts et une chaude lumière de septembre inondait la pièce. La télévision était allumée, réglée à très faible volume sur un quelconque bulletin d’informations, signe incontestable de la présence de sa mère.

      Elisa était assise sur le canapé, elle sirotait une tasse de lait en suivant attentivement les images qui défilaient sur l’écran. Elle avait empilé les poupées dans un coin pour se faire une place.

      Elga enregistra ce détail en étouffant à grand-peine un geste d’agacement profond. Elle remarqua en même temps que la petite fille n’était pas là. Se serait-elle évanouie comme les rêves à l’aube? Aurait-elle tout imaginé? Elle l’espéra intensément, bien qu’une voix intérieure persiste à lui souffler l’idée que quelque chose faussait toujours dans le cadre.

      «Tu es réveillée» commença Elisa en l’aperce­vant. Tu en veux un peu aussi?

      «Tu sais que je n’aime pas le lait…»

      «Oh!» répondit l’autre aussi dépitée que si elle venait d’apprendre une mauvaise nouvelle. J’espère au moins que la nuit t’a porté conseil.

      «Quel jour on est?»

      «Mercredi… C’est hier que tu as perdu la tête, si c’est ça que tu veux savoir. Je suis restée ici toute la nuit. Tu peux imaginer à quel point c’était désagréable de dormir assise sur le canapé avec toutes ces horreurs autour. Bref, je me suis occupée de la petite. Je lui ai expliqué que tu es malade et qu’elle doit être patiente, et ce matin je l’ai accompagnée à l’école.» Elle se tut un instant seulement, peut-être parce qu’elle perçut une étrange lueur dans le regard de sa fille, puis poursuivit: «Tu sais que l’instruction est la chose la plus importante. Il ne fallait pas lui faire rater le premier jour d’école parce que tu as subitement recommencé à perdre la tête et puis… Comment justifier son absence? Tu comprends bien que certains détails malsains ne doivent pas filtrer à l’extérieur. Je n’ose même pas imaginer ce que les gens diraient s’ils savaient que tu es devenue folle.»

      «Je ne suis pas folle» murmura Elga, mais l’autre ne sembla pas l’entendre. Non qu’elle eût imaginé le contraire, elle la connaissait depuis toujours. Sa mère était ainsi faite, quand elle commençait à parler elle était comme un fleuve en crue et n’admettait aucune réplique. Elle donnait parfois l’impression d’avoir même oublié son interlocuteur, continuait à exprimer ses pensées, indifférente à tout et tous. Et pour ce qui était des insultes, elles n’avaient jamais cessé de faire mal mais, après des années de dur entraînement, Elga ne les remarquait plus. Elle n’était pas la fille qu’Elisa aurait voulu et elle ne perdait une occasion de le souligner. Point.

      «Bien, nous sommes d’accord sur le fait que nous ne dirons rien de ce qu’il s’est passé. Quoi qu’il en soit, tu as retrouvé la mémoire? Le docteur Abruzzo a dit qu’après suffisamment de repos et grâce aux médicaments qu’il t’a donnés, tu reprendrais tes esprits… Tu as retrouvé la raison, n’est-ce pas? Non, parce que j’ai un tas de choses à faire, je ne peux pas rester ici, j’ai confié Fernando à la voisine, je ne peux pas abuser de sa disponibilité et puis… N’oublie pas, Rea a besoin de toi.»

      Elga ressentit une douleur à l’estomac. Le jour n’avait pas chassé les hallucinations finalement. Elle serra les poings. «Je.Ne.Connais.Aucune.Rea» martela-t-elle.

      «Oh, Jésus, Jésus, tu l’entends? Cette femme me fera mourir de chagri!» Elisa se leva d’un bond et tourna les yeux vers le plafond. Elle sortit le chapelet de la poche de sa chemise et continua à tourner en rond quelques minutes en suivant le périmètre de la pièce, murmurant les versets de quelque prière. Enfin, elle s’arrêta et darda son regard sévère dans celui de sa fille. «Écoute, dit-elle, je sais très bien que tu as subi un traumatisme en perdant ton mari. J’ai moi aussi souffert énormément quand papa est mort et je comprends ce que l’on éprouve, mais deux ans sont passés et il est temps d’aller de l’avant. Je sais, je sais… Le docteur Abruzzo m’a expliqué l’histoire… Rea a distrait Andrea avec ses caprices et dans ton inconscient,

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