Manon Lescaut / Манон Леско. Книга для чтения на французском языке. Антуан Франсуа Прево

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Manon Lescaut / Манон Леско. Книга для чтения на французском языке - Антуан Франсуа Прево Littérature classique (Каро)

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l’assignation. J’y courus avec impatience. Je sentais néanmoins quelque honte d’aller paraître aux yeux d’un ami, dont la seule présence devait être un reproche de mes désordres, mais l’opinion que j’avais de la bonté de son cœur et l’intérêt de Manon soutinrent ma hardiesse.

      Je l’avais prié de se trouver au jardin du Palais-Royal. Il y était avant moi. Il vint m’embrasser, aussitôt qu’il m’eut aperçu. Il me tint serré longtemps entre ses bras, et je sentis mon visage mouillé de ses larmes. Je lui dis que je ne me présentais à lui qu’avec confusion, et que je portais dans le cœur un vif sentiment de mon ingratitude ; que la première chose dont je le conjurais était de m’apprendre s’il m’était encore permis de le regarder comme mon ami, après avoir mérité si justement de perdre son estime et son affection. Il me répondit, du ton le plus tendre, que rien n’était capable de le faire renoncer à cette qualité; que mes malheurs mêmes, et si je lui permettais de le dire, mes fautes et mes désordres, avaient redoublé sa tendresse pour moi ; mais que c’était une tendresse mêlée de la plus vive douleur, telle qu’on la sent pour une personne chère, qu’on voit toucher à sa perte sans pouvoir la secourir.

      Nous nous assîmes sur un banc. Hélas! lui dis-je, avec un soupir parti du fond du cœur, votre compassion doit être excessive, mon cher Tiberge, si vous m’assurez, qu’elle est égale à mes peines. J’ai honte de vous les laisser voir, car je confesse que la cause n’en est pas glorieuse, mais l’effet en est : si triste qu’il n’est pas besoin de m’aimer autant que vous faites pour en être attendri. Il me demanda, comme une marque d’amitié, de lui raconter sans déguisement ce qui m’était arrivé depuis mon départ de Saint-Sulpice. Je le satisfis ; et loin d’altérer quelque chose à la vérité, ou de diminuer mes fautes pour les faire trouver plus excusables, je lui parlai de ma passion avec toute la force qu’elle m’inspirait. Je la lui représentai comme un de ces coups particuliers du destin qui s’attache à la ruine d’un misérable, et dont il est aussi impossible à la vertu de se défendre qu’il l’a été à la sagesse de les prévoir. Je lui fis une vive peinture de mes agitations, de mes craintes, du désespoir où j’étais deux heures avant que de le voir, et de celui dans lequel j’allais retomber, si j’étais abandonné par mes amis aussi impitoyablement que par la fortune; enfin, j’attendris tellement le bon Tiberge, que je le vis aussi affligé par la compassion que je l’étais par le sentiment de mes peines. Il ne se lassait point de m’embras-ser, et de m’exhorter à prendre du courage et de la consolation, mais, comme il supposait toujours qu’il fallait me séparer de Manon, je lui fis entendre nettement que c’était cette séparation même que je regardais comme la plus grande de mes infortunes, et que j’étais disposé à souffrir, non seulement le dernier excès de la misère, mais la mort la plus cruelle, avant que de recevoir un remède plus insupportable que tous mes maux ensemble.

      Expliquez-vous donc, me dit-il : quelle espèce de secours suis-je capable de vous donner, si vous vous révoltez contre toutes mes propositions? Je n’osais lui déclarer que c’était de sa bourse que j’avais besoin. Il le comprit pourtant à la fin, et m’ayant confessé qu’il croyait m’entendre, il demeura quelque temps suspendu, avec l’air d’une personne qui balance. Ne croyez pas, reprit-il bientôt, que ma rêverie vienne d’un refroidissement de zèle et d’amitié. Mais à quelle alternative me réduisez-vous, s’il faut que je vous refuse le seul secours que vous voulez accepter, ou que je blesse mon devoir en vous l’accordant? car n’est-ce pas prendre part à votre désordre, que de vous y faire persévérer? Cependant, continua-t-il après avoir réfléchi un moment, je m’imagine que c’est peut-être l’état violent où l’indigence vous jette, qui ne vous laisse pas assez de liberté pour choisir le meilleur parti ; il faut un esprit tranquille pour goûter la sagesse et la vérité. Je trouverai le moyen de vous faire avoir quelque argent. Permettez-moi, mon cher Chevalier, ajouta-t-il en m’embrassant, d’y mettre seulement une condition : c’est que vous m’apprendrez le lieu de votre demeure, et que vous souffrirez que je fasse du moins mes efforts pour vous ramener à la vertu, que je sais que vous aimez, et dont il n’y a que la violence de vos passions qui vous écarte. Je lui accordai sincèrement tout ce qu’il souhaitait, et je le priai de plaindre la malignité de mon sort, qui me faisait profiter si mal des conseils d’un ami si vertueux. Il me mena aussitôt chez un banquier de sa connaissance, qui m’avança cent pistoles sur son billet, car il n’était rien moins qu’en argent comptant. J’ai déjà dit qu’il n’était pas riche. Son bénéfice valait mille écus, mais, comme c’était la première année qu’il le possédait, il n’avait encore rien touché du revenu : c’était sur les fruits futurs qu’il me faisait cette avance.

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      Примечания

      1

      monsieur, entrez, répondit-elle, et voyez si ce spectacle n’est pas capable de fendre le cœur! – Господин, входите, – ответила она, – и посмотрите, не способно ли это зрелище разорвать сердце!

      2

      je pris le chef en particulier et je lui demandai quelques lumières sur le sort de cette belle fille – я отвел главного в сторону и попросил у него некоторых разъяснений о судьбе этой красивой девушки.

      3

      Il était mis fort simplement – Он был довольно просто одет.

      4

      Ma bourse s’est épuisée en peu de temps, et maintenant que je suis sans un sou – Мой кошелек быстро опустел, и теперь, когда я без гроша

      5

      Hélas! reprit-il, je ne vois pas le moindre jour à l’espérance – Увы! – продолжил он, – у меня больше нет надежды

      6

      je le remis aussitôt – я его тут же узнал.

      7

      vous en

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