Опасные связи / Les liaisons dangereuses. Книга для чтения на французском языке. Пьер Шодерло де Лакло

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Опасные связи / Les liaisons dangereuses. Книга для чтения на французском языке - Пьер Шодерло де Лакло Littérature classique (Каро)

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      « Je réponds d’autant moins de celle-ci, ajouta-t-il, que j’ai lieu de croire qu’elle a un amant, et que je ne la dois qu’au désœuvrement de la campagne. Aussi, sans mon zèle pour le service de Monsieur, je n’aurais eu cela qu’une fois. » (C’est un vrai trésor que ce garçon ! ) « Quant au secret », ajouta-t-il encore, « à quoi servira-t-il de le lui faire promettre, puisqu’elle ne risquera rien à nous tromper ? Lui en reparler ne ferait que lui mieux apprendre qu’il est important, et par là lui donner plus d’envie d’en faire sa cour à sa maîtresse. »

      Plus ces réflexions étaient justes, plus mon embarras augmentait. Heureusement le drôle était en train de jaser ; et comme j’avais besoin de lui, je le laissais faire. Tout en me racontant son histoire avec cette fille, il m’apprit que, comme la chambre qu’elle occupe n’est séparée de celle de sa maîtresse que par une simple cloison, qui pouvait laisser entendre un bruit suspect, c’était dans la sienne qu’ils se rassemblaient chaque nuit. Aussitôt je formai mon plan ; je le lui communiquai, et nous l’exécutâmes avec succès.

      J’attendis deux heures du matin ; et alors je me rendis, comme nous en étions convenus, à la chambre du rendez-vous, portant de la lumière avec moi et sous le prétexte d’avoir sonné plusieurs fois inutilement. Mon confident, qui joue ses rôles à merveille, donna une petite scène de surprise, de désespoir et d’excuse, que je terminai en l’envoyant me faire chauffer de l’eau, dont je feignis avoir besoin ; tandis que la scrupuleuse chambrière était d’autant plus honteuse, que le drôle qui avait voulu renchérir sur mes projets l’avait déterminée à une toilette que la saison comportait, mais qu’elle n’excusait pas.

      Comme je sentais que plus cette fille serait humiliée, plus j’en disposerais facilement, je ne lui permis de changer ni de situation ni de parure ; et après avoir ordonné à mon valet de m’attendre chez moi, je m’assis à côté d’elle sur le lit qui était fort en désordre, et je commençai ma conversation. Comme j’avais besoin de garder l’empire que la circonstance me donnait sur elle, je conservai un sang-froid qui eût fait honneur à la continence de Scipion, et sans prendre la plus petite liberté avec elle, ce que pourtant sa fraîcheur et l’occasion semblaient lui donner le droit d’espérer, je lui parlai d’affaires aussi tranquillement que j’aurais pu faire avec un procureur.

      Mes conditions furent que je garderais fidèlement le secret, pourvu que le lendemain, à pareille heure ou à peu près, elle me livrât les poches de sa maîtresse. « Au reste, ajoutai-je, je vous avais offert dix louis hier ; je vous les promets encore aujourd’hui. Je ne veux pas abuser de votre situation. » Tout fut accordé, comme vous pouvez croire et je me retirais, quand je m’aperçus que mon valet avait emporté mon flambeau au lieu du sien, ce qui donna occasion à une gaîté de ma part. Je priai la belle de me conduire et m’éclairer. Elle voulut faire au moins auparavant un commencement de toilette : mais je l’assurai qu’après ce qui venait de se passer, nous pouvions être sans façon et, tant bien que mal, il lui fallut se prêter à cette plaisanterie. Elle vint ainsi jusques chez moi, et là, je la remis à son tendre amant, en permettant à l’heureux couple d’aller réparer le temps perdu.

      J’employai le mien à dormir ; et à mon réveil, voulant trouver un prétexte pour ne pas répondre à la lettre de ma belle avant d’avoir visité ses papiers, ce que je ne pouvais faire que la nuit suivante, je me décidai à aller à la chasse, où je restai presque tout le jour.

