Reborn. Miriam Mastrovito

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Reborn - Miriam Mastrovito

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folle.

      Réfléchis, se dit-elle en cherchant une solution. Pour commencer, il lui fallait des preuves de l’existence de Martina, sa seule vraie fille, que tous semblaient avoir écartée. Instinctivement, elle courut recontrôler les photos alignées sur le manteau de la cheminée. Elle espéra un instant qu’elles seraient redevenues normales, mais l’image de la fillette brune revint blesser son regard. C’était toujours elle qui occupait indignement la place de sa fille sur les clichés et elle paraissait même la défier de ses grands yeux bleus. Elle prit acte du fait que c’était une voie sans issue et dirigea son attention ailleurs.

      Elle commença à fouiller partout, cherchant désespérément quelque chose qui ait conservé une trace de son existence. Elle courut vers le buffet et chercha la tasse de Blanche-Neige, celle qu’elle avait fait personnaliser avec son prénom et remplie de bonbons pour fêter la réussite de son année.

      “Rea”, lut-elle avec horreur. Elle la jeta au sol et se précipita vers la salle de bain. Elle inspecta l’armoire pour y récupérer deux serviettes sur lesquelles elle avait fait broder les initiales de la fillette.

      “R. L.” Elle les jeta en l’air et poursuivit.

      Fébrile, elle sortit de vieux albums photos, des cartes de vœux reçues de Martina, des dessins, des travaux scolaires… Rien! Le prénom et l’image de Rea s’affichaient partout.

      Après avoir retourné une bonne partie de la maison de long en large, la femme s’obligea à affronter la dernière pièce, celle qui avait exercé sur elle un appel irrésistible dès son réveil, mais qui la terrorisait tout autant.

      Elle ouvrit prudemment la porte et entra à petits pas. Son regard tomba immédiatement sur le lit. La poupée manquait, exactement comme le matin précédent. Elga tenta de ne pas y penser et poursuivit sa recherche, attentive à ne rien casser cette fois et à remettre à sa place chaque objet examiné. La petite chambre semblait parfaitement en ordre, mais le fait que le sac à dos de Martina n’était plus à sa place ne lui échappa pas, signe évident que sa mère était visiblement passée par là. En vain, elle examina les initiales imprimées sur le sac que la petite emmenait à l’école de danse, la signature sur quelques vieux cahiers, les petites lettres en bois pendues à un mur et qui composaient son prénom.

      Ce fut lorsqu’elle examina le contenu des tiroirs qu’elle le remarqua. Au début, elle entendit une sorte de bourdonnement ténu provenant du sol. Elle se pencha pour regarder sous la chaise et la vit. La poupée était là, sur le dos, étendue sur le carrelage. Le bruit étrange semblait provenir de son buste. L’esprit d’Elga pensa instinctivement à certaines poupées très en vogue dans son enfance, capables de parler ou de chanter grâce à des disques qui s’inséraient dans leur dos. Lorsque la voix se taisait et qu’on ne les arrêtait pas, elles continuaient à tourner à vide en émettant un craquement agaçant. Elle frissonna. Sa poupée n’était pas dotée d’un tel mécanisme et ne pouvait émettre aucun son.

      Avec beaucoup de précaution, elle l’effleura puis la tira délicatement à elle. L’incroyable ressemblance avec Rea l’atteignit à nouveau comme un coup à l’estomac. Elle éprouva de la nausée à la seule idée de la toucher encore; elle prit deux profondes respirations et rassembla son courage. Elle l’attrapa et, après l’avoir retournée, souleva sa robe. Elle examina le dos à la recherche d’une improbable tirette ou autre ouverture.

      Crétine! se dit-elle. Il était clair qu’il n’y avait rien et pourtant, il lui sembla encore entendre le bourdonnement en la manipulant. Elle fut prise d’un sentiment d’horreur qui lui tordit les intestins. Sans réfléchir, elle se leva d’un bond, enferma la poupée dans l’armoire et retourna se réfugier dans la cuisine.

      Chapitre 7

      And when that star goes by [6]

       I’ll hold it in my hands and cry. Her love was mine. You know my sun will shine.

       Eloise - The Damned

      Les doigts de Iuri couraient sur les touches du piano. Les notes d’une Nocturne de Chopin voltigeaient entre les murs tandis que ses yeux fermés suivaient des images lointaines.

      Elle était assise sur le tabouret, à ses côtés, les mains posées sur les genoux, le regard fixé sur les siennes. Elle ne portait qu’une chemise de coton blanc, ses cheveux, dénoués dans l’intimité, tombaient en douces ondulations auburn le long de son dos. Iuri pouvait sentir son souffle chaud lui effleurer le cou et un léger parfum épicé s’insinuer dans ses narines. Le feu allumé dans la cheminée répandait une agréable tiédeur dans la pièce et la réverbération des flammes marbrait les ombres d’orange.

      “Joue encore. Joue encore pour moi” semblait demander chaque fibre de son corps, et lui continuait à jouer comme s’il ne devait jamais s’arrêter, comme si ne pas cesser pouvait suffire à la garder là pour toujours…

      ***

      Pour toujours… L’arrière-goût amer de cette promesse non tenue arrêta ses doigts malgré tout.

      Subitement, il se figea, frappa le clavier de la paume des mains, se prit la tête et commença à la secouer lentement.

      Il ne l’avait plus vue le jour précédent. Il s’était rendu à la boutique mais avait trouvé le rideau baissé et aucun panneau ne justifiait cette fermeture imprévue.

      Était-elle malade?

      Cela lui semblait improbable car elle lui avait semblé en très bonne forme la veille au soir et cela ne lui ressemblait pas de rester loin de son atelier. Il l’avait vue plus d’une fois aller travailler le regard fiévreux et le nez qui coulait.

      Il devait s’être passé quelque chose de grave, quelque chose qui l’avait empêchée de sortir… Oui, car il était passé plusieurs fois devant sa maison, au moment du repas, l’après-midi et à l’heure à laquelle elle rentrait habituellement le soir. Il ne l’avait croisée en aucune occasion et, encore plus étrange, il avait toujours trouvé l’habitation plongée dans le silence. Normalement, il entendait de la musique sortir par ses fenêtres.

      La situation le préoccupait. Surtout, ne pas la voir pendant une si longue période lui procurait un désagréable sentiment de vide au creux de l’estomac.

      Il se leva, se dirigea vers sa chambre à coucher, fouilla dans le tiroir de la table de nuit et en sortit une boîte. Il l’ouvrit avec délicatesse et y prit un mouchoir en papier froissé. Le porta à son nez et inspira une bonne fois, comme pour remplir ses poumons de son odeur… L’odeur d’Elga, de son gel douche à la noix de coco, de son brillant à lèvres au miel, de ses larmes. Iuri l’avait ramassé quelques jours plus tôt au cimetière. Il lui avait échappé après qu’elle ait pleuré devant la tombe de son mari et il s’en était emparé sans se faire voir.

      Ce n’était pas la première fois qu’il le faisait. Depuis qu’il l’avait retrouvée, il avait rassemblé plus d’une trouvaille similaire : une serviette utilisée au bar, un gobelet en plastique avec la trace de son rouge à lèvres, un cheveu, des objets récupérés dans ses poubelles… Toucher et renifler des choses qui avaient été en contact avec elle lui donnait le sentiment de la sentir plus proche et stimulait ses souvenirs. Des fragments, difficiles à situer dans un contexte précis, mais suffisants pour lui fournir la certitude d’avoir aimé Elga et d’avoir été aimé d’elle dans une autre vie.

      Un

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