      A mon retour, je fus reçu assez froidement. J’ai lieu de croire qu’on fut un peu piqué du peu d’empressement que je mettais à profiter du temps qui me restait ; surtout après la lettre plus douce que l’on m’avait écrite. J’en juge ainsi, sur ce que Mme de Rosemonde m’ayant fait quelques reproches sur cette longue absence, ma belle reprit avec un peu d’aigreur : « Ah ! ne reprochons pas à M. de Valmont de se livrer au seul plaisir qu’il peut trouver ici. » Je me plaignis de cette injustice, et j’en profitai pour assurer que je me plaisais tant à être avec ces Dames, que j’y sacrifiais une lettre très intéressante que j’avais à écrire. J’ajoutai que, ne pouvant trouver le sommeil depuis plusieurs nuits, j’avais voulu essayer si la fatigue me le rendrait ; et mes regards expliquaient assez et le sujet de ma lettre, et la cause de mon insomnie. J’eus soin d’avoir toute la soirée une douceur mélancolique, qui me parut réussir assez bien, et sous laquelle je masquai l’impatience où j’étais de voir arriver l’heure qui devait me livrer le secret qu’on s’obstinait à me cacher. Enfin nous nous séparâmes, et quelque temps après, la fidèle femme de chambre vint m’apporter le prix convenu de ma discrétion.

      Une fois maître de ce trésor, je procédai à l’inventaire avec la prudence que vous me connaissez : car il était important de remettre tout en place. Je tombai d’abord sur deux lettres du mari, mélange indigeste de détails de procès et de tirades d’amour conjugal, que j’eus la patience de lire en entier, et où je ne trouvai pas un mot qui eût rapport à moi. Je les replaçai avec humeur : mais elle s’adoucit, en trouvant sous ma main les morceaux de ma fameuse lettre de Dijon, soigneusement rassemblés. Heureusement il me prit fantaisie de la parcourir. Jugez de ma joie, en y apercevant les traces bien distinctes des larmes de mon adorable dévote. Je l’avoue, je cédai à un mouvement de jeune homme, et baisai cette lettre avec un transport dont je ne me croyais plus susceptible. Je continuai l’heureux examen ; je retrouvai toutes mes lettres de suite, et par ordre de dates ; et ce qui me surprit plus agréablement encore, fut de trouver la première de toutes, celle que je croyais m’avoir été rendue par une ingrate, fidèlement copiée de sa main ; et d’une écriture altérée et tremblante, qui témoignait assez la douce agitation de son cœur pendant cette occupation.

      Jusque-là j’étais tout entier à l’amour ; bientôt il fit place à la fureur. Qui croyez-vous qui veuille me perdre auprès de cette femme que j’adore ? quelle furie supposez-vous assez méchante, pour tramer une pareille noirceur ? Vous la connaissez : c’est votre amie, votre parente ; c’est Mme de Volanges. Vous n’imaginez pas quel tissu d’horreurs l’infernale mégère lui a écrit sur mon compte. C’est elle, elle seule, qui a troublé la sécurité de cette femme angélique ; c’est par ses conseils, par ses avis pernicieux, que je me vois forcé de m’éloigner ; c’est à elle enfin que l’on me sacrifie. Ah ! sans doute il faut séduire sa fille : mais ce n’est pas assez, il faut la perdre ; et puisque l’âge de cette maudite femme la met à l’abri de mes coups, il faut la frapper dans l’objet de ses affections.

      Elle veut donc que je revienne à Paris ! elle m’y force ! soit, j’y retournerai ; mais elle gémira de mon retour. Je suis fâché que Danceny soit le héros de cette affaire ; il a un fond d’honnêteté qui nous gênera : cependant il est amoureux, et je le vois souvent ; on pourra peut-être en tirer parti. Je m’oublie dans ma colère et je ne songe pas que je vous dois le récit de ce qui s’est passé aujourd’hui. Revenons.

      Ce matin j’ai revu ma sensible prude. Jamais je ne l’avais trouvée si belle. Cela devait être ainsi : le plus beau moment d’une femme, le seul où elle puisse produire cette ivresse de l’âme, dont on parle toujours et qu’on éprouve si rarement, est celui où, assurés de son amour, nous ne le sommes pas de ses faveurs ; et c’est précisément le cas où je me trouvais. Peut-être aussi l’idée que j’allais être privé du plaisir de la voir servait-elle à l’embellir. Enfin, à l’arrivée du courrier, on m’a remis votre lettre du 27 ; et pendant que je la lisais, j’hésitais encore pour savoir si je tiendrais ma parole : mais j’ai rencontré les yeux de ma belle, et il m’aurait été impossible, dans ce moment, de lui rien refuser.

      J’ai donc annoncé mon départ. Un moment après, Mme de Rosemonde nous a laissés seuls : mais j’étais encore à quatre pas de la farouche personne, que se levant avec l’air de l’effroi : « Laissez-moi, laissez-moi, Monsieur, m’a-t-elle dit, au nom de Dieu, laissez-moi. » Cette prière fervente, qui décelait son émotion, ne pouvait que m’animer

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